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Random Recipe, toujours en mouvement

Photo: Josie Desmarais/Métro

Entre deux tournées en Amérique du Sud et en Europe, les membres de Random Recipe poseront leurs valises au Théâtre Corona demain, le temps d’enfin présenter leur troisième album, Distractions, au public montréalais.

Un bref retour à la maison pour les membres du trio hip-hop, qui sont peut-être les plus grands voyageurs de la musique québécoise à l’heure actuelle. Mais aussi une occasion de rassembler toutes celles (car, oui, ce sont très majoritairement des femmes) qui ont participé à la création de Distractions, lancé en mars dernier.

«Tout le monde qui nous a aidées et entourées au cours des 10 dernières années va être là. Sans le vouloir, on a réussi à consolider la scène hip-hop féminine au Québec», explique la chanteuse et guitariste Frannie Holder, quelques heures seulement après avoir débarqué de l’avion qui ramenait le groupe de Colombie.

«C’est un autre rêve qu’on réalise. C’est tellement cool!, poursuit Fabrizia Di Fruscia, l’autre voix du groupe, nullement affectée par la fatigue du voyage. Il va y avoir une ambiance de festival on stage, des collabos, des trucs dont on n’a aucune idée de comment ça va sonner! On travaille encore à des trucs de dernière minute. Est-ce qu’on est stressées? Oui et non. Parce que ça fait 10 ans qu’on est dernière minute! On ne sera pas parfaites, mais ça va nous ressembler.»

Ce qui est sûr, c’est que, comme sur l’album, il y aura beaucoup d’énergie et une forte présence féminine: Marie-Pierre Arthur, la bassiste Rhonda Smith, qui a notamment collaboré avec Prince, le duo Heartstreets, Sarahmée, Naya Ali, Tali de Nomadic Massive et Giselle Numba One seront de la partie.

«C’était un devoir, répond Frannie Holder lorsqu’on lui demande si la présence de toutes ces musiciennes sur Distractions était planifiée ou le fruit du hasard. C’est ce qui nous a donné envie de faire un troisième album. On était fatiguées pour plein de raisons et on s’est demandé si on continuait.»

«Une des grandes raisons pour laquelle je ne voulais pas que ça arrête, c’est parce que moi, en grandissant, je n’ai pas eu beaucoup de modèles féminins qui nous ressemblaient : forts en gueule, mais aussi capables de vulnérabilité, avec attitude punk en spectacle.»

«C’est facile de faire ce qu’on fait quand on a 22 ans. C’est plus difficile à 32 ans d’écrire de la musique aussi festive, sinon plus, qu’avant, mais on peut y arriver en le faisant de façon mature et authentique par rapport à ce que nous sommes devenues.»

«J’ai réalisé que je n’avais pas dit tout ce que j’avais à dire avec ce groupe. Il y a tellement d’autres sons à explorer, tellement d’autres d’artistes à rencontrer et de territoires à parcourir.» –Frannie Holder, membre de Random Recipe, sur les raisons qui l’ont poussée à poursuivre l’aventure avec le groupe, qui s’est grandement remis en question après le départ de son guitariste et claviériste Vincent Legault en 2015.

Voyage voyage
Après avoir fait le tour du Mexique et de la Colombie au mois de septembre, Random Recipe prendra en octobre le chemin de la France et de l’Italie, avant de mettre le cap sur l’Australie et le Pérou en novembre.

Ça fait beaucoup de Miles Aeroplan en vue. Une bougeotte nécessaire à plusieurs points de vue : financier d’abord, parce qu’elle permet de multiplier les publics (essentiel lorsqu’on chante en anglais au Québec), mais aussi artistique, car elle permet d’alimenter le processus créatif du trio.

«Pour notre dernier album, tourner en Amérique du Sud [où le groupe se produit depuis plusieurs années] nous a donné envie de pousser l’aspect percussif du band, explique Frannie. On a décidé de miser sur les voix, les mélodies vocales et les percussions. C’était une façon de s’émanciper des claviers intenses qu’on avait sur le deuxième album, qui avait un son plus nord-américain ou européen.»

«La barre est souvent beaucoup plus haute pour nous quand on se compare à du contenu qui vient d’ailleurs plutôt qu’à du contenu québécois, poursuit-elle. Pas parce que l’offre est moins bonne ici, mais parce que dans le genre de musique qu’on fait, très hybride, il n’y a pas grand-chose d’autre au Québec.»

«La tournée, c’est une belle occasion pour bâtir des expériences, des contacts avec les gens, raconte Fab, qui manie à merveille le steel drum sur Distractions. On n’est pas deux filles qui attendent dans le backstage, on y va, on sort!»

«Les moments les plus toughs d’une tournée sont souvent les plus drôles. Au lieu d’être grognonnes et de chialer toute la journée, on se met en mode Amazing Race! On se dit que c’est une aventure.»

«Il n’y a rien de plus cool que de savoir que ton son, ta musique et tes paroles touchent le monde. Que ce soit dans un bled perdu dans un autre pays, sur un gros gros stage ou dans un bar au Québec, lorsque les gens dansent et pleurent sur ta musique, je pense que la réussite est là. Et dans rien d’autre.»

Résolument féministe

Très dansant, Distractions renferme aussi plusieurs prises de paroles féministes, à commencer par la cinglante Hey Boy, véritable claque au visage des adeptes du patriarcat.

«J’ai été surprise par la résistance de tellement d’hommes autour de moi sur certains aspects du féminisme qui allaient de soi selon moi», dénonce Frannie, qui s’est notamment prononcée pour la parité hommes-femmes dans les festivals de musique.

«Je ne peux pas croire que les gens adhèrent réellement aux arguments contre la parité. Que les gens croient vraiment que l’offre serait moins bonne… Faudrait que tu sois un peu plus curieux, mon boy

Lors de ses nombreuses tournées, le groupe a pu constater que la scène musicale québécoise a encore du chemin à faire.

«Au Chili, par exemple, il y a beaucoup de festivals par des femmes et pour des femmes, ou des événements paritaires. Mais quand on regarde l’histoire de la musique locale, on comprend que leur Félix Leclerc, leur Gilles Vigneault, c’étaient des femmes dans les années 1970. C’est pour ça que 40 ans plus tard, les femmes n’ont plus à se battre pour prouver leur pertinence ou leur capacité à écrire leurs chansons elles-mêmes.»

Mais les choses commencent à changer ici aussi.

«Entre 2016, lorsqu’on a commencé à réfléchir à l’album, et maintenant, il y a déjà un grand changement dans la façon dont les gens nous abordent, observe Fab. Tu peux tranquillement être toi-même et les gens te respectent. Les techniciens, au lieu d’aller voir seulement les dudes, viennent nous voir pour nous demander ce dont on a besoin. Ils font plus attention à notre présence.»

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