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Catherine Ethier, humoriste indignée… et endeuillée

Catherine Ethier Photo: Josie Desmarais/Métro

Catherine Ethier a dû dire au revoir à Stella, sa fidèle amie des 15 dernières années, sa «grosse fille», sa «vieille chienne». En deuil de sa coloc à quatre pattes, elle est tout de même montée sur la scène du Théâtre Fairmount, où elle présente son spectacle Araignée du soir dans le cadre du Dr Mobilo Aquafest, qui se tient jusqu’au 10 juin.

«C’est très étrange de devoir être en spectacle», admet-elle, l’émotion dans la voix, en entrevue avec Métro. C’est d’ailleurs avec la même franchise qu’elle est montée sur scène. «Je n’ai pas envie d’être ici ce soir», a-t-elle lancé à un public sympathisant.

Son deuil survient après une «année étrange», une «grosse année» qui a été «remplie de peur». C’était impossible de ne pas parler de Stella en montant sur les planches quelques jours à peine après son départ. «J’ai décidé d’écrire un numéro pour ma grosse fille, alors les gens sont obligés de se taper comment je me sens. Avertissement: je suis un être humain, il se peut que je pleure sur scène!», nous confiait-elle peu avant le spectacle.

Oui, Catherine Ethier a pleuré sur scène. Oui, c’était un spectacle d’humour. Oui, le public a ri. Pas de ses larmes ou de sa perte, bien sûr, mais de ses numéros.

Chroniqueuse, autrice et humoriste à ses heures, elle a su transmuter sa peine en racontant comment elle a déposé une améthyste – elle est fan de cristaux, comme le savent les lecteur.trice.s de son roman, Une femme extraordinaire – à côté de la tête de Stella dans ses derniers instants. Elle explique aussi, provoquant l’hilarité, comment elle parle à une jarre à biscuits en forme de chien depuis ce départ. «Ta mère est un peu coucou», lance-t-elle à sa belle fille qui, on a envie de le croire, la regarde d’en haut.

Indignation et humour

Après l’émotion, l’indignation. La troisième heure de Catherine Ethier – après S’asseoir sur un sabre, doucement et Le droit d’être applaudie, deux spectacles présentés au Mobilo respectivement en 2019 et en 2022 – n’a pas débuté comme elle l’aurait pensé le mois dernier, mais la «madame de 42 ans» a repris son programme initial après ce numéro hommage.

Et ce programme, il est féministe, il est dissident, il est enragé et juste. «C’est un spectacle qui parle de colère et de peur. Je me révolte contre les peurs avec lesquelles on vit. J’ai envie de rire de l’espèce de stupéfaction des hommes qui se demandent pourquoi les femmes sont fâchées de même.»

Ainsi, elle fait filer des numéros sur comment les femmes sont supposées se prémunir pour éviter d’être attaquées en pleine randonnée (comme s’il était normal que des vidéos nous instruisent à laisser le plus d’ADN derrière nous afin d’aider à l’enquête sur notre propre féminicide) ou encore sur cette obsession que les hommes ont du corps, de l’âge et de la sexualité des femmes.

«Plus les années avancent, plus je m’éduque, raconte Catherine à Métro. TikTok a pris une grande place dans ma vie, évidemment pour les vidéos d’animaux (de la thérapie pure), mais aussi parce que mes algorithmes en ont fait une espèce de forum de femmes d’un peu partout qui partagent leur expérience. Ça m’a donné énormément de ressort pour écrire ce spectacle.»

La beauté de la relève

Cette indignation, Catherine Ethier la voit dans la relève humoristique, qu’elle fréquente entre autres en donnant quelques heures de cours sur la chronique éditoriale à l’École de l’humour.

«Il y a énormément de révolte dans l’humour de la relève. C’est quelque chose qui me parle beaucoup, qui m’inspire. Ils sont essentiellement tous féministes, ils sont au courant de l’oppression que vivent leurs pairs. Et ils ne font pas des conférences! C’est du monde tellement drôle! Tellement nono!»

Cette même relève est mise en valeur par le Dr Mobilo Aquafest, né de la volonté d’offrir une scène aux artistes en émergence qui ne trouvaient pas leur place dans de plus grands festivals d’humour.

«Mobilo, c’est le contraire de la censure: c’est la célébration de l’art, c’est punk», estime celle qui est un peu biaisée, son amoureux, Philippe Cigna (alias Tony Légal du duo Sèxe Illégal), étant l’un.e des organisateur.trice.s.

«Je pense que c’est le travail de tous les humoristes que de s’indigner. Quand tu montes sur une scène, quand tu vas devant un Kodak, quand tu es sous les éclairages, bien sûr que tu veux être applaudi, que tu veux de la reconnaissance et que tu veux être aimé. Mais faire de l’humour pour plaire au maximum de gens, je trouve ça particulier.»  

«Si des gens se lèvent et s’en vont de la salle, à mon avis, c’est bon signe. Ça veut dire que tu as dit quelque chose, que tu as dérangé. Ils vont réfléchir, ils vont se chicaner dans l’auto. Peut-être qu’ils ne changeront pas d’avis, mais tu auras touché une corde qui avait été bien pliée dans un petit coffre de cèdre inaccessible», conclut Catherine Ethier.

Elle sera heureuse de savoir qu’alors qu’elle se scandalisait de ces hommes qui refusent de se nettoyer le trouffion, laissant des traces de break dans leurs sous-vêtements parce qu’ils estiment que se laver les fesses «est gai», deux femmes assises près de la scène se sont levées et ont quitté la salle. Trop féministe ou trop scatologique? L’histoire ne le dit pas, mais ça n’aura pas empêché un public en liesse de faire une ovation debout quand l’humoriste a quitté les planches.  

Araignée du soir sera présenté aussi le 8 juin, mais affiche complet. D’autres spectacles du Dr Mobilo Aquafest (Tranna Wintour, Guillaume Wagner et Sèxe Illégal, entre autres) ont toutefois encore quelques billets disponibles. Quant à Catherine Ethier, on peut l’entendre dans plusieurs émissions d’ICI Première.

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