Pour en finir avec Omar Khadr
Tout débute en 2002. Arrêté par l’armée américaine en Afghanistan, Omar Khadr, alors âgé de 15 ans, prend le chemin de Guantanamo, dont il devient le plus jeune prisonnier. On le soupçonne notamment de l’assassinat d’un soldat américain. S’ensuit une des pires, sinon la pire, violation contemporaine de l’État de droit.
Parce que, peu importe, bien entendu, que ces mêmes Américains aient envahi le village afghan afin de tout raser. Peu importe que le groupe de Khadr ait été entièrement décimé, sauf lui. Peu importe, par conséquent, qu’aucun autre individu n’ait pu témoigner de quoi que ce soit. Peu importe qu’Omar Khadr se qualifiait alors d’enfant-soldat, statut protégé par une multitude de conventions internationales dont le Canada était, et est encore, signataire. Peu importe également que le père Khadr ait élevé ses fils, depuis leur plus jeune âge, dans cette culture du terrorisme, de l’aversion, et de la violence à tout crin. Peu importe qu’il leur ait promis le paradis, avec les objets de convoitise de leur choix (une piscine de jello, pour l’enfant Omar), s’ils en venaient à mourir pour la cause (question: comme enfant, vous auriez réagi comment, vous?).
Peu importe qu’une fois rendu à Guantanamo, Khadr ait subi les pires tortures possibles: privation de sommeil, soldats défèquant quotidiennement sur lui, parades de tigres dans sa cellule, etc.
Peu importe que, malgré les soupçons, Khadr n’ait jamais subi de procès en bonne et due forme, les preuves manquant pour le faire condamner. Peu importe que, pendant tout ce temps, un premier ministre canadien que nous ne nommerons pas (parce qu’il s’appelle Stephen Harper) n’ait jamais accepté de lever le petit doigt pour lui venir diplomatiquement en aide (comme les conventions applicables le lui permettaient). Peu importe que ce même premier ministre ait dit, à maintes reprises et afin de justifier son inaction, qu’Omar Khadr était tout simplement un… terroriste (un premier ministre qui fait office de pouvoir judiciaire, maintenant). Peu importe que des agents du Service canadien du renseignement de sécurité aient interrogé, sous la torture, Khadr, lui extirpant conséquemment des «aveux» de manière inconstitutionnelle, comme devait le reconnaître ultimement la Cour suprême du Canada.
Peu importe que le gouvernement canadien se soit acharné sur le cas Khadr, en en faisant manifestement un outil électoral, un cas de wedge politic, allant jusqu’à multiplier les recours et manœuvres dilatoires afin d’empêcher toute forme de rapatriement de Khadr.
Peu importe que ce dernier, épuisé par la torture, ait finalement plaidé «coupable» afin de pouvoir sortir de son cachot, toujours sans procès, plus de 10 ans après y être entré.
En 2017, Omar Khadr a reçu, pour l’ensemble des sévices subis, 10,5M$ de la part du gouvernement canadien. Et ce lundi, un tribunal l’a libéré, une fois pour toutes, des conditions de libération lui collant encore au dos. Et c’est tant mieux.
Morale de l’histoire? Que l’affaire Khadr nous serve de leçon. Que l’État de droit ne soit pas, comme le souhaitent certains, à géométrie variable.