Les femmes scientifiques obtiennent moins de financement, soutient une étude
TORONTO — Une étude a révélé que les femmes scientifiques réussissent moins bien que leurs collègues masculins à obtenir des subventions de recherche de la part de l’agence de financement fédérale, un écart qui peut souvent avoir des conséquences à long terme sur la carrière des femmes.
L’étude a analysé près de 24 000 demandes de subvention présentées aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) entre 2011 et 2016, en comparant les résultats lorsque les examinateurs évaluant une proposition devaient se concentrer sur le chercheur principal plutôt que sur la nature du projet scientifique.
L’auteure principale Holly Witteman, professeure agrégée de médecine à l’Université Laval, à Québec, a indiqué que l’étude avait fait le constat que les scientifiques hommes et femmes avaient à peu près la même chance d’obtenir une subvention lorsque les examinateurs évaluaient principalement la recherche proposée.
Toutefois, souligne-t-elle, lorsque les examinateurs évaluent d’abord le scientifique au centre de la recherche, les femmes ne s’en sortent pas aussi bien.
En 2014, les IRSC ont divisé les demandes de financement en deux nouveaux programmes de subvention, l’un donnant prépondérance au dossier des candidats et l’autre à la qualité des projets soumis, créant ce que Mme Witteman appelle une expérience unique permettant une comparaison fondée sur le sexe.
Dans l’ensemble, environ 16 pour cent des demandes de subvention ont finalement été financées par les IRSC. Lorsque les évaluations portaient principalement sur l’apport scientifique, l’écart de taux de réussite entre les candidats hommes et femmes était de 0,9 point de pourcentage. Toutefois, lorsque les évaluations reposaient principalement sur le leadership et l’expertise du chercheur principal, l’écart entre les sexes était de quatre points de pourcentage, les hommes profitant de meilleurs résultats que les femmes dans l’obtention de subventions pour leurs recherches.
«Notre étude offre la première preuve solide montrant que les disparités entre les sexes dans le financement de la recherche découlent des évaluations du scientifique, et non de la science», a soutenu Mme Witteman.
«Les conséquences de ces biais sont que les fonds ne sont pas toujours attribués aux meilleurs projets de recherche, que des projets de recherche intéressants ne peuvent pas être réalisés, que des chercheuses ne peuvent pas exprimer leur plein potentiel et que les organismes subventionnaires n’optimisent pas les investissements publics en recherche», a-t-elle ajouté.
L’étude canadienne fait partie d’un ensemble de documents de recherche et de commentaires intitulé Avancement des femmes dans les domaines de la science, de la médecine et de la santé mondiale, publié jeudi dans la revue «The Lancet».
L’organisme fédéral dit avoir déjà fait des ajustements.
Les résultats de l’étude sont importants, a affirmé Adrian Mota, vice-président associé par intérim à la recherche, à l’application des connaissances et à l’éthique aux IRSC. «En tant qu’organisme fédéral de financement, nous voulons nous assurer que nos programmes sont exempts de préjugés systémiques», a-t-il fait valoir.
M. Mota a affirmé que les IRSC avaient déjà commencé à mettre en place des changements pour tenter de niveler le terrain de jeu entre les scientifiques masculins et féminins qui postulent pour une part du budget annuel d’environ 650 M$.
Cela comprend des modifications au programme de subventions de la Fondation en trois étapes, qui vise à évaluer les propositions de scientifiques canadiens bien établis, en s’attardant dans une large mesure à leurs antécédents de recherche, à l’impact des travaux publiés et leurs capacités de leadership.
«Nous égalons le taux de réussite des femmes à la phase 1», a-t-il souligné. Ainsi, si 30% des candidats sont des femmes à la première étape, alors 30% de ceux qui passent à la deuxième étape dans le processus d’examen seront aussi des femmes.
«Et puis l’étape 2 examine vraiment la nature du projet scientifique», a-t-il poursuivi.
M. Mota a par ailleurs souligné que les chercheuses ont tendance à demander des subventions de plus petite taille et de plus courte durée que celles recherchées par leurs homologues masculins.
«Il y a donc beaucoup de choses sous-jacentes», a-t-il déclaré jeudi à Ottawa. «C’est un enjeu que nous connaissons bien et c’est l’une de nos principales priorités.»