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Lettre à Greta

Frédéric Bérard

Je rédige ces quelques mots en me permettant l’outrecuidance de te tutoyer, non par une quelconque bravade, et encore moins pas paternalisme, mais plus simplement pour cause de familiarité apparente. Parce que ton prénom, comme ta manière de porter la cause, fait manifestement, aujourd’hui, partie du quotidien occidental.

Inexplicablement, aucun issu des générations précédentes, dont la mienne, n’a réussi ton tour de force: ramasser la conscience citoyenne autour d’une seule et même personne afin de faire entendre, par procuration, la voix scientifique, jusqu’alors ignorée. Dès le début, il me semblait aller de soi qu’il s’agissait d’une chance exceptionnelle qui s’offrait à l’humanité, une chance qui permettrait, enfin, de renverser la tendance actuelle nous destinant au plus pitoyable des drains. Qui pourrait bien s’opposer à une telle mouvance, à l’éveil d’une jeunesse jugée apathique, à une solidarité humaniste? Plein de monde, visiblement. Plusieurs d’entre eux considérés comme intelligents et «rationnels», dont des philosophes, imagine donc. Estomaquant. Le pire? C’est que plutôt que de considérer ton message, ceux-ci, avec une vacuité intellectuelle désarmante, s’attaquent à ta personne avec une hallucinante violence.

Ceux-là mêmes (parce que, oui, t’as remarqué, pratiquement que des hommes) qui gueulent d’ordinaire du haut de leurs puissantes tribunes pour dénoncer le manque d’engagement politique de la nouvelle génération et son désintéressement de la chose publique, sont aujourd’hui tes plus grands détracteurs. Aveuglés par une haine manifeste et incontrôlable, ils sont visiblement incapables de remarquer, par eux-mêmes, l’ironie de la chose.

«Parce que jamais, au grand jamais, n’avait-on assisté à un discours aussi émotif que senti devant l’ONU.»

Utilisée afin de galvaniser certaines troupes électorales, ladite haine a ainsi amené quelques candidats politiques à te traiter d’adolescente mentalement instable, d’obsessive compulsive, de dépressive aux troubles d’alimentation notoires. Bon, si ça peut te rassurer, l’insulte provenait de Maxime Bernier, donc aucune importance. Mais reste ceci : cet acharnement et cette propension aux pires attaques démontrent, au final, la chose suivante: t’as réussi ton pari. Parce qu’aucun, et je dis bien aucun, n’est en mesure de démonter, sur le fond, ton argumentaire. Mieux: en s’abaissant à dénigrer ta personne de façon absolument spectaculaire, ils ont eux-mêmes amené le sujet du réchauffement climatique à l’avant-plan du débat public! Côté ironie, impossible à battre.

Parce que, peu avant ton arrivée dans la sphère médiatique, l’enjeu, pourtant le plus névralgique possible, était confiné au désert des oubliettes. Jamais un mot, ou presque. Priorité 234, au mieux. Aujourd’hui? Tout le contraire – un récent sondage indiquant qu’il s’agit dorénavant de la priorité numéro un de l’électorat canadien. Pas une improbable victoire, ça? D’aucuns le penseraient.

Par conséquent, et même si la virulence des attaques et la pression médiatico-populaire doivent être absolument ingérables, il reste que celles-ci ont, ô ironiquement, de nouveau porté des fruits. Grâce à ta patience, ta verve et ta résilience. Front de bœuf, aussi. Parce que jamais, au grand jamais, n’avait-on assisté à un discours aussi émotif que senti devant l’ONU. En toute transparence et sans faux-fuyant (donc l’inverse de la pratique institutionnelle), tu leur as balancé leurs quatre vérités : vous avez, du fait de votre obnubilation pour le fric et la croissance économique, bousillé mon avenir et celui de ma génération. Plusieurs n’ont pas aimé le ton, comme tu sais. Moi? Adoré. Parce que c’est la pure et simple vérité. Celle que personne, particulièrement dans ces lieux sacro-saints de frime et de léchage de bottes, n’a jamais osé dire. À une époque où le citoyen décroche de l’arène politique au motif que nos représentants mentent et ont la langue de bois, impossible, à mon sens, de ne pas admirer ta force de caractère et ton abnégation.

Je te dis ainsi un merci bien senti. Parce que, même si mes doutes demeurent puissants à l’effet qu’il sera possible de renverser la vapeur, reste que l’espoir porté sur tes épaules est, pour les nombreux éco-anxieux, dont je suis, le meilleur antidote ayant jamais existé.

FB

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