Le malaise aérien
Récemment, j’étais dans un vol qui me ramenait de Rome et 15 minutes après le décollage, un membre de l’équipage a pris le micro pour nous lancer cette phrase digne d’un film à la prémisse éculée : «Mesdames et messieurs, nous avons une urgence médicale à bord. Est-ce qu’il y aurait un médecin parmi les passagers? Si vous êtes médecin ou infirmière, merci de vous diriger immédiatement vers la rangée 39.»
Ça s’ébroue en cabine, les gens tendent le cou pour voir s’il y a du sang (tu connais les êtres humains, right?) et on reste là, filant à 850km/h au-dessus l’Europe occidentale, à se demander ce qui se passe. Les agents de bord s’énervent, on court chercher de l’oxygène, on requiert la trousse de premiers soins, etc. Le mot se répand : il semblerait qu’un monsieur âgé ait eu un «malaise», un terme médical technique désignant semble-t-il 92% des problèmes de santé. Il y a deux médecins dans l’avion et on semble faire le nécessaire pour aider le pauvre yable.
Flash-forward deux heures plus tard. Les gens font ce que tu fais normalement dans un avion: ils somnolent ou regardent le 17e opus de la série X-Men : Lucifer-Contre-Le-Gars-Avec-Le-Casque-Magique-Qui-a-Toujours-Mal-à-la-Tête. On ne sait pas trop si le monsieur va mieux. On ne peut que l’espérer.
On est en train de survoler l’Angleterre, quand soudain, on perçoit dans nos oreilles que l’avion vire de bord. Le capitaine prend la parole : «Mesdames et messieurs, en raison de l’urgence médicale à bord, nous allons atterrir à Londres pour permettre aux équipes médicales au sol de venir assister la personne en difficulté. Nous serons sur le sol britannique pour une heure, peut-être deux. Merci de votre compréhension.»
On atterrit et, après une inspection des freins de l’avion (parfois, quand un avion atterrit avec un presque plein de carburant, les freins surchauffent et il paraît que c’est très pratique des freins sur un avion), les équipes de secours entrent pour s’occuper du monsieur. Sa femme est une vieille dame très digne qui pleure en silence en prenant les bagages de son conjoint. Les ambulanciers parviennent à mettre le monsieur sur un brancard malgré l’exigüité de l’espace et le roulent jusqu’à la porte. Tous les passagers applaudissent (cette fois, c’est pour une bonne raison) et le bonhomme salue à la ronde et se permet même un sourire teinté par la douleur.
C’était franchement un bel exemple de courage, de coopération et de professionnalisme. C’est dans ces moments-là que tu te surprends à être optimiste pour l’avenir de l’humanité, de penser que malgré la pluie de dégueulasseries qu’on se fait subir les uns aux autres, il reste quelque chose comme une dose de bonté et d’humanité.
La seule question qui demeure, c’est de savoir si, après le redécollage, j’ai bien fait de faire signe à l’hôtesse pour lui dire:
– Est-ce que c’est possible d’avoir le repas du monsieur qui a débarqué, vu que, t’sé, il le mangera clairement pas?
– …