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Investir dans les protéines alternatives et la carpe asiatique

Philippe Poirier Wilder Harrier.
Philippe Poirier cofondateur de l’entreprise Wilder Harrier. Photo: Collaboration spéciale

Une entreprise d’Ahuntsic qui développe de la nourriture pour chiens, Wilder Harrier, propose une solution pour exploiter la carpe asiatique, une espèce envahissante qui menace l’écosystème du Saint-Laurent et surtout de plusieurs lacs nord-américains. Cette innovation s’ajoute à d’autres, démontrant qu’il y a des affaires à réaliser en matière de développement durable. Son cofondateur, Philippe Poirier, explique leur démarche.

Pourquoi êtes-vous allé chercher la carpe asiatique pour en faire de la nourriture pour chiens ?

C’était un projet auquel on réfléchissait depuis trois ans. On a souvent pensé à utiliser les protéines des espèces envahissantes néfastes à l’écosystème parce qu’elles ne sont pas natives de ces régions et posent une menace pour l’environnement. Le problème, c’était la chaine d’approvisionnement, parce que ces carpes sont pêchées aux États-Unis. Pour le moment nous sommes chanceux, ce n’est pas une problématique au Canada. Mais si on ne fait rien, ça va le devenir. La carpe asiatique est à l’ordre du jour de nombreux organismes environnementaux canadiens.

Est-ce que ce poisson n’est pas comestible ?

La carpe a un super profil nutritionnel au niveau des oméga 3 ou des minéraux. Il est d’ailleurs très prisé en Asie. On n’en mange pas en Amérique du Nord parce qu’il a beaucoup d’arêtes et de petits os. On ne peut pas en faire de beaux filets qu’on va vendre à la poissonnerie. On savait qu’au niveau de la sécurité, c’était correct. On a quand même fait analyser le poisson pour décortiquer les nutriments, pour savoir s’il contenait des toxines ou des ingrédients qui seraient néfastes pour la santé. Nous avons fait appel à des spécialistes en nutrition animale et nous avons pu confectionner une recette en utilisant le profil nutritionnel de la carpe.

Est-ce que votre produit est sur le marché ?

Nous avons lancé le produit cet automne, en réglant l’année dernière les derniers pépins qui existaient au niveau de la chaine logistique.

Vous auriez pu développer de la nourriture pour chiens à base de déchets de poissons ordinaires, saumons ou truites par exemple. Pourquoi avoir choisi la carpe asiatique ?

Le but premier de l’entreprise c’est d’avoir un impact environnemental et de changer la façon de faire de l’industrie, qu’on croit néfaste. Si on peut inspirer d’autres joueurs à faire la même chose, ce sera bien. Nous ne réglerons pas le problème de la carpe asiatique tout seul.

Nous avons fondé Wilder Harrier il y a six ans avec le but d’introduire des alternatives qui sont plus écoresponsables, tout en étant nutritives dans le système alimentaire de nos animaux.

On fait cela avec des protéines végétales par la récupération de pulpes de fruits et de légumes d’un manufacturier de jus de fruits qu’on met dans nos produits au lieu de les jeter. On fait cela aussi avec des insectes [poudre de grillons et mouches soldates].

Votre modèle d’affaires semble associer profits financiers et écoresponsabilité. Pourtant, on pourrait penser que c’est inconciliable.

Nous croyons qu’une entreprise doit être profitable financièrement si elle veut atteindre son objectif environnemental et social. Pour Tesla par exemple, si l’auto électrique n’était pas profitable, si elle ne répondait aux attentes des consommateurs, l’impact environnemental pour remplacer les voitures à essence serait beaucoup amoindri.

Pensez-vous être en train de façonner le modèle d’entreprise de demain ?

C’est ce que nous croyons. Notre seul objectif n’est pas la maximisation des profits financiers. Toutes les entreprises doivent avoir un triple bottom line, trois lignes, une de profits, une de gains environnementaux et une de bénéfices sociaux. Nous essayons d’en maximiser chacune et nous voyons les profits financiers comme le gaz qui permet d’atteindre les deux autres.

Vous insistez sur la production locale. Pourquoi ?

Nous essayons d’être conséquents dans nos décisions. Si nous avions des produits qui sont radicalement écoresponsables comme les nôtres, mais qui viendraient de Chine, en émettant toutes sortes de gaz à effets de serre, on manquerait de cohérence.

La formule semble bien fonctionner en tous les cas.

Nous commençons à chercher les marchés internationaux et cela vient avec de nouvelles réflexions. Pour nous la production et l’approvisionnement locaux, c’est super important. Si on commence à exporter, il faudra que nous ajoutions rapidement la production sur place. C’est quelque chose qui s’en vient. Pour le moment, nos deux gros marchés en dehors du Canada, ce sont les États-Unis et la Corée du Sud.

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