On a testé (en partie) le réseau cyclable de Montréal
Avec un réseau cyclable qui se targue d’aligner un total de plus de 900km de pistes cyclables, Montréal veut se transformer en paradis cycliste. Métro est donc parti en expédition pour voir de quoi ce réseau a l’air dans huit des vingt arrondissements, et pour vérifier la fiabilité de la carte des pistes cyclables, publiée récemment par la Ville.
Nous avons ainsi enfourché le pédalier de nos vélos (en réalité, de nos BIXI) et sommes partis rouler sur 36km à travers le Mile-End, la Petite-Patrie, Villeray, Saint-Michel, Rosemont, Saint-Léonard, Hochelaga-Maisonneuve, le Centre-Sud, le centre-ville, Griffintown, Pointe-Saint-Charles et Verdun. Vous nous excuserez de ne pas avoir fait la totalité des 900km du réseau cyclable, notre contrat indique que nous sommes journalistes et non pas des coureurs du Tour de France.
Étape 1 : du Mile-End à Saint-Léonard
Le départ se fait au sein de l’arrondissement avec le plus de cyclistes à Montréal, Le Plateau-Mont-Royal, au coin des rues Laurier et Clark. Une fois le BIXI débloqué, nous empruntons la piste cyclable de la rue Clark. Y rouler se fait sans encombre, à partir de l’avenue Laurier jusqu’au viaduc de Rosemont, la piste est bidirectionnelle et protégée. Il n’y a aucun nid de poule, le goudron étant dans un état quasi parfait.
Après la rue Clark, il faut traverser le viaduc ferroviaire du boulevard Saint-Laurent et prendre la piste cyclable sur Saint-Dominique. Alors que celle-ci est indiquée par la Ville comme étant une simple bande cyclable – une bande cyclable est une voie cyclable qui n’est pas protégée de la circulation -, l’axe cycliste est dans les faits protégé de la circulation par des bollards et des stationnements sur la gauche.
Le sentiment de sécurité est à son maximum, malgré les nids de poule plus nombreux. Sauf qu’après la rue Bélanger, la piste cyclable devient une bande cyclable et passe soudainement et inexplicablement entre les stationnements et la circulation, il n’y a plus de bollards. Preuve que cet aménagement est moins sécuritaire, un automobiliste a tenté de se stationner alors que nous roulions sur la bande réservée aux cyclistes. La collision a été évitée seulement grâce à un freinage d’urgence.
Par la suite, nous prenons la bande cyclable de l’avenue Mozart. Ici, les nids de poule sont légion et aucun marquage ne délimite un espace sécuritaire pour les cyclistes. Seul signe de la bande cyclable vantée par la Ville, il y a des vélos peinturés au sol. Plus loin, pour monter vers Villeray, la rue Drolet est, elle, une bande cyclable classique sur une rue résidentielle. La circulation y est calme, et même si la voie cyclable n’est pas séparée de celle-ci, y rouler est donc agréable.
Pour relier les quartiers Villeray et Saint-Michel, il n’y a qu’une seule piste cyclable, inaugurée l’automne dernier, sur la rue Villeray. Cette piste cyclable est censée être protégée tout le temps. En réalité, si elle est séparée de la chaussée automobile sur la majeure partie du trajet, à plusieurs reprises, la piste fusionne avec une voie pour que les voitures tournent à droite ou avec les arrêts de bus. Sur deux petites portions, la piste est même une simple bande cyclable.
S’ensuivent la bande cyclable sur la 16e Avenue et la piste cyclable sur la rue Saint-Zotique. La 16e Avenue ne dispose en réalité que d’une bande cyclable à contresens, les cyclistes dans le sens nord-sud doivent alors partager la route avec les voitures. La carte de la Ville ne donnait aucune indication à ce sujet. La rue Saint-Zotique offre, elle, une expérience plaisante pour le vélo, le confort et la sécurité y apparaissent équivalents à un Réseau express vélo (REV).
Enfin, il est temps d’arriver à Saint-Léonard. Les bandes cyclables sur la 43e Avenue/rue de Lisieux et sur la rue de Verdier/44e avenue s’arrêtent soudainement une fois la limite de Saint-Léonard traversée. Dans Rosemont, la bande cyclable était peinte, dans Saint-Léonard, on peut seulement voir la trace d’une peinture effacée. Il s’agit pourtant de la seule bande cyclable reliant l’arrondissement au reste de Montréal.
