VÉRIFICATION: Un débat inondé de faussetés et de demi-vérités
WASHINGTON — Le président Donald Trump a laissé couler un torrent de faussetés et de peur lors d’un débat belliqueux avec Joe Biden mardi soir, affirmant par exemple que le bilan du coronavirus aux États-Unis aurait été dix fois pire si les démocrates avaient été au pouvoir puisque M. Biden voulait ouvrir les frontières pendant la pandémie. M. Biden n’a jamais rien dit de tel.
M. Trump n’a pas jugé bon de respecter les faits lors du débat plus qu’il ne le fait habituellement lors de ses événements de campagne. Il a toutefois dû composer avec un adversaire et un modérateur, le journaliste Chris Wallace, qui ont fait de leur mieux pour le corriger en temps réel.
M. Biden a parfois lui aussi trébuché, quand la colère s’est emparée des deux hommes à Cleveland.
Voici une vérification de quelques-uns de leurs propos.
LE BILAN DE LA PANDÉMIE
TRUMP, s’adressant à M. Biden au sujet du bilan de la COVID-19 aux États-Unis: «Si tu étais ici, ce ne serait pas 200 000 personnes, ce serait deux millions de personnes. Tu ne voulais pas que j’interdise la Chine, qui était lourdement infectée… Si on t’avait écouté, on aurait laissé le pays grand ouvert.»
LES FAITS: L’affirmation effrontée selon laquelle il y aurait eu deux millions de morts aux États-Unis sous une présidence Biden s’appuie sur une fausse accusation. M. Biden ne s’est jamais opposé à la décision de M. Trump d’interdire les voyages en provenance de la Chine. M. Biden a mis du temps à se prononcer, mais quand il l’a fait, il a appuyé les restrictions. M. Biden n’a jamais demandé de laisser le pays «grand ouvert» face à la pandémie.
M. Trump prétend souvent, et incorrectement, qu’il a interdit les voyages en provenance de la Chine. Il les a plutôt restreints.
Des dizaines de pays ont adopté des mesures de contrôle de leurs frontières en même temps que les États-Unis.
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MANIFESTATIONS
TRUMP: «Le shérif (de Portland, dans l’Oregon) s’est exprimé aujourd’hui et il a dit qu’il appuyait le président Trump.»
LES FAITS: C’est faux. Le shérif du comté de Multnomah, dans l’Oregon — qui englobe la ville de Portland — a dit qu’il n’appuie pas M. Trump.
Le shérif Mike Reese a lancé sur Twitter: «En tant que shérif du comté de Multnomah, je n’ai jamais appuyé Donald Trump et je ne l’appuierai jamais.»
BIDEN: «Il y avait une manifestation pacifique devant la Maison-Blanche. Et qu’est-ce qu’il a fait? Il est sorti de son bunker et il a demandé à l’armée de tirer des gaz lacrymogènes.»
LES FAITS: Ce sont les policiers, et non les militaires, qui ont utilisé des irritants chimiques pour déloger des manifestants pacifiques de la place Lafayette, près de la Maison-Blanche, le 1er juin.
Rien ne prouve que M. Trump se trouvait dans un bunker de la Maison-Blanche à ce moment.
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RÉPONSE À LA PANDÉMIE
TRUMP: Le docteur Anthony Fauci «a dit très fortement, ‘les masques ne sont pas bons’. Puis il a changé d’idée et il a dit, ‘les masques sont bons’».
LES FAITS: Il omet un contexte de grande importance. M. Trump fait fi des leçons apprises pendant le déroulement de la pandémie, ce qui remet en question la crédibilité des experts de santé publique.
Au début de la pandémie, plusieurs experts ont déconseillé à la population de porter un masque, par crainte de causer une pénurie pour les employés de santé de première ligne.
Puis, le conseil a changé quand le fort degré de contagiosité du virus est devenu évident et qu’on a constaté qu’il pouvait être propagé par les gouttelettes expulsées par des gens possiblement asymptomatiques.
Le docteur Fauci et plusieurs autres experts américains de premier plan s’entendent sur l’importance du port du masque et de la distanciation sociale. Le docteur Robert Redfield des Centers for Disease Control and Prevention a fréquemment répété que de telles mesures pourraient être aussi efficaces qu’un vaccin si seulement les gens les respectaient.
TRUMP, au sujet du coronavirus et de ses événements de campagne: «À date nous n’avons eu aucun problème. Ça se passe dehors, et les experts disent que ça fait une grande différence. Nous avons attiré des foules énormes.»
LES FAITS: Ce n’est pas vrai.
