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Équateur: les indigènes refusent le dialogue avec le gouvernement

Équateur : les indigènes refusent le dialogue avec le gouvernement
Manifestations à Quito le 9 octobre 2019 Photo: Jorge Ivan Castaneira Jaramillo/Getty Images

La principale organisation indigène d’Équateur a rejeté jeudi le dialogue avec le gouvernement de Lenin Moreno, appelant à «radicaliser les actions» de protestation contre la hausse du prix de l’essence après une semaine de manifestations qui ont fait cinq morts.

«Aucun dialogue avec un gouvernement assassin», cingle la Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur (Conaie) dans un communiqué signé par son président Jaime Vargas.

Alors que le chef de l’État se montrait optimiste et misait sur une avancée de négociations jeudi, la tension est montée d’un cran lorsque les manifestants indigènes ont annoncé retenir huit policiers.

Ces membres des forces de l’ordre, sept hommes et une femme, ont été présentés jeudi en public lors d’un rassemblement des manifestants à Quito.

Par ailleurs, le bilan de la mobilisation qui dure depuis une semaine s’est alourdi : cinq civils, dont un dirigeant indigène, ont trouvé la mort durant les manifestations, ont annoncé jeudi à l’AFP les services du Défenseur du peuple, un organisme d’État.

«Nous appelons le gouvernement à mettre fin à la violence et à garantir le droit de manifester de manière pacifique», a ajouté cette institution dans un communiqué.

Les circonstances des quatre nouveaux décès, survenus à Quito, n’ont pas été précisées. Le précédent bilan faisait état d’un mort, un homme écrasé dimanche lors d’une manifestation dans le sud du pays.

«Sans aucun doute, cela va se résoudre très vite», avait pourtant assuré mercredi le chef de l’État dans une vidéo diffusée sur la télévision d’État.

Confronté à la pire crise de son mandat, Lenin Moreno a transféré lundi le siège du gouvernement à Guayaquil (sud-ouest).

Mais il est revenu brièvement mercredi dans la capitale, au moment où des dizaines de milliers d’indigènes traversaient la ville, une manifestation relativement calme avec juste quelques heurts entre jeunes et forces de l’ordre.

«Je suis venu à Quito afin de tendre la main et de pouvoir vous annoncer que nous avons déjà de premiers résultats en ce qui concerne le dialogue», a-t-il lancé avant de repartir à Guayaquil.

Des contacts avaient en effet été noués entre le gouvernement et les manifestants, sous la médiation des Nations unies et de l’Église catholique.

Malgré l’optimiste affiché du président, le dirigeant indigène Salvador Quishpe avait alors affirmé à l’AFP que «la mobilisation (n’était) pas terminée».

Car le préalable exigé par les indigènes — qui représentent 25% des 17,3 millions d’Equatoriens — est clair: l’abandon de la fin des subventions au carburant, qui a fait bondir les prix à la pompe de plus de 100%.

Mais pour Lenin Moreno, libéral de 66 ans arrivé au pouvoir sous la bannière socialiste, difficile de revenir en arrière. Sa mesure, si impopulaire soit-elle, s’inscrit dans un accord conclu avec le FMI en échange d’un prêt de 4,2 milliards de dollars censé relancer l’économie.

Le prix à payer semble toutefois élevé: en une semaine, les manifestations ont fait au moins 122 blessés, selon la Croix Rouge, le gouvernement évoquant 766 arrestations.

L’état d’urgence a été décrété pour 60 jours, tout comme un couvre-feu autour des institutions du pouvoir, afin que les forces armées puissent rétablir l’ordre.

Au total, 74 000 militaires et policiers ont été déployés.

Si les indigènes sont en pointe de la contestation sociale, c’est aussi parce qu’ils sont les plus touchés par la pauvreté et travaillent majoritairement à la campagne. Si les prix des carburants s’envolent, ils devront payer davantage pour le transport de leurs produits, tout en redoutant que l’inflation s’emballe.

Ce mouvement social, marqué par des blocages de routes et de puits pétroliers en Amazonie, des manifestations parfois violentes et des grèves, est inédit dans le petit pays andin depuis 2007.

L’occupation de plusieurs champs pétroliers a conduit les autorités à suspendre mercredi les opérations de son principal oléoduc, le Trans-Equatorian Oil Pipeline System (SOTE), paralysant le transport de 68% de sa production (531 000 barils par jour).

Malgré tout, Lenin Moreno, qui se revendique toujours comme socialiste, a reçu dans ce conflit le soutien inattendu de la droite et de l’armée. À Guayaquil, bastion des milieux d’affaires, des milliers d’Equatoriens ont manifesté mercredi pour prendre sa défense.

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