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Le «pays de merde» de Trump provoque un tsunami

Donald Trump président des États-Unis
Donald Trump Photo: Evan Vucci/Archives AP Photo

WASHINGTON — Le président américain Donald Trump a-t-il oui ou non demandé, lors d’une réunion d’élus, jeudi à la Maison-Blanche, pourquoi les États-Unis devraient accepter encore plus d’immigrants provenant d’Haïti et de «pays de merde» en Afrique, au lieu de pays comme la Norvège?

Au moins trois personnes au fait de cette rencontre assurent que le président a bel et bien parlé de «shithole countries». Le sénateur Dick Durbin, démocrate de l’Illinois qui était présent à la rencontre, soutient qu’il s’agit «précisément du mot utilisé par le président — pas une seule fois, mais à plusieurs reprises».

Sur Twitter, M. Trump a reconnu vendredi avoir utilisé un langage musclé lors de cette rencontre. Il a aussi précisé n’avoir jamais tenu de propos désobligeants au sujet des Haïtiens. Le réseau CNN cite des sources selon lesquelles le président était «fasciné», vendredi, par cette controverse.

L’Union africaine a qualifié d’«inquiétants» les propos allégués du président. «Compte tenu du contexte historique dans lequel plusieurs Africains sont arrivés aux États-Unis en tant qu’esclaves, ses propos vont à l’encontre de tous les comportements et de toutes les pratiques acceptés», a dit la porte-parole Ebba Kalondo, à l’Associated Press.

En Haïti, le gouvernement du président Jovenel Moïse a publié un communiqué costaud qui dénonce une description «raciste» d’Haïti. «Le gouvernement haïtien condamne de la manière la plus musclée possible ces remarques odieuses (…) qui, si elles sont vraies, reflètent une vision totalement erronée et raciste de la communauté haïtienne et de sa contribution aux États-Unis», peut-on lire dans le communiqué.

Malaise dans des capitales

Certains gouvernements africains se retrouvent dans une position inconfortable et hésitent à critiquer M. Trump, pour ne pas mettre en péril l’aide qu’ils reçoivent de Washington — d’autant plus que l’administration Trump cherche à limiter l’aide étrangère américaine.

«À moins qu’il ne s’agisse spécifiquement du Soudan du Sud, nous n’avons rien à dire», a ainsi déclaré un porte-parole du gouvernement de ce pays, Ateny Wek Ateny.

Le gouvernement du Botswana a toutefois qualifié les propos de M. Trump de «répréhensibles et racistes». L’ambassadeur américain a été convoqué pour clarifier si Washington, après des années de relations cordiales, considère que le Botswana est un «pays de merde».

Le Congrès national africain, au pouvoir en Afrique du Sud, estime que les commentaires du président américain sont «extrêmement insultants». Le ministre ougandais des Relations internationales, Henry Okello Oryem, a qualifié les remarques de «déplorables et regrettables», et il a dit espérer une réplique des chefs d’État lors d’un sommet de l’Union africaine, plus tard ce mois-ci.

Les médias africains et les jeunes gens de ce continent, qui sont de plus en plus connectés à la planète, ne se sont pas fait prier pour réagir. Certains ont utilisé le mot-clic #shithole pour diffuser sur Twitter des images de paysages africains à couper le souffle.

Si 40 pour cent des humains les plus pauvres habitent l’Afrique subsaharienne, la Banque mondiale a rappelé sur Twitter, vendredi, que la croissance économique de l’Afrique subsaharienne devrait atteindre 3,2 pour cent cette année, soit une performance identique à celle de l’économie américaine au troisième trimestre de 2017.

«Trump a totalement raison»

Certains en Afrique n’ont pas hésité à reprendre les vulgarités du président Trump. «Bon début de journée, du plus merveilleux et plus beau ‘pays de merde’ du monde!», a lancé sur Twitter Leanne Manas, une animatrice de la South African Broadcasting Corporation.

«En tant qu’individu originaire du ‘pays de merde’ du Sud, Trevor est profondément insulté par les remarques du président», a déclaré sur Twitter le Daily Show, au sujet de son animateur sud-africain Trevor Noah.

Mais d’autres estiment que le président n’a pas entièrement tort. «Trump a totalement raison. L’Afrique est un continent de merde, a dit le sociologue guinéen Mamady Traoré. Quand on a des chefs de gouvernement qui modifient la Constitution pour prolonger leur pouvoir. Quand on a des rebelles qui tuent des enfants, qui étripent des femmes (…), qui mutilent des civils innocents. Franchement, il faut dire que c’est de la merde.»

Au Kenya, la puissance économique de l’Afrique de l’Est, le militant Boniface Mwangi a lancé un plaidoyer: «Veuillez ne pas confondre les leaders de merde (#shithole leaders) que les Africains élisent avec notre continent magnifique», a-t-il dit. Il a ensuite déclaré à l’Associated Press que «l’Afrique a donné à l’Amérique le meilleur président de l’histoire», Barack Obama. «En fait, c’est honteux de voir un idiot succéder à l’un des meilleurs hommes à n’avoir jamais occupé ce poste.»

Les propos du président mettent une nouvelle fois en évidence son manque d’intérêt envers l’Afrique. Au moins huit postes d’ambassadeurs sont vacants sur le continent, notamment en Égypte, au Congo, en Afrique du Sud et en Somalie. Ce n’est pas la première fois que M. Trump émet une opinion négative au sujet de l’Afrique. Il avait ainsi prédit sur Twitter, en 2013, que chaque sou des 7 milliards $ US octroyés en aide au continent par M. Obama serait volé.

Sans évoquer directement les propos du président, l’«Africa Regional Media Hub», une composante du département d’État américain, a tenté de calmer le jeu sur Twitter, vendredi, en déclarant que «les États-Unis respectent profondément le peuple d’Afrique et accordent une grande valeur à ces partenariats».

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