Traité INF: Moscou suspend à son tour sa participation et promet de nouveaux missiles
La Russie a promis samedi de développer de nouveaux types de missiles et de suspendre à son tour sa participation à un important traité bilatéral de désarmement nucléaire, au lendemain de l’annonce par les Etats-Unis de leur retrait de cet accord crucial.
Les deux puissances s’accusent mutuellement de violer le traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (INF) signé à la fin de la Guerre froide, en 1987. Ce texte abolit l’usage – par eux seuls – des missiles terrestres d’une portée de 500 à 5.500 km.
Le président américain Donald Trump a annoncé vendredi que les Etats-Unis allaient dès samedi « suspendre leurs obligations dans le cadre du traité INF et enclencher le processus de retrait ». Celui-ci « sera achevé dans six mois à moins que la Russie ne remplisse ses obligations en détruisant tous ses missiles, lanceurs et équipements qui violent le texte », a-t-il encore dit.
« Nos partenaires américains ont annoncé qu’ils suspendaient leur participation à l’accord et nous la suspendons également », a rétorqué samedi Vladimir Poutine, ajoutant que Moscou ne prendrait plus l’initiative de négociations sur le désarmement avec les Américains avant qu’ils aient « suffisamment mûri pour avoir un dialogue d’égal à égal ».
Le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a de son côté annoncé sur Twitter que des fonds seraient alloués au « financement de la recherche et du développement de nouveaux types d’armements ».
« Le retrait unilatéral des Etats-Unis du traité INF, en aucun cas provoqué par quoi que ce soit, aggrave la situation en termes de sécurité internationale et de stabilité stratégique », a-t-il déclaré ajoutant que cela ne resterait pas « sans réponse ».
Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait assuré que les Etats-Unis étaient « prêts » à continuer de discuter avec la Russie « au sujet du désarmement », à condition que les résultats puissent être « mis en oeuvre et vérifiés ».
Nouveaux missiles
Vladimir Poutine avait déjà menacé de donner son feu vert à la mise au point de nouveaux missiles de portée intermédiaire si les Américains renonçaient au traité INF. Il avait également évoqué l’adaptation d’engins similaires jusqu’alors déployés en mer ou dans les airs – non interdits par le traité – pour pouvoir être tirés à partir du sol.
La décision des Etats-Unis de se retirer du traité INF leur ouvre également la voie à la modernisation de leur arsenal.
En rendant publique en février 2018 sa nouvelle posture nucléaire, Washington avait annoncé vouloir mettre au point deux nouvelles armes : un missile nucléaire de faible puissance, qui sera tiré d’un sous-marin, et un missile de croisière qui violerait le traité INF.
Le ministère russe de la Défense a accusé samedi les Etats-Unis d’avoir pris la décision d’abandonner cet accord « deux ans avant les accusations publiques infondées portées contre la Russie sur une violation du traité ».
Dès 2017, « Washington a non seulement pris cette décision mais a également commencé les préparatifs en vue de la production de missiles de courte portée et de portée intermédiaire interdits par le traité », a-t-il écrit dans un communiqué.
Fin 2018, le président russe avait par ailleurs suggéré d’associer de nouveaux Etats au traité INF, tels que la Chine qui s’est dotée de missiles dont le document interdit la mise au point.
Course aux armements
Washington avait donné en décembre à la Russie 60 jours, jusqu’au 2 février, pour démanteler ses nouveaux missiles violant l’accord aux yeux des Américains et de l’Otan.
La Russie avait pour sa part rejeté ces accusations « sans fondement », reprochant en retour à Washington de ne pas se conformer au traité.
Les premières déclarations officielles sur des violations russes remontent à la présidence de Barack Obama, en 2014, et Donald Trump avait dès octobre évoqué une sortie de cet accord.
Des discussions ces deux derniers mois n’ont abouti à aucun progrès et peu d’observateurs envisagent une percée d’ici au retrait définitif de Washington, début août.
« La Russie a mis en danger la sécurité » de « millions d’Européens et d’Américains » « et nous ne pouvons plus être entravés par un traité pendant que la Russie le viole éhontément », a assuré vendredi Mike Pompeo.
Moscou a de son côté accusé les Etats-Unis de chercher son « épuisement économique » par « une nouvelle course aux armements ».
« S’il y a une course aux armements, c’est la Russie qui l’a lancée », a répondu un haut responsable américain.
L’Otan a pour sa part déclaré « pleinement » appuyer la « démarche » américaine.