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Tensions enrichies entre Washington et Téhéran

Hassan Rohani Photo: Spencer Platt/Getty Images

Alors que les États-Unis ont récemment renforcé leur présence au Moyen-Orient, prétextant de potentielles- menaces venues d’Iran, Téhéran ne reste pas indifférent à ces provocations. Les experts craignent que la situation ne dégénère en confrontation armée.

Après s’être retirés de l’accord sur le nucléaire iranien, les États-Unis ont imposé des sanctions économiques contre Téhéran­ et ont placé les Gardiens de la révolution sur leur liste d’organisations terroristes.

En avril dernier, le gouvernement américain a décidé de ne pas renouveler les exemptions sur l’achat de brut iranien de huit pays alliés, plongeant le royaume pétrolier dans une situation économique inquiétante. Ils ont également déployé un porte-avions prêt au combat à proximité de l’Iran. Cette dernière mesure est survenue, selon la Maison-Blanche, après l’obtention d’«indications» selon lesquelles l’Iran avait planifié des «opérations offensives contre les forces et les intérêts américains dans la région».

Le 8 mai, l’Iran a riposté en annonçant qu’il se retirait partiellement de l’accord de Vienne stipulant qu’il ne doit pas fabriquer d’armes nucléaires. Cette décision a marqué le plus haut niveau de tensions entre les deux puissances.

«Les relations sont de plus en plus tendues entre l’Iran et les États-Unis, confirme Dan Plesch, professeur au Centre d’études internationales et diplomatiques de l’Université SOAS à Londres. Pour ne rien arranger, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, semble opter pour une stratégie agressive, comme celle qui a été adoptée face à l’Irak dans le passé.»

Selon lui, la communauté internationale devrait prendre une position plus ferme face à cette escalade de tensions entre les deux États.

«Les alliés européens et les États voisins de l’Iran ne doivent pas laisser [les forces américaines] s’installer au Moyen-Orient», précise le professeur Plesch.

«Le Congrès américain devrait dissuader Donald Trump d’attaquer- l’Iran, comme il a empêché une intervention armée au Yémen» –Dan Plesch, professeur au Centre d’études internationales et diplomatiques de l’Université SOAS à Londres.

Le directeur du projet consacré à l’Iran de l’ONG International Crisis Group, Ali Vaez, plaide pour une intervention internationale, qui miserait notamment sur le désir de Téhéran de se sortir d’une «impasse» commerciale.

«Le moment est venu pour la Russie, la Chine, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni d’intervenir et de fournir à l’Iran une motivation économique suffisante pour que le pays se soumette à nouveau aux règles de l’accord sur le nucléaire iranien.»

Patience stratégique

Entrevue avec Ali Vaez, directeur du projet sur l’Iran de l’ONG International Crisis Group.

Faut-il craindre une confrontation armée entre les États-Unis et l’Iran?
L’Iran a jusqu’à maintenant opté pour des mesures de riposte minimales par rapport à la pression exercée par les États-Unis. Cela laisse penser que Téhéran veut maintenir l’accord jusqu’aux résultats des prochaines élections présidentielles américaines, en novembre 2020. On peut espérer que cette patience stratégique de l’Iran va garantir la paix dans les prochains mois.

La menace nucléaire est-elle réelle?
L’Iran ne semble guère apte à fabriquer des armes nucléaires à très court terme. En février, selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), il possédait 124,6 tonnes métriques d’eau lourde, utilisée dans les centrales nucléaires pour modérer les neutrons. En maintenant sa cadence de production de 2 tonnes par mois, il en aurait suffisamment pour fabriquer une arme dès juillet.

Concernant l’uranium faiblement enrichi (UFE), autre composant de la bombe atomique, il en possédait 163,8kg en février et en produit 100kg par mois. L’Iran pourrait donc obtenir la quantité nécessaire à la fabrication d’une arme nucléaire en moins d’un an.

Téhéran a donc le contrôle de sa production et de la rapidité à laquelle elle évolue… Ce qui est «rassurant», en revanche, c’est qu’il respecte toujours le Protocole additionnel au Traité de non-prolifération (AIEA), ce qui permet de suivre l’évolution de ses activités.

Qui blâmer pour cette escalade de tensions?
Washington ne peut pas se plaindre des ripostes iraniennes, car ce sont les États-Unis qui les ont provoquées en se retirant de l’accord, puis en abrogeant les exemptions accordées aux pays qui achetaient la production excédentaire d’eau lourde de l’Iran. La Maison-Blanche plonge volontairement Téhéran dans une impasse économique.

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