Rions beaucoup avec les nuisances syndicales
Même si mon sujet abordé est tragique, il faut chercher au plus profond de soi la sérénité nécessaire pour essayer d’en rire un peu. Les sensibles et les doux de cÅ“ur devraient s’abstenir de lire cet article car il implique des groupes ou des individus qui feraient passer la marâtre d’Aurore l’enfant martyr comme une humoriste comparée à eux. Des groupes abominables que je vous dis.
À tout seigneur tout honneur, commençons et terminons par les tyrans par excellence que sont les syndicats. Selon certains, il n’ont que des défauts, et des énormes en plus de ça. L’Institut économique de Montréal, un organisme patronal de recherche l’a affirmé en 2005 dans son pamphlet Les syndicats nuisent à la croissance économique. S’il n’y avait pas de syndicat, tout le monde serait riche au Québec, pas seulement les dirigeants et les médecins, surtout les spécialistes.
Pierre-Karl Péladeau, le patron de Quebecor, l’a aussi dit, les larmes aux yeux, ce qui m’a fait beaucoup pleurer : «Le baron des médias sonne la charge contre les syndicats tout-puissants», a titré un quotidien. Il avait l’air d’un petit chien inoffensif battu. M. Péladeau a mentionné, la gorge serrée et les bras en signe de croix, qu’au Québec il y avait «un déséquilibre des forces qui favorise les organisations syndicales».
En plus d’être un obstacle à la création de la richesse, les syndicats oppriment nettement les entreprises et leurs dirigeants, même les transnationales comme les pétrolières et les pharmaceutiques. De la répression à l’état pur appliquée par les syndicats insensibles à l’endroit de nos cerveaux et de nos créateurs de richesse. Je prie souvent pour ces terrorisés que sont les innocentes victimes de la torture syndicale inqualifiable, ben pire que les sévices de Bush en Irak et à Cuba.
Tout-puissants que sont les syndicats d’ici, la Banque mondiale, un organisme farouchement à droite, a réalisé une étude portant sur 135 pays et a conclu qu’«il est facile de congédier au Canada», tel que titré dans La Presse du 29 novembre 2004. Vraiment intéressant, n’est-ce pas? Facile de congédier les travailleurs ordinaires s’entend. Pas les boss qui se concoctent toujours des contrats d’emplois dotés de parachutes dorés avec des gros fonds de pension, de fabuleuses primes de séparation, etc. Ces derniers prônent toujours la flexibilité et la souplesse dans l’emploi sauf bien évidemment en ce qui les concerne.
Pour le patronat et sa suite, la sécurité d’emploi des travailleurs nuit à la productivité. Les employés sont plus productifs lorsqu’ils sont en permanence sur le qui-vive et savent qu’ils peuvent être «flushés» en tout temps. C’est tout simplement merveilleux de vivre dans de telles conditions. Beau projet de société que de considérer la sécurité d’emploi comme un luxe contre l’arbitraire. Par contre, la sécurité d’emploi blindée des patrons, c’est bon. Ça sécurise leur petite famille et leur avenir et ça les rend plus productifs. Je sais que ça se complique un peu, mais je vous expliquerai la logique scientifique et naturelle de ce modèle économique dans un autre texte.
Puis, il y a le patronat qui a dit : «Québec doit cesser de céder aux pressions syndicales», tel que signalé dans Les Affaires. Cela exclut évidemment les bonnes pressions exercées par les syndicats patronaux (Conseil du patronat, Chambre de commerce, Fédération de l’entreprise indépendante, association des banques, des pétrolières, des papetières, des pharmaceutiques, etc.), qui, eux, au contraire des syndicats des travailleurs, stimulent la prospérité. Il y a les bons et les mauvais syndicats. Vous pigez?
Les gouvernements doivent plutôt céder aux pressions patronales qui incarnent toujours le bien commun et sont totalement désintéressés. Par exemple, je vois le titre de cet article du Devoir du 5 décembre 2009 : «Climat. 1570 lobbyistes à l’assaut du fédéral» ; et cet autre paru dans le même quotidien : «Kyoto : l’industrie automobile impose ses règles.» Enfin, que dire du titre de cet article de La Presse du 26 avril 2009 qui me laisse songeur : «Réchauffement climatique : un lobby américain [compagnies pétrolières, charbon et automobile] a sciemment menti.»
Faut croire que le lobbyiste patronal (une industrie de plusieurs milliards par an, selon le Journal de Montréal du 8 avril 2005), c’est bon car c’est fait pour améliorer le sort de tous et encore plus des générations futures qui ont intérêt à ce que les compagnies continuent à polluer. C’est pour leurs petits-enfants qu’ils font ça. Oui, le patronat peut «imposer ses règles» et «mentir», de façon bienveillante, si ça peut aider à créer de la richesse collective.
