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Travail du sexe: quand la stigmatisation tue

Au cours de la dernière année, les cas de violences conjugales ont été plus «lourds» et plus «complexes».
Au cours de la dernière année, les cas de violences conjugales ont été plus «lourds» et plus «complexes». Photo: Bundit Chailaipanich, 123RF

Ce vendredi 17 décembre a lieu la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux travailleuses et travailleurs du sexe (TDS). Alors qu’en novembre dernier l’actualité était marquée par le meurtre d’une travailleuse du sexe dans le Mile End, le regard que la société leur porte n’est pas sans conséquences.

«[Cette journée doit être] un espace de réflexion pour tout le monde, une écoute des travailleuses du sexe qui sont prêtes à parler et un devoir de mémoire pour les victimes de toutes les violences», explique Mélodie Nelson, ancienne TDS et cocréatrice avec Natalia Wysocka du site Nouvelles Intimes qui aborde les questions liées au travail du sexe.

Selon la directrice générale de l’organisme Chez Stella, Sandra Wesley, la pandémie a fait augmenter les violences. Son organisme vient en aide à près de 8000 TDS chaque année.

«Il y a une augmentation de la violence, car dès qu’il y a plus de répression, les agresseurs se sentent plus à l’aise pour nous cibler», dit-elle.

De manière générale, les TDS sont plus à risque de subir des violences physiques, mais aussi psychologiques. Selon Mélodie Nelson, la stigmatisation est une des violences principales que subissent les TDS.

«Ça m’a vraiment réconciliée avec les hommes d’être une travailleuse du sexe, dit-elle. Les violences ne sont pas que dans les rapports avec les clients.»

Les préjugés qui les accompagnent les rendent vulnérables et limitent leur quotidien. Ils se répercutent notamment sur l’accès au logement ou la stigmatisation de leurs proches.

«Être travailleuse du sexe, c’est être énormément isolée, méprisée et incomprise, explique Mélodie Nelson. Quand on parle de travailleuse du sexe, on n’est pas vu comme des femmes et des citoyennes, on a l’impression de ne pas compter.»

«Le stigma est très lié à la criminalisation», dit-elle. Le fait que leur pratique soit considérée comme «criminelle» influence le regard que leur porte la société. Pour Mélodie, le caractère criminel des TDS légitimise aussi auprès des agresseurs leurs exactions.

«On veut des droits, pas des sauveurs»

La criminalisation du travail du sexe rend difficile la demande d’aide des TDS auprès de la police par peur des conséquences que cela engendre.

«C’est extrêmement rare qu’une travailleuse du sexe fasse appel à la police», explique Sandra Wesley.

Selon elle, les TDS craignent de mettre à risque d’autres collègues, ou encore de voir des policiers patrouiller près de leur lieu de travail ou de leur domicile. Cela peut par la suite alarmer le voisinage, mais aussi entraîner des conséquences sur leur travail et donc leurs revenus.

Alors que certaines TDS décident pour leur sécurité de travailler à deux, cette pratique n’est pas sans risque. Si elles souhaitent porter plainte contre un agresseur, elles mettront ainsi à risque leur collègue, qui devra témoigner et sera ensuite aussi repérée par la police.

N’importe quelle travailleuse du sexe qui vient en aide à une autre travailleuse du sexe peut être jugée pour proxénétisme. Un prof qui se fait agresser va pouvoir porter plainte, mais ensuite l’ensemble de ses collègues ne va pas se sentir menacé par la présence policière.

Mélodie Nelson

Sandra Wesley explique que pour les TDS qui n’ont pas la résidence permanente, la réalité est encore plus compliquée. En effet, il leur est impossible de porter plainte, car elles risquent l’expulsion immédiate du territoire.

La débrouillardise des TDS face aux violences

Avec la méfiance vis-à-vis de la police, les TDS doivent développer leurs propres moyens afin de se protéger des violences.

À cause de la criminalisation de leur pratique, aucun registre officiel des clients dangereux ne peut être mis en place. Sandra Wesley explique que depuis 1995, Chez Stella met à disposition des TDS une «liste des mauvais clients». Cette liste leur est ensuite envoyée dans un bulletin mensuel.

Différents organismes tels que PiaMP ou Stella mettent aussi en place des ateliers d’autodéfense pour les TDS.

Selon Mélodie Nelson, des pages Facebook ont été créées par le passé pour communiquer entre TDS. Elles leur permettaient de s’entraider face aux «mauvais clients». Malheureusement, elles se sont vu fermées du jour au lendemain sans explication.

Mme Nelson explique que, pour se protéger, différents outils du quotidien tels qu’un fixateur sur la table de chevet peuvent s’avérer utiles dans un contexte difficile.

Ainsi, autant pour la violence des agresseurs, c’est la violence de la société à l’égard des TDS qu’il faut considérer.

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