Le standard lyonnais
Alors que les derniers préparatifs pour accueillir la huitième Coupe du monde féminine vont bon train en France, l’Olympique Lyonnais féminin décrochait, samedi à Budapest, un quatrième titre d’affilée en Ligue des champions. Son sixième depuis 2011!
Fortes d’une victoire convaincante de 4 à 1 devant le FC Barcelone, les Lyonnaises ont encore une fois démontré leur supériorité, marquée par une identité footballistique forte, un équilibre optimal entre joueuses locales au plus haut niveau et embauches internationales de grande qualité, comme la lauréate du tout premier Ballon d’or féminin, Ada Hegerberg, auteure d’un triplé à Budapest, ou bien encore l’internationale canadienne Kadeisha Buchanan.
Les succès de l’OL, cependant, ne sont pas seulement attribuables à la «marque» de football de la maison, ni à ses assemblages savants de talents. Le «secret» du président Jean-Michel Aulas, architecte de cette réussite sportive et commerciale, en est tout sauf un : l’OL investit beaucoup plus dans le projet féminin que ses principaux rivaux, et pas uniquement en termes de recrutement et de formation, mais aussi en permettant à ses joueuses de bénéficier de conditions optimales de préparation et d’entraînement – un acquis quasi universel du côté masculin.
Et puis, et surtout, l’organisation leur permet de bien vivre de leur sport.
Si les salaires sont encore loin de ceux des hommes, marché oblige, l’OL paie en moyenne ses footballeuses jusqu’à cinq fois plus que la concurrence.
La journaliste du Guardian Suzy Wrack est catégorique : ce que Lyon prouve, c’est la force réelle du football féminin lorsqu’on le professionnalise à tous les niveaux. «Ça démontre que l’investissement fonctionne, que ça mène à un produit qui est de très grande qualité», expliquait-elle sur le podcast Football Weekly, lundi.
Paradoxalement, et contrairement au football masculin, où la domination outrageuse de certains clubs peut être perçue comme étant nuisible au sport, chez les femmes, ce qu’on peut appeler le «standard lyonnais» est plutôt perçu comme le phare à suivre pour atteindre la pleine professionnalisation, alors que bon nombre de clubs et de fédérations tardent à emboîter le pas, malgré leurs moyens pharaoniques.
Selon Wrack, les autres clubs européens qui prétendent rattraper l’OL – comme Manchester City, le Bayern Munich ou le Paris Saint Germain – n’ont qu’une option : «Il faut qu’ils passent de la parole aux actes et qu’ils investissent au même niveau que Lyon.»
Pour Aulas, les choses vont cependant dans la bonne direction.
«Le niveau augmente parce que tous les grands clubs européens se sont donné les moyens d’être performants dans le football féminin. Les quatre demi-finalistes viennent du gotha en matière d’équipes masculines. D’autre part, les moyens économiques ont évolué de manière considérable. Le budget du Barça féminin est largement supérieur aux 10 M€ [15 M$] annoncés. On est dans une spirale vertueuse qui montre que la France a bien fait d’accueillir la Coupe du monde», disait-il en entrevue avec L’Équipe, la veille de la grande finale.
Ne reste plus qu’à espérer que ce modèle continue d’être copié, afin que plus d’équipes et de circuits sportifs féminins – et pas uniquement au foot – puissent enfin libérer le plein potentiel de leurs athlètes.
En attendant, les Lyonnaises risquent bien de poursuivre leur domination, nationale et européenne – et le club continuera vraisemblablement à récolter les fruits de sa vision égalitaire au cours des années à venir.