La Ville de Beaconsfield exonérée dans le dossier du Bois Angell
La Cour supérieure du Québec a rejeté, le 7 août dernier, les accusations de collusion, de mauvaise foi et d’abus de pouvoir portées contre la Ville de Beaconsfield. La municipalité avait restreint, entre 2010 et 2015, le développement immobilier au Bois Angell dans le but d’y protéger 105 hectares de terres boisées.
Beaconsfield a adopté en 2010 un règlement de contrôle intérimaire (RCI), qui imposait de strictes restrictions sur tout projet de développement immobilier dans le Bois Angell. La firme Yale Properties, qui y possède 32,5 hectares, désirait faire invalider ce règlement, qu’elle comparait à une expropriation déguisée.
Elle souhaitait pouvoir construire 216 maisons, soit 144 unités unifamiliales isolées et 72 unités unifamiliales en rangée, dos à dos.
La firme estimait ne pouvoir construire que 51 maisons unifamiliales isolées sous les contraintes du RCI, une évaluation qui a d’ailleurs influencé la juge Johanne Mainville.
«La Ville a choisi de ne pas imposer un gel complet via le RCI, mais plutôt de revoir à la baisse la densité résidentielle. Yale ayant fait la démonstration que son terrain est constructible, il ne peut être question, en ce qui concerne le RCI de la Ville, d’expropriation déguisée», déclare-t-elle dans un jugement d’une quarantaine de pages.
Environnement
Me Mainville semble, par ailleurs, légitimer le droit d’un conseil municipal de vouloir protéger l’environnement sur son territoire.
«Bien que de se conformer à une règlementation peut constituer une charge supplémentaire, la complexification de l’exercice du droit de propriété ne saurait constituer une expropriation déguisée. La protection de l’environnement est désormais une question d’ordre public», fait-elle valoir.
Le maire de Beaconsfield, Georges Bourelle, considère que cette décision pourrait avoir des conséquences légales dans d’autres municipalités.
«L’environnement est une préoccupation de la société et un droit fondamental canadien. C’est très légitime pour une municipalité de donner une sérieuse considération à l’environnement dans ses actions. La Ville a le droit de restreindre le développement pour bien protéger l’environnement», fait-il valoir.
Notons que Beaconsfield a abrogé son RCI en 2015, mais pas avant que l’agglomération de Montréal gèle tout développement dans le secteur en adoptant son propre RCI relatif à la protection des bois et corridors forestiers métropolitains, dont le Bois Angell fait partie.
S’estimant incapable de développer son terrain, la firme Seda Holdings, qui possède un peu plus de 17 hectares du Bois Angell, poursuit présentement Montréal et Beaconsfield pour un montant de 17,6 M$.
Sainte-Anne-de-Bellevue
Dans une affaire similaire, la Ville de Sainte-Anne-de-Bellevue fait également face, depuis le mois dernier, à une poursuite de 35 M$ intentée par une firme de développement immobilier, également pour une affaire d’expropriation déguisée.
Sylvain Ménard, Raymond Allard et Jean Houde, les trois promoteurs réunis sous la firme Développement Immobilier Sainte-Anne-de-Bellevue (DISAB), voudraient pouvoir construire 140 maisons unifamiliales sur leur terrain de 14 hectares.
Ils affirment que le plan de développement du secteur mis de l’avant par la Ville, qui privilégie les habitations multiplexe plutôt que les unités unifamiliales, les empêche de mettre à profit plus de 80 % de leur propriété.
Avocate de formation, la mairesse, Paola Hawa, est certaine que la décision de Me Mainville aidera fortement sa cause.
«Il y a une dizaine d’années, les tribunaux ont commencé à aller dans cette direction. Ce jugement vient fermer la boucle. La Cour supérieure a été claire et c’est rare qu’elle se positionne ainsi. Elle dit qu’il n’y a pas d’expropriation déguisée pourvu que les promoteurs aient le droit de construire quelque chose», indique-t-elle.
Notons que Me Mainville a aussi émis une injonction interdisant à toute personne de circuler sur la propriété de Yale Properties, sauf en cas d’urgence.