Soutenez

Migrants: Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch 3, appelle l’UE à agir

L'Allemande Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch3, et son avocat italien Leonardo Marino Photo: Pasquale Claudio Montana Lampo/ANSA via AP
Rédaction - Agence France-Presse

Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch 3 poursuivie pour avoir accosté de force en vue de faire débarquer des migrants dans le sud de l’Italie, a appelé jeudi l’UE à se mobiliser pour éviter que de telles affaires ne se reproduisent.

«J’ai été très contente d’avoir eu l’occasion d’expliquer dans le détail la situation» dans laquelle le sauvetage a été réalisé le 12 juin, a déclaré la jeune femme soupçonnée par les procureurs d’aide à l’immigration clandestine, en sortant du palais de justice d’Agrigente (Sicile), dont dépend l’île de Lampedusa où le débarquement a eu lieu.

Après un peu moins de deux heures d’audition, elle a aussi exhorté l’Union européenne à mettre en place un mécanisme d’accueil et de répartition des migrants secourus en mer pour éviter de nouveaux blocages.

Devant le palais de justice, des sympathisants l’attendaient, sous un soleil de plomb, avec des banderoles proclamant: «Sauver des vies n’est pas un crime».

Partageant ce point de vue, des experts de l’ONU ont à cet égard appelé jeudi dans un communiqué l’Italie à «immédiatement mettre fin à la criminalisation des opérations de recherches et de secours» en mer.

Carole Rackete, 31 ans, a été arrêtée le 29 juin pour avoir pénétré dans les eaux territoriales italiennes malgré le veto du ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini (extrême droite) puis accosté de force pour faire débarquer 40 migrants secourus deux semaines plus tôt.

Le 2 juillet, une juge a invalidé l’arrestation, estimant que la jeune femme avait agi pour sauver des vies.

Le parquet d’Agrigente s’est pourvu en cassation cette semaine contre cette décision, dans l’espoir d’obtenir une jurisprudence établie. Quelques jours après le Sea-Watch 3, le voilier Alex a accosté sans y être autorisé à Lampedusa et cela risque de se reproduire.

En attendant, le Sea-Watch 3 reste sous séquestre dans le port sicilien de Licata. Comme après chaque mission, l’équipage a changé et Carola Rackete n’en est plus officiellement la commandante.

Libre de ses mouvements, la jeune femme reste visée par deux enquêtes, pour résistance à un officier en pénétrant de force dans les eaux italiennes et pour aide à l’immigration clandestine.

L’audition de jeudi portait sur ce second point: les procureurs voulaient savoir pourquoi son équipage avait secouru les migrants sans attendre les garde-côtes libyens et pourquoi le navire n’avait pas fait route ensuite vers la Libye ou la Tunisie, ou encore les Pays-Bas, pays dont il bat pavillon.

Depuis près de deux ans, ces questions sont systématiquement posées aux responsables d’ONG faisant débarquer des migrants en Italie, que M. Salvini considère comme des complices, même involontaires, des passeurs.

Cela avait été le cas dès mars 2017 pour l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, qui avait conduit des migrants en Italie après avoir refusé de les remettre aux garde-côtes libyens arrivés sur place pendant l’opération de secours.

Le parquet de Catane (Sicile) a récemment classé l’affaire sans suite.

Ce même parquet a aussi classé une enquête similaire contre l’ONG Sea-Watch après une opération de secours en janvier, concluant que les décisions de l’équipage étaient justifiées.

Les manoeuvres du Sea-Watch 3 fin juin ont cependant constitué une nouvelle étape dans la guerre d’usure que se livrent M. Salvini et les ONG de secours en mer.

L’arrestation de la jeune capitaine a provoqué un vaste mouvement de soutien, concrétisé par les plus de 1,4 million d’euros collectés en quelques jours via internet pour régler ses frais de justice et financer la poursuite des activités de l’ONG allemande, au besoin avec un nouveau bateau.

Le Parlement de Catalogne et la Ville de Paris ont pour leur part annoncé leur intention de la décorer.

L’annonce de Paris a provoqué la colère de l’extrême droite italienne, qui a relevé — tout comme l’ONG allemande d’ailleurs — le silence du gouvernement français pendant les 15 jours où Carola Rackete a multiplié les appels en vue de trouver un port sûr pour les migrants secourus.

Parallèlement, M. Salvini est encore allé plus loin dans sa dénonciation des ONG «complices des passeurs», s’en prenant personnellement à cette capitaine, qu’il a qualifiée pendant des semaines d’«emmerdeuse», de «criminelle», etc.

La jeune femme a la semaine dernière porté plainte pour diffamation et incitation au délit, relevant que chaque message haineux du ministre italien sur les réseaux sociaux suscitait une floraison de commentaires encore plus sexistes, virulents et menaçants.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.