Une foule d’Irakiens aux obsèques du général iranien tué par Washington
Des dizaines de milliers d’Irakiens, dont de hauts dirigeants, ont participé samedi aux obsèques du puissant général iranien Qassem Soleimani. Soleimani a été tué dans un raid américain en Irak vendredi et l’attaque fait redouter une nouvelle escalade entre l’Iran et États-Unis.
«Mort à l’Amérique», a scandé une foule dense à Bagdad, puis dans les villes saintes chiites de Kerbala et Najaf. Elle s’est massée autour des cercueils du général iranien et de son lieutenant irakien tués dans une attaque de drone vendredi contre leur convoi, près de l’aéroport international de Bagdad.
Craignant des représailles, la coalition internationale antijihadistes emmenée par les États-Unis a réduit ses opérations et renforcé la sécurité de ses bases en Irak, a indiqué un responsable américain. La veille, les États-Unis ont annoncé le déploiement de 3000 à 3500 soldats supplémentaires dans la région pour renforcer la sécurité des soldats et diplomates américains.
Craintes d’une conflagration régionale
L’assassinat de Soleimani, l’architecte de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, et d’Abou Mehdi al-Mouhandis, le dirigeant de fait des paramilitaires irakiens pro-iraniens du Hachd al-Chaabi, fait craindre une conflagration régionale. L’Irak surtout redoute de devenir un champ de bataille pour ses deux alliés, l’Iran et les États-Unis, des ennemis jurés.
Le Canada a notamment fait connaître ses inquiétudes pour ses propres militaires dans la région.
Justifiant l’ordre de tuer Soleimani, le président américain Donald Trump a affirmé avoir agi pour «arrêter» une guerre et a assuré que le général iranien préparait des attaques «imminentes» contre diplomates et militaires américains.
Les États-Unis ont commis un «acte de guerre» contre l’Iran, a rétorqué l’ambassadeur iranien à l’ONU, Majid Takht Ravanchi. «La réponse à une action militaire est une action militaire. Par qui, quand et où, c’est l’avenir qui le dira.»
Les appels à la vengeance ont été repris lors des défilés en Iran et en Irak après la mort de Qassem Soleimani, 62 ans, chef de la Force Qods des Gardiens de la révolution, chargée des opérations extérieures d’Iran, et d’al-Mouhandis. Les deux hommes ont été tués avec huit autres personnes dans l’attaque de drone.
Les cercueils à bord de pick-up ont ensuite été escortés par la foule jusqu’à l’ultrasécurisée Zone verte de Bagdad. Une nuée de drapeaux blancs du Hachd et jaunes des brigades du Hezbollah était visible.
Les pick-up sont ensuite entrés dans la Zone verte, où l’ambassade américaine avait été attaquée mardi par des partisans du Hachd. Mais la foule est restée à l’extérieur.
De nombreux leaders irakiens
Le premier ministre démissionnaire d’Irak, Adel Abdel Mahdi, le leader des pro-Iran au parlement, Hadi al-Ameri, le chef officiel du Hachd, Faleh al-Fayyadh, ainsi que des chefs de factions chiites étaient tous présents aux obsèques du général iranien dans la Zone verte.
Les chefs du Hachd se sont montrés en public après des rumeurs, démenties, sur la mort de plusieurs d’entre eux dans un raid samedi avant l’aube, au nord de Bagdad. La télévision d’État en a accusé les États-Unis, mais un porte-parole de la coalition antijihadistes a assuré à l’AFP que la coalition et les États-Unis n’avaient mené aucun raid.
Les funérailles officielles terminées, les 10 corps ont été acheminés à Kerbala, puis à Najaf, deux villes saintes chiites au sud de Bagdad, pour des dernières prières avant l’enterrement de Mouhandis et le transfert dimanche du corps de Soleimani en Iran.
Les obsèques du général iranien Soleimani se poursuivront mardi, lorsqu’il sera enterré dans sa ville natale de Kerman (centre) après trois jours de cérémonies d’hommage.
Série de raids et de contre-attaques
Cet assassinat est survenu deux jours après l’attaque de l’ambassade lors du cortège funéraire de 25 combattants d’une faction du Hachd tués dans un bombardement américain dimanche. Ce bombardement était en représailles à des attaques à la roquette contre des installations abritant des Américains en Irak.
Ces attaques, dont l’une a tué décembre un sous-traitant américain le 27 décembre, ont été attribuées par Washington aux paramilitaires pro-iraniens.
La mort de Soleimani a créé un consensus rare contre les États-Unis dans un Irak déchiré depuis plus de trois mois par une révolte populaire contre le pouvoir et la mainmise de l’Iran.
Le Hachd a appelé ses combattants à se «tenir prêts» parce que Washington a «violé la souveraineté de l’Irak», selon les mots des plus hauts dirigeants de l’État.
Le turbulent leader chiite irakien Moqtada Sadr a réactivé sa milice, dissoute après avoir harcelé l’occupant américain en Irak (2003-2011).
Le Parlement irakien doit se réunir dimanche et pourrait dénoncer l’accord irako-américain qui encadre la présence de 5200 soldats américains sur le sol irakien.
Dans les grandes capitales, l’inquiétude domine. Moscou et Paris ont dit s’inquiéter du risque «d’aggraver sérieusement la situation» au Moyen-Orient. Pour Tokyo, «la dangereuse opération militaire américaine […] va aggraver les turbulences régionales».
La mission de l’Otan en Irak, qui entraîne les forces irakiennes, a annoncé la suspension de ses opérations.
Et le chef de la diplomatie qatarie, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, dont le pays est proche de l’Iran et abrite la plus grande base américaine au Moyen-Orient, s’est rendu à Téhéran.