L’Enfant du Canada

«La civilisation bombe le torse, bandant verges et drapeaux.» – Joseph Andras

Je suis l’Enfant du Canada. Celui qu’on ne voit pas, qu’on n’écoute pas, dont on entend le ventre gargouiller. Je suis le pourcentage. Quand on dit que «19 % des enfants au Canada vivent dans la pauvreté», c’est moi, ça.

Selon un rapport publié par l’UNICEF en 2016, le Canada est une des sociétés riches les plus inégalitaires pour les enfants. Le bilan classe le Canada au 26e rang sur 35 pays dans les quatre principaux domaines, soit le revenu, l’éducation, la santé et la satisfaction à l’égard de la vie.

Je viens de l’utérus du Canada. On m’a mis au monde en me disant de ne pas y toucher. Ton drapeau est rouge sur fond blanc, comme une serviette sanitaire. Ton drapeau est la métaphore de tous ces enfants qui ne passeront pas le mois.

Je suis l’Enfant du Canada qui, depuis 1867, voit le Parti libéral et le Parti conservateur s’échanger le pouvoir comme un serpent bicéphale venimeux.

Je suis l’enfant qui rappelle au dragon Gilbert Rozon que si, comme il l’a dit à Tout le monde en parle, les choses s’améliorent, eh! bien, je me questionne : elles s’améliorent pour qui, mon Gilbert? Sans aucun doute pour toi pis certains humoristes bourgeois qui foulent la scène de ton festival où la médiocrité est élevée au rang de gala.

Quand je demande où est la richesse, on me répond : «Est partie, comme grand-papa, vers le paradis fiscal pour les gens à droite de Dieu.»

Je suis l’enfant d’immigrants que Marine Le Pen vous dit de ne pas accueillir sur les ondes de TVA, LCN, Énergie et autres médias xénophobes.

Je suis cet enfant qui constate la mort intellectuelle de Radio-Canada. Si Ottawa a approuvé le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, c’est pour accompagner Radio-Canada vers son déclin final.

Je suis cet enfant né déjà coupable de tout. On m’accuse même d’avoir volé la jambe de Terry Fox.

Je suis cet enfant qui ne comprend pas, qui demande pardon, même à son agresseur.

Je suis l’enfant invisible dans les médias qui habite Montréal-Nord. Montréal-Nord, c’est un comme un coup de soleil : faut que ça brûle pour qu’on en parle.

Je suis cet enfant autochtone, pogné entre deux mondes, qui se demande encore : «Pourquoi et comment René Angélil est-il l’ambassadeur de ma culture?»

Je suis l’enfant, accoutré comme Oliver Twist, qui a depuis longtemps refermé ses petits points sur les i.

Je suis l’enfant gaspésien attaqué, colonisé, pollué par des compagnies pétrolières pendant que l’Assemblée nationale m’attache les deux mains à un pare-chocs de char qui me donne un lift au dépanneur pour acheter de l’eau en bouteille importée de France.

Je suis cet enfant à qui le poète François Guerrette demande pardon quand il nous dit : «De nos restes vous serez les habitants, vous apprendrez à vivre dans ce qui vous tue.»

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