Soutenez

Samah Hamdi: «Les femmes doivent faire ce en quoi elles croient»

Photo: Samah Hamdi
Dmitry Belyaev - Metro World News

Une Égyptienne de 27 ans a réalisé plus tôt cette année une vidéo qui est devenue virale. Dans celle-ci, on la voit déambuler dans les rues du Caire, s’arrêter dans un parc, manger dans un restaurant, prendre le métro – tout cela vêtue d’une robe de mariée. Avec ce petit film, Samah Hamdi entend dénoncer la stigmatisation dont font l’objet les femmes célibataires dans son pays. «Mon but est de secouer la société et de briser ses tabous», déclare la jeune femme à Métro.

Qu’est-ce qui vous a amenée à porter ainsi une robe de mariée?
La femme, dans la société égyptienne, a toujours été scrutée à la loupe. Elle a toujours été façonnée et traitée comme un objet inanimé. Comme si Dieu avait créé les femmes afin que les buts et les rêves des autres puissent se réaliser grâce à elles. Elles ont toujours été obligées de plaire aux autres et d’oublier leurs propres ambitions.

Nous sommes sans cesse contraintes d’aller dans un collège qu’on choisit pour nous. De faire ce que les autres veulent. De nous habiller comme ils le désirent. Et même de penser comme eux. C’est de là que m’est venue cette idée: de la pression que nous vivons en tout temps, de la confiscation de notre être.

La femme est conditionnée pour que son but ultime soit de trouver un époux. Si elle rejette cela, elle n’a aucune valeur et ne peut compter sur aucune reconnaissance. On lui dit d’épouser Untel, parce que sinon les «gens» vont commencer à parler, ou parce que «cela convient à notre famille». On lui dit d’avoir des enfants, parce que «nous voulons devenir grands-parents», etc. Avec mes actions, je veux dire à ces gens: laissez-moi poursuivre mes objectifs et réaliser mes propres rêves.

Donc, votre coup d’éclat ne vise pas uniquement à critiquer le mariage?
Le mariage n’est qu’une des facettes du problème. Mon but, c’est de refuser la diffusion des idées dont je viens de parler à propos des femmes. N’importe qui dans la société égyptienne croit que l’homme est le seul à avoir raison, et que les opinions des femmes sont fausses. J’ai essayé de dire que nous pouvons tous être, hommes et femmes, dans le vrai; chacun a ses opinions et ses idées, mais il n’a pas à les imposer aux autres, en particulier les idées sur le mariage.

Comment les gens ont-ils réagi en vous voyant vous promener vêtue d’une robe de mariée?
Ils étaient pétrifiés. Les personnes âgées me fixaient en murmurant des choses à leurs fils. Les vendeurs de rue du centre-ville m’ont crié des insanités. Mais dans le métro, quelques femmes ont essayé de me parler, et certaines ont même commencé à faire la fête autour de moi.

La vidéo où on me voit marcher dans les rues du Caire habillée en mariée a remporté le Prix pour les arts au 25e Youth Salon et est considérée comme une idée «novatrice». Après l’avoir vue, plusieurs femmes ont affirmé partager mes idées et ont dit qu’elles aimeraient avoir mon culot. Certains hommes ont eu des réactions similaires.

Que pense votre famille de votre activisme?
Les membres de ma famille n’ont pas eu connaissance de la vidéo avant de la voir présentée comme une œuvre d’art dans une exposition. Évidemment, l’idée les a étonnés. Ils n’ont pas bien compris ce que j’avais voulu faire, alors je le leur ai expliqué. Ils m’ont dit qu’ils préféreraient que je pense comme tout le monde, mais malheureusement, je ne suis pas comme eux. Quoi qu’il en soit, pour eux, il s’agit simplement d’une œuvre d’art.

Souhaitez-vous vous marier et fonder une famille un jour?
Je ne suis pas contre le mariage, mais contre les automatismes qui l’entourent: deux corps qui convergent l’un vers l’autre, un lien noué sans affection. Dans ce qu’on appelle les «salons de mariage», la mère choisit une fille pour son fils. Ces femmes sont comme les mannequins dans les vitrines des magasins.

Une femme doit être une bonne fille, une bonne épouse, une bonne mère. Puis, sa vie se termine. Je refuse de me marier de cette façon. Je veux vivre un amour spirituel avec un homme qui croit en moi. Cela ne peut pas être planifié, comme le travail ou les études. Cela dépend uniquement du destin, cela survient quand Dieu le veut.

Vous avez déclaré dans une entrevue: «Je rejette la mission pour laquelle les femmes ont supposément été créées.» Quelle est la mission des femmes, selon vous?
Aucune tâche particulière ne peut leur être assignée. Les femmes doivent faire ce en quoi elles croient et ce qu’elles choisissent de faire. Réussir sur le plan professionnel, par exemple. Elles ne doivent dépendre de personne.

Sur votre page Facebook, on peut lire le commentaire suivant: «Quelqu’un qui n’a pas d’enfant quand il est jeune n’aura personne pour prendre soin de lui quand il sera vieux.» Qu’en pensez-vous?
Je peux comprendre cette façon de penser. Mais, pour moi, avoir un enfant a une autre signification. Je dois encore beaucoup réfléchir avant de mettre un enfant au monde dans cette société pitoyable.

La vie au Moyen-Orient est difficile. Je me demande sans cesse comment je pourrais donner à mes enfants une bonne éducation. Un enfant est un ange de Dieu sur terre, mais nous le détruisons avec nos pensées. Nous devons laisser nos enfants faire leurs propres choix. La société elle-même doit être éduquée.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.