Des «menteries» qui font du bien. Pas du tout pareil pour les vilains syndicats. Moi, je soupçonne que certains syndicats ont à leur tête des socialistes. Tout à fait impensable, vous me direz, mais la probabilité est là. Il faut en finir avec la suspicion à l’endroit de nos aimables lobbyistes, comme l’a dit Stéphanie Yates, étudiante au doctorat en science politique à l’Université Laval dans son opinion publiée dans La Presse du 4 mai 2007 : «Pour en finir avec la suspicion, il est essentiel que le lobbying soit considéré comme légitime, sain et souhaitable dans toute société démocratique.» Tiens toé! Avec une telle profondeur dans son raisonnement intellectuel, sûr que Mme Yates a complété son doctorat, avec grande distinction, depuis longtemps.
Pour étaler encore plus la preuve que les syndicats sont une nuisance publique, il y a Jean-Paul Gagné du journal Les Affaires qui a affirmé ceci dans son éditorial du 6 décembre 2003 : «L’intérêt public coïncide rarement avec celui des syndicats.» Quel bel exemple de retenue et de diplomatie. M. Gagné a dit «rarement» plutôt que «jamais». Un éditorial tout à fait inutile, un pléonasme et une lapalissade en quelque sorte car tout le monde sait bien que l’intérêt public coïncide plutôt toujours avec celui du patronat, des banques, des pharmaceutiques, des pétrolières, etc.
Enfin, il y a les partis politiques au Québec qui, faisant preuve de «courage» et non d’opportunisme et de démagogie, comme ailleurs, ont sonné la charge contre les syndicats. «Dumont (Mario, de son petit nom) dit qu’il ne laissera pas les syndicats mener le Québec», a titré Le Devoir le 27 septembre 2002.
Ne voulant pas perdre son statut de preux chevalier, «seul un gouvernement libéral peut tenir tête aux syndicats, selon Charest» a rapporté Le Devoir du 17 octobre 2005. Tenir tête aux syndicats mais se faire complices des pachas en les subventionnant généreusement avec des fonds publics, en tolérant leurs paradis fiscaux et en en leur cédant nos services publics et nos ressources naturelles au nom des partenariats public-privé et de la réingénérie de l’État-providence.
Les grands esprits du Parti québécois se rejoignent toujours. Lucien Bouchard, alors premier ministre du Québec, a dit en 1999, tel que paru dans le Journal de Montréal du 29 avril 1999 : «Bouchard : les syndicats sont trop gourmands.» Oh, oh, que vois-je, 10 années plus loin au Québec, comme titre de cet article du Devoir 28 janvier 2010 : «Les syndiqués sont trop gourmands, selon Pauline Marois.»
Plus ça change, plus c’est pareil au PQ. Pour ces commandités, les syndicats sont toujours trop gourmands et affament de ce fait le patronat et la population. Celle-ci est aussi vraiment drôle, tel que titré dans La Presse du 27 mai 2007 : «Le maire Tremblay prêt à se battre contre les syndicats.» Ma mère lui fait dire qu’il devrait plutôt se battre contre la corruption généralisée et les lobbyistes qui règnent en rois et maîtres à Montréal.
Faudrait pas que tout ce beau monde se retrouve en Europe en général et en Scandinavie en particulier, qui ont un taux de couverture syndicale de plus de 80 % contre 39 % au Québec, ce qui ne les empêche pas d’être les pays (Suède, Finlande, Norvège) les plus compétitifs du monde, selon l’organisme privé du Forum économique mondial. Messieurs, dames, faudrait m’expliquer, en essayant de vous abstenir de me déballer vos sornettes idéologiques primaires et vos légendes démagogiques simplistes usuelles, ce qui est beaucoup vous demandez, j’en conviens.
Qu’à cela ne tienne, voici le titre révélateur de deux articles de La Presse et du Journal de Montréal : «Les jeunes Québécois plus favorables au syndicalisme selon un sondage Léger Marketing» et «Les Canadiens perçoivent positivement les syndicats.» En somme, les jeunes et la population sont nettement favorables aux syndicats et le tandem politiciens-patronat n’est pas contre en théorie mais affiche plusieurs réserves qui, une fois, décodées montrent qu’il préférerait qu’ils «brillent» par leur absence.
Oh j’en oubliais une bonne tel que titré dans La Presse du 18 mai 2006 : «Conseil du patronat du Québec : les groupes communautaires nuisent à la prospérité, selon le président.» Il y a aussi le propriétaire de la papetière Cascades, Bernard Lemaire, qui a dit que «les gouvernements écoutent trop les écologistes». Pas assez les pollueurs, je suppose. Même les artistes, disons certains, passent au tordeur.
Il y a l’ancien ministre péquiste Guy Chevrette, recyclé dans le privé et devenu président de l’association des papetières du Québec qui a littéralement crucifié vivant Richard Desjardins à la suite de son documentaire L’erreur boréale, et Roy Dupuis de Fondation Rivières à qui les entrepreneurs crient de gros mots pas jolis. Les groupes communautaires, les écologistes, les syndicats, les artistes, les socialistes, les communistes qui «mangent nos enfants», tous du méchant monde. Bonne nouvelle, au moins les syndicats n’ont pas le monopole de la nuisance publique.