Le luxe de jouer

J’ai une patinoire extérieure en face de chez moi. Vraiment en face. Je peux pratiquement mettre mes patins chez nous. Je compte y aller souvent cet hiver, pour perfectionner ma technique de freinage, qui est assez n’importe quoi. Entre tourner sec et «rollerblade freinage». Mais surtout, pour rester en santé. À l’aube de mes 32 ans, je ne joue plus, je garde la forme.

Jouer, c’est une affaire de jeune. Enfant, ado, au début de la vingtaine, on joue, on fait du sport pour le plaisir, jamais pour la santé, la forme. Tu joues, point. Puis arrive le creux d’activité physique de la mi-vingtaine, fin vingtaine. Après les études, tu commences à travailler, le jeu sort un peu de ta vie, tu te prends au sérieux, t’es un «adulte», tu tiens pour acquis que… Bah… T’es jeune, pas besoin de bouger. Puis, un jour, tu refais du sport, ou tu t’entraînes pour la première fois depuis trois ou quatre ans. Bang! Le mur. T’as de la misère à suivre, tu récupères vraiment pas aussi rapidement qu’avant, le lendemain t’as mal à des muscles dont tu ignorais l’existence, et tu marches comme si t’avais des attelles en métal Forrest Gump style. Révélation. Tu n’as plus 20 ans. Faut que tu te gardes en forme.

Yoga chaud, Cross Fit, course à pied, ultimate frisbee, hockey cosom, y a de quoi faire pour ceux qui veulent être le parfait citoyen actif/santé/humus. Quand on y pense, mettre à son horaire d’aller bouger, c’est un peu absurde. C’est très occidental XXIe siècle. Plusieurs peuples dans les pays en développement ne s’entraînent pas, ils vivent, simplement. Leurs activités quotidiennes leur suffisent. Comme nos ancêtres occidentaux avant nous. Avant, l’activité physique était répartie entre les tâches ménagères, le travail et le bétail. Je ne m’en plains pas. J’aime mieux aller au gym, jouer au badminton, au hockey, qu’aller faire les champs, abattre des arbres, poser un chemin de fer et fouiller dans les fesses d’une vache.

Le jeu est une affaire de jeunes… Et de riches. Comme les anciens bourgeois qui jouaient au polo, au tennis, au golf, pendant que leurs ouvriers, nos ancêtres, travaillaient leurs terres, dans leurs fermes. Aujourd’hui, quelque part dans le monde, des ouvriers, fermiers, travaillent dans des usines, sur des terres, sous-salariés, fabriquent des souliers, des raquettes, des balles, des shorts, revendus 1 000 % leur valeur de fabrication, cultivent les terres pour nos barres de céréales full blé protéines power. Parfois, je veux m’identifier à mes ancêtres qui ont trimé dur, mais le constat est lourd à assumer. Je suis beaucoup plus près du bourgeois à cheval blanc que du papi dans le champ.

Je vais aller patiner un peu.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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