M. Trump a organisé un événement intérieur à Tulsa, en Oklahoma, à la fin du mois de juin. Des milliers de personnes se sont déplacées, soit pour y assister, soit pour manifester.
Les responsables locaux de la santé publique ont dit que cet événement a «vraisemblablement contribué» à un bond important du nombre d’infections à cet endroit. Au début de juillet, le comté de Tulsa comptait plus de 200 nouvelles infections par jour, un nombre plus de deux fois plus élevé que pendant la semaine avant l’événement.
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ÉCONOMIE
BIDEN: M. Trump sera le «premier (président) de l’histoire des États-Unis» à perdre des emplois pendant sa présidence.
LES FAITS: Non, si M. Trump n’est pas réélu, il ne sera pas le premier président de l’histoire des États-Unis à avoir perdu des emplois. Cela s’est produit sous Herbert Hoover, qui a été battu par Franklin Roosevelt en 1932, dans la foulée de la Grande dépression.
Les données officielles sur le chômage remontent seulement à 1939. Pendant cette période, aucun président n’a conclu son mandat avec moins d’emplois qu’au début. M. Trump semble avoir perdu des emplois pendant son premier mandat, ce qui serait une première depuis M. Hoover.
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L’INTÉGRITÉ DU SCRUTIN
TRUMP, au sujet d’une éventuelle fraude électorale lors du vote par correspondance: «L’élection est truquée».
LES FAITS: Il exagère la menace. M. Trump tente depuis des mois de miner l’intégrité d’un scrutin qui n’a même pas encore commencé, possiblement pour être en mesure d’en contester l’issue.
Les experts ont souvent répété que rien ne permet de conclure à une fraude massive lors du vote par correspondance, tout comme l’ont fait les cinq États qui utilisaient exclusivement cette méthode avant même la pandémie.
La semaine dernière, le patron de la police fédérale américaine, Chris Wray, a déclaré lors d’une audience au Congrès que le FBI n’a historiquement «constaté aucun effort national coordonné de fraude lors d’une grande élection, que ce soit par correspondance ou autrement».
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FOOTBALL
TRUMP: «Je suis celui qui a ramené le football. J’ai ramené le football Big Ten. C’était moi et je suis très heureux de l’avoir fait.»
LES FAITS: Allons voir la reprise. Si M. Trump a demandé à la conférence Big Ten de jouer en 2020, il n’a pas été le seul: les partisans, les athlètes et les villes universitaires l’ont aussi demandé.
Quand Big Ten a annoncé plus tôt ce mois-ci qu’elle annulait sa décision d’annuler la saison en raison de la COVID-19, M. Trump l’a remerciée sur Twitter: «Ça a été un grand honneur d’avoir aidé!»
La conférence regroupe des universités dans des États qui pourraient jouer un rôle important lors de l’élection, notamment la Pennsylvanie, l’Iowa, le Michigan, le Minnesota, l’Ohio et le Wisconsin.
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CRIMINALITÉ
BIDEN: «Dans les faits, les crimes violents ont chuté de 17 %, de 15 % sous notre administration.»
LES FAITS: Il exagère.
Au total, le nombre de crimes violents a chuté d’environ 10 % entre 2008, quand M. Biden est devenu vice-président, et 2016, sa dernière année complète au pouvoir, selon les données du FBI.
Le nombre de crimes violents était toutefois reparti à la hausse pendant les deux dernières années de l’administration Obama-Biden, grimpant de 8 % entre 2014 et 2016.
Par exemple, plus de personnes ont été assassinées aux États-Unis en 2016 qu’à n’importe quel autre moment sous Barack Obama.
TRUMP: «Regardez ce qui se passe à Chicago, où 53 personnes ont été atteintes par des tirs et huit sont mortes. Regardez New York, où ça augmente comme jamais auparavant… les chiffres sont en hausse de 100, 150, 200 %, le crime, c’est fou ce qui se passe.»
LES FAITS: Pas tout à fait. Les chiffres pour Chicago sont corrects, mais cela ne représente qu’une infime portion de la criminalité dans la ville et au pays, et la stratégie de M. Trump montre à quel point il est facile de façonner les chiffres en fonction des besoins du moment.
Au sujet de New York. M. Trump parlait possiblement des fusillades qui sont en hausse d’environ 93 % cette année. La criminalité totale est toutefois en baisse de 1,5 %. Les meurtres ont augmenté de 38 %, mais il y a eu 327 morts comparativement à 236, un chiffre encore bas quand on le compare aux années précédentes. La criminalité est en recul de 10 % comparativement à il y a dix ans.
Un rapport publié par le FBI lundi indique que les crimes violents sont en déclin depuis trois ans.
Calvin Woodward et Hope Yen, The Associated Press