Le diagnostic de Trump alimente les rumeurs et les théories du complot

La Maison Blanche, tôt le vendredi 2 octobre 2020, après que le président Donald Trump ait annoncé que lui et la première dame Melania Trump ont été testés positifs pour le coronavirus. Photo: J. Scott Applewhite/AP Photo
Amanda Seitz et Beatrice Dupuy - The Associated Press

CHICAGO — Les rumeurs, la désinformation et les théories du complot prolifèrent à une vitesse exponentielle depuis que le président Donald Trump a annoncé qu’il avait été infecté par la COVID-19.

En quelques heures, ces publications ont envahi les réseaux sociaux de nombreux internautes aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

Des tweets partagés des milliers de fois affirment que les démocrates pourraient avoir infecté intentionnellement le président avec le coronavirus au cours du débat de mardi soir. D’autres ont écrit sur Facebook que le président faisait peut-être semblant d’avoir été contaminé. La nouvelle a également déclenché les spéculations des adeptes de QAnon, qui colportent une croyance sans fondement selon laquelle Donald Trump lutte contre un réseau secret de représentants du gouvernement et de célébrités qui, selon eux, dirigent un réseau sataniste de trafic d’enfants.

Le diagnostic de M. Trump, annoncé un mois avant l’élection présidentielle du 3 novembre, a été aspiré dans le vortex de désinformation et de mensonges entourant le coronavirus et ce scrutin hautement polarisant. Le président a lui-même alimenté une grande partie de la confusion et de la méfiance depuis le début de sa campagne, dans ses fonctions présidentielles et sur son compte Twitter, où il a lancé des allégations infondées sur une prétendue fraude électorale généralisée ou fait la promotion de remèdes non éprouvés contre le coronavirus, tels que l’hydroxychloroquine.

«C’est à la fois une crise politique quelques semaines avant les élections et une crise sanitaire; c’est une tempête parfaite», a estimé Alexandra Cirone, professeure adjointe à l’Université Cornell qui étudie les effets de la désinformation sur le gouvernement. «Ce n’est qu’une autre « fake news » dans une élection qui a déjà vu un niveau élevé de « fake news ».»

Le réseau social Facebook a déclaré vendredi qu’il avait immédiatement commencé à surveiller la désinformation autour du diagnostic du président et commencé à appliquer des vérifications des faits à certains messages colportant de fausses informations.

Twitter, de son côté, surveille une hausse des campagnes «copypasta» concernant la maladie de M. Trump. Les campagnes «copypasta» sont des tentatives par de nombreux comptes Twitter de répéter sans cesse la même phrase pour inonder les utilisateurs avec un certain message, et elles indiquent parfois une activité coordonnée. L’entreprise a déclaré qu’elle s’efforçait de limiter la diffusion de ces tweets.

L’hydroxychloroquine et Hillary Clinton

Près de 30 000 utilisateurs de Twitter avaient retransmis une variété de théories du complot sur l’actualité vendredi matin, selon une analyse de VineSight, une société qui suit la désinformation en ligne.

Environ 10 000 de ces retweets ont vanté l’hydroxychloroquine, dont l’efficacité contre la COVID-19 n’a pas été prouvée, en tant que traitement pour le président. Selon l’analyse de la société, 13 000 retweets supplémentaires étaient liés à une théorie de QAnon selon laquelle le président se place en isolement au moment où un grand nombre de politiciens de haut niveau comme Hillary Clinton sont arrêtés.

La plupart des conversations provenaient de comptes non vérifiés sur Twitter, a indiqué Gideon Blocq, qui dirige VineSight.

«Beaucoup d’entre eux semblent très heureux de ce qui va se passer parce qu’ils pensent qu’Hillary Clinton va être arrêtée», a affirmé M. Blocq à propos des adeptes de QAnon.

La désinformation ne circule pas seulement dans les franges marginales d’internet, mais également chez les utilisateurs quotidiens des médias sociaux, précise Shane Creevy, un responsable de Kinzen, une société établie en Irlande qui surveille la désinformation en ligne.

«La partie conspirationniste d’internet est extérieure au courant dominant, mais même parmi les utilisateurs moyens, nous voyons beaucoup de pensées folles poussées par des gens qui devraient être mieux informés», indique M. Creevy.

D’autres utilisateurs des médias sociaux ont suggéré que le diagnostic de M. Trump était un canular visant à susciter la sympathie des électeurs ou à le soustraire du prochain débat contre le candidat démocrate Joe Biden.

Cette spéculation apparaît notamment dans les commentaires des pages Facebook de certains médias reconnus qui ont rapporté la nouvelle du diagnostic de M. Trump. «C’est un mensonge», a écrit un utilisateur de Facebook sous la publication d’un réseau télévisé, estimant qu’il s’agissait d’une «stratégie pour ne plus débattre contre M. Biden».

Des messages similaires ont été partagés des milliers de fois en ligne. «Trump simule-t-il la COVID pour éviter la blessure narcissique de perdre les élections?» a lancé un utilisateur de Twitter dans un message partagé plus de 4000 fois vendredi matin.

Un scénario de catastrophe majeur

Clint Watts, un expert en désinformation du Foreign Policy Research Institute, a publié en juillet un rapport dans lequel il affirmait que l’éventualité que l’un ou l’autre des candidats à la présidence contracte la COVID-19 constituait un scénario de catastrophe majeur en matière de désinformation.

«La principale raison pour laquelle il s’agirait d’une catastrophe est qu’il ne reste plus de sources d’informations fiables qui n’aient pas été sapées par le président», a-t-il dit.

La nouvelle risque également de permettre à certains acteurs nationaux et étrangers d’exploiter la désinformation qui en découlera, selon la professeure Cirone, de l’Université Cornell. Elle a prédit que des internautes partageraient des vidéos de politiciens toussant ou semblant malades pour prétendre qu’ils ont eux aussi été contaminés par le virus.

Des utilisateurs de médias sociaux ont déjà commencé à partager des vidéos de Joe Biden en train de tousser lors d’un événement en Pennsylvanie mercredi pour suggérer qu’il était malade. La vidéo a refait surface vendredi matin et a obtenu plus de 160 000 vues sur Twitter, les utilisateurs suggérant que M. Biden avait infecté M. Trump ou qu’il avait attrapé le virus de M. Trump pendant le débat. Joe Biden et sa femme ont été testés et ont reçu un résultat négatif vendredi.

«Les acteurs (mal intentionnés) misent sur la (probabilité) que les citoyens soient très préoccupés par cela et diffusent accidentellement de fausses nouvelles», a expliqué Mme Cirone.

Dans ce qui constitue peut-être un signe de ce qui s’en vient, la chaîne de télévision publique russe RT a tweeté une histoire suggérant que la toux prolongée de M. Biden à la suite du débat soulevait des inquiétudes pour l’ancien vice-président après le diagnostic de M. Trump. Lors de la dernière élection présidentielle en 2016, la Russie a lancé une campagne de désinformation en ligne avec de faux comptes sur les réseaux sociaux qui visaient à influencer les opinions des électeurs américains, et il y a des signes indiquant que le Kremlin mène des efforts similaires actuellement.

M. Watts souligne que les comptes soutenus par la Russie ne rôdent actuellement qu’autour du président et de la Maison-Blanche, mais selon lui, ce n’est que le début de leur offensive, d’autant plus que M. Trump n’en est qu’au début de sa période d’isolement.

«Ils vont positionner toutes sortes de conspirations ou amplifier les conspirations américaines», a prédit l’expert en désinformation.

Amanda Seitz et Beatrice Dupuy, The Associated Press

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