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Négociations cruciales à Doha entre Washington et les talibans afghans

Des soldats américains en Afghanistan regardent un hélicoptère d’attaque AH-64 Apache.
Des soldats américains en Afghanistan regardent un hélicoptère d’attaque AH-64 Apache. Photo: U.S. Marine Corps photo by Sgt. Justin T. Updegraff, Operation Resolute Support via AP
Gregory Walton avec les bureaux d'Islamabad et Kaboul - Agence France-Presse

Les États-Unis et les talibans afghans ont repris samedi à Doha des négociations cruciales pour un accord qui ouvrirait la voie à un retrait des troupes américaines d’Afghanistan après 18 ans d’intervention, une promesse de campagne de Donald Trump.

Il s’agit du huitième round de négociations, mené sous l’égide de l’émissaire américain Zalmay Khalilzad, depuis le début des discussions entre États-Unis et insurgés afghans entamées il y a un an.

Washington met les bouchées doubles afin d’arracher un accord politique avec les talibans avant la présidentielle afghane, prévue le 28 septembre. «Nous avons fait beaucoup de progrès. Nous parlons», a assuré vendredi M. Trump aux journalistes.

En échange de leur désengagement militaire, les États-Unis exigent des talibans qu’ils s’engagent à un cessez-le-feu et coupent tout lien avec le groupe jihadiste Al-Qaïda. Selon le journal Washington Post, la proposition d’accord prévoit de réduire le nombre de soldats américains en Afghanistan à 8000, contre 14 000 actuellement.

Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN sont engagés depuis le 7 octobre 2001 dans une vaste opération militaire en Afghanistan. Elle avait été lancée après les attentats du 11 septembre aux États-Unis pour frapper les camps d’Al-Qaïda et son leader Oussama ben Laden.

Chassés du pouvoir par cette intervention, les talibans mènent depuis une insurrection dans le pays, en perpétrant de nombreuses attaques sanglantes.

«Accord de paix»
«Nous visons un accord de paix, non pas un accord de retrait [des troupes]: un accord de paix qui permette le retrait», a insisté vendredi sur Twitter Zalmay Khalilzad à son arrivée à Doha.

«Notre présence en Afghanistan est soumise à des conditions et tout retrait sera soumis à des conditions», a-t-il assuré, après avoir rencontré le Premier ministre pakistanais Imran Khan à Islamabad.

L’accord entre Washington et les talibans ouvrirait la voie à un dialogue interafghan entre les insurgés et une délégation gouvernementale. Celui-ci devrait avoir lieu courant août à Oslo, selon des sources diplomatiques.

Jusqu’à présent, les talibans ont toujours fermement refusé de discuter avec le gouvernement, qu’ils considèrent illégitime, à l’exception d’une réunion début juillet à Doha à laquelle des représentants gouvernementaux avaient pris part «à titre personnel».

Cette rencontre s’était conclue par la promesse d’une «feuille de route pour la paix», incluant notamment le retour des déplacés et mentionnant les droits des femmes, dont beaucoup en Afghanistan s’inquiètent qu’ils soient sacrifiés sur l’autel d’un compromis avec les talibans.

«Nous voulons une République, pas un émirat», a déclaré le président afghan Ashraf Ghani vendredi sur Facebook, alors que les talibans ont insisté sur leur volonté de rétablir un émirat islamique tel qu’ils l’avaient établi en 1996.

«Les négociations seront difficiles, et les talibans devraient savoir qu’aucun Afghan n’est inférieur à eux en termes de religion ou de courage», a-t-il poursuivi.

«Mains libres»
L’éventuel accord entre Washington et les talibans suscite toutefois des doutes chez les spécialistes.

Pour Bruce Hoffman, expert de la lutte contre le terrorisme, les talibans seront plus que réticents à rompre tout lien avec Al-Qaïda.

«Al-Qaïda va poursuivre les combats et miser sur le fait qu’une fois les États-Unis partis, ils ne reviendront pas», estime-t-il. «Al-Qaïda et les talibans auront les mains libres.»

En outre, l’accord laissera irrésolues plusieurs questions épineuses: celle d’un éventuel partage du pouvoir avec les talibans, l’avenir du gouvernement Ghani, mais aussi le rôle de pays de la région (Inde, Pakistan) dans le conflit et sa résolution.

Pour de nombreux jeunes Afghans, ces négociations risquent de ne pas mener à une paix véritable.

Beaucoup craignent que les États-Unis, pressés de mettre un terme à la plus longue guerre de leur histoire, concluent hâtivement un accord de retrait de leurs troupes qui permettrait aux insurgés de retrouver une forme de pouvoir.

«Nous ne faisons pas confiance aux talibans et à leurs engagements», confie Ahmad Jawed, un étudiant de l’Université de Kaboul.

Alors même qu’ils avaient affirmé en juillet à Doha vouloir réduire les victimes civiles à «zéro», les talibans ont continué leurs attaques.

Mercredi, au moins 34 personnes, en majorité des femmes et des enfants, ont été tuées lorsque leur bus a sauté sur un engin explosif posé selon les autorités par les insurgés.

En dépit des discussions visant à mettre fin à la guerre, les civils continuent de mourir à un rythme «inacceptable», a dénoncé mardi la Mission de l’ONU en Afghanistan. Juillet a été particulièrement sanglant, avec plus de 1500 civils tués ou blessés, selon l’ONU.

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