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Pis, les musulmans?

CHRONIQUE – S’il fallait parier, je mettrais l’argent (de l’épicerie) sur le fait que plusieurs, loin d’être sincèrement offusqués, se réjouissent plutôt de la saga Elghawaby. Parce que quoi de mieux, politiquement parlant, que de pouvoir s’ériger en victimes (éternelles) d’un complot multicultu-canado-trudeausite, idéal afin d’occulter la poutre qui…sied dans notre oeil collectif.

Qu’on me comprenne bien, cela dit: la nomination fédérale est ici non avisée et, qu’on le veuille ou non, à la limite de la provoc. Parce qu’il sera impossible de déconstruire les préjugés – et donc construire les ponts nécessaires – avec des propos aussi clivants et réducteurs.

Reste que l’affaire est utile à quiconque souhaitant envoyer les projecteurs ailleurs, allant jusqu’à réclamer, en toute outrecuidance, l’abolition même d’un poste pourtant assimilable à la tarte aux pommes. Qui, au final, peut bien se sentir interpellé par l’idée de lutter contre l’islamophobie à part….les islamophobes? 

Ils répliqueront : critiquer l’Islam, ce n’est pas de l’islamophobie! Peut-être. Mais encore faut-il s’interroger sur l’essence des critiques elles-mêmes, et les mobiles et compétences de ceux qui les formulent.

Petit historique d’un passé trop récent:

D’abord Hérouxville, où les élucubrations du conseiller municipal souhaitant imposer un « code vie » lui ont assuré le vedettariat momentané, merci aux médias empressés de lui tendre leur micro afin de débiter son flot d’âneries. Au palmarès : qu’il a déjà assisté, alors qu’il travaillait au Xérox de Laval, à la « dilapidation de la femme ». Un monstre était ainsi né, créé de toutes pièces.  Comme l’expliqua éventuellement Bouchard-Taylor: la crise des accommodements raisonnables n’a jamais existé, sauf dans quelques médias. La Commission des droits de la personne du Québec confirme : entre 4 et 7 plaintes annuellement pour des motifs religieux, toute confession confondue. Sur 8,3 millions de citoyens. Grosse crise.

L’ADQ de Mario Dumont devait néanmoins surfer sans vergogne sur l’absurde, devenant peu après l’opposition officielle en rabâchant le classique «il est temps de mettre nos culottes!».

Délesté de la tale identitaire, le PQ répliqua ipso facto à l’élection suivante avant de proposer, une fois au pouvoir et en dessous du crucifix de l’Assemblée nationale, l’infâme Charte des valeurs. Celle qui, dixit le ministre Drainville, était justifiée du fait « qu’on a un malaise au Québec, avec le voile ». Celle qui s’imposait à toute employée de l’État, peu importe la nature de ses fonctions, sous peine de congédiement. Celle qui permettait à ce même État d’exiger de ses co-contractants de l’entreprise privée son application. Celle qui a fait tweeter à Jean-François Lisée, le jour de l’élection de 2014: «Les intégristes appellent à voter #PLQ et #QS et contre @FatimaHPepin2! quebec.themuslimnews.ca/le-conseil-mus… #qc2014» (nb: tweet effacé depuis).*

En filigrane de ce qui précède, un discours médiatique opiniâtre, voire obsédo-harcelant: un mémoire de maîtrise publiée par la sociologue Mélanie Beauregard conclut qu’avec 438 textes (!) publiés entre 2006 et 2014 sur l’islam et/ou les musulmans, le chroniqueur Richard Martineau participe à l’islamophobie ambiante.

L’attraction populo-électoraliste est si puissante que le raisonnable Gilles Duceppe y succombe aussi : en pleine campagne de 2015 alors que son Bloc bat de l’aile, on ose une publicité où un déversement de pétrole se transforme en….niqab. La pub est retirée seulement deux ans plus tard au lendemain…de l’attentat de la grande mosquée.

On se rappellera aussi du spectaculaire « test des valeurs » proposé par Legault, visant à « déporter »quiconque incapable de le réussir. Pas besoin d’être bien malin, ici encore, afin d’en deviner les principaux ciblés.

On se souvient également de la course au leadership du PQ remportée par Lisée, peu après que celui-ci ait accusé Alexandre Cloutier d’avoir souhaité « une joyeuse fin de Ramadan à mes amis musulmans », et de l’avoir fallacieusement associé à Adil Charkaoui.

On aura souvenir des quatre candidats bloquistes aux propos islamophobes assumés, lesquels ont pu poursuivre leur campagne aux suites de l’approbation du chef Blanchet.

On gardera à l’esprit les tweets islamophobes de Frédéric Lacroix, ambassadeur du mouvement catastropho- identitaire, notamment s’insurgeant d’un «Grand remplacement» du fait de l’essor de la communauté libanaise à…Laval.

Voilà pour le récapitulatif, tristement non-exhaustif.

Question, maintenant : pourquoi on en parle plus ou presque, des Musulmans québécois? Parce que l’attention médiatique est rendue ailleurs, les anecdotes wokes assurant maintenant le haut du pavé.

Parce que surtout, à l’instar des Juifs, Jéhovah et Haïtiens avant eux, il n’y en a JAMAIS eu, d’enjeux, avec les Musulmans. Fou comme la mémoire et sagesse collective défaillent si aisément au profit de calculs, vils et sans vergogne, intéressés.


*Une version précédente de cette chronique disait :«Celle qui a fait tweeter à Jean-François Lisée, le jour de l’élection de 2014, que nous sommes « soit avec le PQ et sa Charte des valeurs, soit avec les terroristes islamistes » (nb: tweet effacé depuis).» Métro a décidé de remplacer cette section par le texte exact du tweet.

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