Montréal veut mieux identifier les besoins des itinérants
La Ville de Montréal publiera d’ici l’an prochain six portraits locaux de l’itinérance dans la métropole afin de permettre une meilleure redistribution des fonds en fonction des besoins, a appris Métro.
Ces portraits, réalisés en partenariat avec des organismes locaux et le réseau de la santé, seront rendus publics progressivement cette année ainsi qu’en 2020. Les secteurs couverts correspondent à une division géographique de la métropole en fonction des arrondissements situés dans les axes nord, sud, est et ouest de Montréal, tandis que le centre-ville et sa périphérie feront l’objet de deux rapports distincts.
Contrairement au dernier dénombrement des personnes en situation d’itinérance, ce processus ne vise pas à compter le nombre d’itinérants à Montréal, mais plutôt à mieux saisir les réalités diverses que ceux-ci vivent en prenant en compte les besoins particuliers des femmes, des immigrants et des personnes autochtones sans logis, notamment.
«On dit souvent que le visage de l’itinérance a changé. On parle souvent de l’itinérance visible, mais on parle très rarement de l’itinérance cachée», a souligné Rosannie Filato, qui occupait jusqu’à vendredi dernier le poste de responsable de l’itinérance au sein du comité exécutif avant d’être réaffectée à celui de la sécurité publique.
«On entend souvent de la part des groupes que les besoins sont très différents d’un arrondissement à l’autre», a ajouté l’élue, qui estime que ces portraits permettront de faire en sorte que les fonds alloués à la lutte à l’itinérance soient «mieux redistribués».
«On veut voir quelles sont les réalités en fonction des quartiers. Il faut que le message soit clair que pour nous, c’est important d’avoir les bonnes ressources aux bons endroits.» -Rosannie Filato
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui dispose d’une équipe d’intervention auprès des personnes en situation d’itinérance, participera également à la réalisation de ces portraits.
Cibler les besoins
Le directeur du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, Pierre Gaudreau, espère que ces portraits permettront à la Ville et à Québec de réaliser que l’itinérance ne concerne pas que les quartiers centraux de la métropole.
«S’il y a tant de [sans-abri] dans le centre-ville, c’est qu’on ne répond pas assez aux besoins dans les autres quartiers», a souligné M. Gaudreau, qui espère que ces portraits mèneront à des «investissements accrus» dans l’aide accordée aux sans-abri.
La directrice de l’Auberge Madeleine, Mélanie Walsh, croit pour sa part que ces portraits permettront d’avoir des «données plus nuancées sur l’itinérance».
«Les portraits que nous avons avec le dénombrement, ce n’est que la pointe de l’iceberg. Ce n’est que la partie visible de l’itinérance. Donc, la priorité va à l’itinérance des hommes», a-t-elle illustré.
Un constat que partage la directrice de l’École de travail social de l’Université de Montréal, Céline Bellot.
«Ces exercices locaux permettront de mieux comprendre la réalité des femmes et des jeunes, qui sont plus souvent dans une situation d’itinérance cachée dont ne tient pas compte le dénombrement», a-t-elle souligné. L’experte en matière d’itinérance a d’ailleurs convenu que «les ressources pour femmes débordent davantage que celles pour les hommes.»
Actuellement, sur les 1012 lits dédiés aux personnes itinérantes à Montréal, 160 sont réservés aux femmes. L’Auberge Madeleine, qui compte 26 lits, a dû refuser 6359 demandes d’hébergement l’an dernier, faute de place.
«L’itinérance que vivent les femmes, c’est vraiment une priorité pour notre administration», a assuré Rosannie Filato, qui a reconnu que celles-ci ont besoin de «ressources adaptées» à leurs besoins.
Interpellé par Métro, Alexandre Lahaie, l’attaché de presse de la ministre québécoise de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a souligné que Québec entend répartir les fonds dédiés aux personnes itinérantes «en fonction des besoins», rappelant néanmoins que les ressources budgétaires du gouvernement sont «limitées».
Villes liées
S’il salue cette initiative, le porte-parole en matière d’itinérance pour Ensemble Montréal, Benoit Langevin, déplore que de tels portraits ne soient pas également réalisés dans les villes liées alors que le mandat de l’agglomération de Montréal «inclut l’itinérance».
«Comment peut-on avoir une politique de développement social qui inclut les villes liées, mais faire un portrait qui les exclut? Où est la logique?», a-t-il lancé à Métro.
En parallèle de cette démarche de la Ville, les cinq CIUSSS de l’île de Montréal élaborent d’ailleurs actuellement des portraits de l’itinérance sur leur territoire afin de rendre les soins de santé qu’ils offrent plus accessibles aux personnes en situation d’itinérance.