Étape 2 : le chaos, de Rosemont à Hochelaga-Maisonneuve
Si vous prévoyez de relier à vélo le Nouveau-Rosemont avec Hochelaga-Maisonneuve, soyez avertis, il s’agit d’un parcours du combattant. La carte de la Ville nous dit qu’il y aura une belle piste cyclable protégée sur la 39e Avenue, puis sur le boulevard Rosemont avant de pouvoir emprunter une bande cyclable sur le boulevard Viau, la réalité est bien différente.
Nous arrivons sur la 39e Avenue, et surprise, il y a bien une piste cyclable, mais dans l’autre sens. Il faut donc de nouveau rouler sur la chaussée. Sauf qu’après un certain moment, le sens de circulation change et nous devons donc carrément rouler à contresens, ce qui est illégal. Dans l’autre sens, la piste cyclable protégée finit par devenir une bande cyclable avant de totalement disparaitre.
Nous tournons sur le boulevard Rosemont et autre surprise, il n’y a ni la piste cyclable protégée dont se targue la Ville, ni même une bande cyclable. Nous devons donc cohabiter avec les autos sur un boulevard très passant. Le passage sur le boulevard n’est que de quelques mètres, mais une fois sur le boulevard Viau, la situation ne s’améliore guère. La bande cyclable Viau est en réalité une voie réservée aux bus, taxis et vélos, mais uniquement le matin. Après 9h30, il s’agit d’un stationnement.
Nous circulons donc entre le stationnement et les voies de circulation où les voitures roulent vite. Il nous apparait vite évident que le sentier multimodal du parc Maisonneuve est bien plus adapté pour les cyclistes. Y rouler est une sympathique balade. Mais le parc s’arrête à la rue Sherbrooke, et nous devons revenir sur le boulevard Viau. Une bonne surprise s’y trouve, il y a une bande cyclable au sol. Nos espoirs sont vite douchés, alors que nous roulons en pleine descente sur cette bande cyclable, un nid de poule gigantesque absorbe la totalité de la voie réservée aux cyclistes, nous sommes obligés de dévier sur la chaussée.
Finalement, nous arrivons dans Hochelaga-Maisonneuve et l’avenue Pierre-de-Coubertin est censée nous permettre d’emprunter une voie cyclable. Nous nous engageons sur ce qui parait être une vraie piste cyclable, mais notre chemin est bloqué par un panneau de travaux. La piste est pourtant toute belle et aucuns travaux ne sont réalisés à ce moment-là. Plus loin, nous pouvons officiellement rouler dessus, l’expérience y est plaisante, la piste cyclable est très bien séparée de la route.
Il nous reste ensuite deux axes pour atteindre le lieu de notre pause diner, sur la promenade Ontario. L’avenue Bennett est censée être une piste cyclable, mais des travaux y rendent la circulation en vélo compliquée. La piste cyclable est détruite sur une section, et utilisée comme un stationnement provisoire sur une autre partie. Plus loin, la rue de Rouen, plutôt passante, est censée être une bande cyclable. À part une peinture de vélo au sol, il n’y a pas de bande cyclable et nous sommes obligés de cohabiter avec les voitures et de nous faufiler entre celle-ci et le trottoir à chaque panneau d’arrêt.
Étape 3 : d’Hochelaga-Maisonneuve à Verdun
Une poutine, des hot-dogs et quelques coups de soleil plus tard, nous reprenons des BIXI et réempruntons la rue de Rouen. La totalité du tracé y est toujours autant chaotique et la cohabitation avec les voitures se fait difficilement. Il aura fallu attendre le parc Médéric-Martin dans le Centre-Sud pour rejoindre une vraie piste cyclable protégée.
Notre itinéraire nous fait ensuite tourner sur la rue Fullum. Cette bande cyclable pourrait probablement remporter un prix pour le nombre de nids de poule qu’on y trouve, mais le marquage y est encore présent. Une fois engagée sur le boulevard de Maisonneuve, la proximité du centre-ville se fait ressentir, le nombre de cyclistes est démultiplié, et les arrêts à des feux rouges sont beaucoup plus nombreux. L’achalandage de cette piste cyclable, et de celle sur la rue Berri en font des pistes assez sécuritaires, bien séparées de la chaussée.
