Une bière montréalaise qui se recycle
«Avoir du fun en famille ou entre amis et reconnecter les consommateurs à l’origine de leurs aliments», c’est la mission que s’est donnée Traktour, une jeune pousse montréalaise primée en entrepreneuriat d’impact hébergée à HEC Montréal, qui offre des tours agrotouristiques à saveur environnementale et économie circulaire.
Il existe une cinquantaine de microbrasseries dans la métropole. Et si les Montréalais sont friands de bières artisanales et locales, ils n’ont pas souvent connaissance des déchets résultant de sa production.
Le cofondateur de la Coop Boomerang, Alexis Galand, estime à environ 4000 tonnes les drêches produites par chaque microbrasserie. Ces résidus issus du brassage du malt d’orge requièrent une solution de récupération rapide.
«Comme les grains ont été bouillis, après une demi-journée dans les poubelles en arrière de la brasserie, ça commence à sentir mauvais. Imaginez-vous les voisins sur leur terrasse…», explique Alexis avec humour.
Appliquer l’économie circulaire
Mais au-delà des défis liés au voisinage, l’enjeu réside dans la gestion des déchets et le potentiel que ces derniers représentent en tant que matière première. Entre donc en scène l’économie circulaire.
Alors qu’on sait que l’humanité consomme l’équivalent des ressources de 1,7 planète chaque année, l’économie circulaire propose d’optimiser l’utilisation des ces ressources «à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités», explique le Pôle québécois de concertation sur l’économie circulaire.
Présentement, l’économie québécoise ne serait circulaire qu’à 3,5%. La marge de progression est donc grande et les organisations présentées lors des tours agrotouristiques organisés par Traktour innovent pour participer à cet effort.
Sur les traces de la drêche
Le cycle de la drêche de Traktour débute à la microbrasserie L’Espace Public, à Hochelaga-Maisonneuve. Isabelle Levasseur Paquin est gérante du salon de dégustation. En plus de faire goûter aux participants les spécialités de la maison, dont la bière sure aux framboises, elle prend plaisir à faire découvrir leur processus de fabrication.
Les drêches produites ici sont toutes réutilisées. L’Espace Public en donne à un agriculteur de la Rive-Sud comme nourriture pour le bétail et le reste va à la champignonnière Blanc de Gris, elle aussi située dans Hochelaga-Maisonneuve. D’autres microbrasseries vont aussi fournir la Coop Boomerang.
Blanc de Gris et Boomerang réutilisent tous les deux le sous-produit de la fabrication de bière.
Dominique Lynch-Gauthier, cofondatrice de Blanc de Gris, a toujours été passionnée par les champignons et préoccupée par le gaspillage alimentaire. Faire pousser ses pleurotes et hydnes hérissons sur une base faite de drêches «a nécessité de nombreux tests, mais le modèle est aujourd’hui viable», indique-t-elle. L’entrepreneure est fière de ses champignons savoureux vendus aux restaurateurs et au grand public, qui poussent à même un substrat «100% local et circulaire».
Une autre forme de réutilisation des drêches est présentée par la Coop Boomerang, installée dans une ancienne usine textile abandonnée du quartier Ahuntsic. La jeune coopérative offre un service de ramassage des drêches aux petites microbrasseries, les déshydrate et en fait de la farine maltée qui goûte «la mélasse, le caramel et les céréales». La farine est utilisée dans les pains et pâtisseries pour ses qualités nutritive et gustative.
Des visiteurs séduits
Les participants du tour agrotouristique arrivent curieux et ressortent séduits de l’expérience.
Hermann, de Côte-Saint-Luc, pense que «c’est cool de connaître des initiatives locales et innovantes».
Gabrielle, résidente de Rosemont, veut aussi «encourager les producteurs» par sa participation.
Rachel, qui habite à Verdun, évoque l’aspect éducatif du tour. «C’est très intéressant et très informatif.»
Ariane, résidente de Villeray, estime que l’excursion lui a fait «connaître les produits et, par conséquent, [elle] sera plus portée à ce genre d’achats».