Chili: la contestation sociale maintient la pression sur le gouvernement
La contestation sociale restait vive au Chili vendredi, une semaine après le début d’un fronde inédite. Automobilistes et chauffeurs routiers se sont joints aux protestataires déterminés à ne pas relâcher la pression sur le gouvernement du président Sebastian Piñera.
Le bilan de cette crise sociale sans précédent a été revu à la hausse dans la nuit de jeudi à vendredi, avec 19 morts. Un Péruvien, blessé mardi par balle pendant un pillage dans le sud de Santiago, a succombé à ses blessures, a annoncé le parquet chilien.
Le prix du transport en question
Vendredi, des centaines d’automobilistes et de chauffeurs routiers participaient à des opérations escargot sur les autoroutes qui relient Santiago au reste du pays pour protester contre les prix des péages, provoquant d’importants embouteillages, a constaté l’AFP.
Les protestataires se sont rassemblés après la diffusion sur les réseaux sociaux du mot d’ordre #NoMasTag en référence aux péages automatiques que doivent payer tous les utilisateurs des autoroutes. «Nous, les petits transporteurs, nous sommes accablés par les prix des autoroutes (…) nous rejoignons la mobilisation», a déclaré à l’AFP Marcelo Aguirre, un chauffeur de 49 ans.
La question du prix du transport avait déjà été le détonateur de cette contestation sociale sans précédent depuis plus de trente ans au Chili, un pays normalement loué pour sa stabilité. Les étudiants avaient appelé à protester contre une augmentation de plus de 3% du prix du ticket de métro dans la capitale.
Malgré la suspension de la mesure, la colère sociale n’est pas retombée. Le mouvement, hétérogène et sans dirigeants identifiables, s’est amplifié, nourri par le ressentiment face à la situation socio-économique et aux inégalités dans ce pays de 18 millions d’habitants.
Les militaires toujours mobilisés
L’annonce d’une série de mesures sociales mardi par M. Piñera ne semble pas avoir eu l’effet escompté. Quelque 20 000 militaires et policiers restaient déployés dans le pays et la capitale, où les habitants ont passé leur sixième nuit sous couvre-feu.
Déterminés à maintenir la pression sur le gouvernement, des dizaines de milliers de personnes ont répondu, jeudi, à l’appel à la grève générale lancé par des organisations syndicales et une vingtaine d’autres mouvements. C’était la deuxième journée consécutive de grève.
«On ne va pas s’arrêter jusqu’à ce que nous ayons une Assemblée constituante qui nous permettrait d’avoir une nouvelle Constitution qui ne soit pas celle de (l’époque de) Pinochet», a expliqué Matias Fuentes, un manifestant de 27 ans.
Des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre se sont déroulés en fin de journée en plusieurs endroits de la capitale, comme la Plaza Italia, épicentre des rassemblements à Santiago. Mais d’autres manifestations ont aussi montré un visage plus festif avec des centaines de jeunes dansant et tapant sur des casseroles lors d’un concert improvisé.
L’ex-présidente Bachelet s’en mêle
Face à la multiplication des allégations sur des violations des droits de l’homme, dans un pays dont plusieurs régions et la capitale Santiago restent placées sous état d’urgence, la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme des Nations unies et ex-présidente chilienne, Michelle Bachelet, a annoncé jeudi l’envoi d’enquêteurs.
Selon l’Institut national des droits humains (INDH), 584 personnes ont été blessées depuis le début des troubles le 18 octobre, dont 245 par armes à feu.
Devant la presse, le ministre de la Défense, Alberto Espina, a déclaré jeudi que l’armée agissait pour protéger les droits humains des Chiliens, non pour les violer.
Outre la mission onusienne annoncée par Mme Bachelet, le président Piñera a invité sa prédécesseure à se rendre au Chili. Il a également invité José Miguel Vivanco, le directeur de la division Amériques de l’ONG Human Rights Watch
Le père de Mme Bachelet, arrêté et torturé après s’être opposé au coup d’État de Pinochet, est mort en prison en 1974. Elle-même a été torturée avant de partir en exil.
Malgré les manifestations, la ville retrouvait un peu de normalité. De nombreux magasins du centre-ville et la grande majorité des écoles ont ouvert leurs portes. Le métro de Santiago — dont 78 stations ont été endommagées dans les violences — fonctionne désormais sur cinq de ses sept lignes.