Après la rue Berri, il faut tourner sur l’avenue Viger. Soudainement, plus aucun cycliste ne roule avec nous. Pourtant, la piste cyclable est gigantesque et, fait rare, elle dispose de deux voies unidirectionnelles, une sorte d’autoroute cycliste. Pour cause, l’avenue Viger est un REV. Mais après le passage du CHUM, dur de croire qu’il s’agit bien d’un REV. En effet, la circulation dense coupe parfois la piste cyclable et celle-ci devient étroite à cause de travaux. Il faut alors rouler entre des barrières de travaux et un trottoir. Gros hic, la chaussée près du trottoir est parsemée de nids de poule profonds. Les éviter est essentiel, car le vélo ne pourrait probablement pas sortir de certains de ces trous.
Après l’avenue Viger, la bande cyclable de la rue McGill est un plaisir. En plein Vieux-Montréal, elle longe de magnifiques bâtiments historiques. Nous tournons alors sur la rue William pour rejoindre le REV Peel. La bande cyclable de la rue William est, de loin, la pire expérience de ce tour de vélo. En effet, la bande cyclable y est inexistante, la chaussée est si étroite que les voitures nous frôlent. Il faut poser un pied sur le trottoir pour pouvoir circuler à droite des voitures qui attendent à un feu rouge.
Après cette expérience stressante, le REV Peel et la piste du canal Lachine apparaissent comme de réelles promenades de santé. La piste du canal Lachine est bien évidemment hors classement, car elle a été conçue pour le cyclotourisme et n’est pas longée par une route. Il est désormais temps de traverser Pointe-Saint-Charles. Pour notre confort, nous commençons à avoir hâte d’arriver au métro à Verdun.
À Pointe-Saint-Charles, le calme qui règne est impressionnant après le brouhaha du centre-ville. La circulation y est très faible. La première piste cyclable sur la rue Island, est bidirectionnelle et est très bien protégée. Les mesures d’apaisement de la circulation qui visent cette rue fonctionnent. Après la rue Island, la piste cyclable débouche sur la rue d’Hibernia. Censée avoir une bande cyclable, celle-ci n’a aucun marquage au sol. Nous commençons à être habitués à ce type de bandes cyclables effacées ou inexistantes.
Dernière ligne droite – pas tout à fait droite – de cette longue sortie en BIXI – et c’est lourd un BIXI -, il faut emprunter la rue Wellington dans Pointe-Saint-Charles, puis les rues Gilberte-Dubé et de Verdun, dans le quartier homonyme. La rue Wellington dispose d’une bande cyclable classique, et les rues Gilberte-Dubé et de Verdun offrent des pistes cyclables de qualité.
Petite surprise tout de même : la rue de Verdun dispose d’une piste cyclable sécurisée et séparée de la chaussée sur une longue partie de son tracé malgré que la Ville indique que cette infrastructure n’est qu’une simple bande cyclable. C’est donc la fin de notre tour de vélo, et le soulagement ainsi que la soif sont bien réels quand nous posons pied à terre et voyons l’édicule du métro.
Un réseau avec de grandes forces, mais localement des faiblesses
Après 36km à travers neuf arrondissements et une douzaine de quartiers, nous pouvons voir que le réseau cyclable de Montréal est inégal. Si l’on ne connait pas le secteur, rouler sur certaines pistes et bandes cyclables peut révéler des surprises – aussi bien bonnes que mauvaises. Plusieurs pistes sont belles et sécuritaires, surtout sur de grands axes comme les rues Villeray, de Verdun ou Saint-Zotique.
L’est des arrondissements centraux parait par contre délaissé des politiques en faveur des cyclistes. En effet, relier en pédalant l’est de Rosemont et Hochelaga-Maisonneuve est une épreuve. Les bandes cyclables sont globalement nombreuses à être indiquées mais à ne pas avoir de marquage au sol : Mozart, 16e Avenue, de Lisieux, Verdier, de Rouen, Viau, William, d’Hibernia.
De rares pistes cyclables n’existent au final pas, ou seulement dans un sens comme sur la 39e Avenue, ou le boulevard Rosemont. Mais n’oublions pas toutes les pistes et bandes cyclables qui sont confortables et sécuritaires : Saint-Dominique, Clark, Drolet, Maisonneuve, Berri. De plus, tout comme pour les automobilistes, les cyclistes doivent composer avec les nids de poules lorsqu’ils roulent à Montréal.