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Rallumer la flamme à la Maison symphonique

Maison symphonique
Nicolas Ellis à la barre de l'Orchestre de l'Agora Photo: Michel Pinault/Collaboration spéciale

Signe que la vie normale reprend tranquillement ses droits, un concert devant public aura lieu dimanche à la Maison symphonique.

Donné par l’Orchestre de l’Agora, ce concert, le premier du genre en Amérique du Nord depuis le début de pandémie, sera toutefois bien particulier.

D’abord, l’orchestre sera limité à seulement 46 musiciens, qui devront se tenir à deux mètres de distance les uns des autres sur scène.

Puis, le public ne sera composé que de 50 personnes dans une salle qui peut normalement contenir 2 100 spectateurs.

Ce public trié sur le volet ne sera pas composé d’aficionados en manque d’adagios, mais bien de professionnels de la santé à qui l’orchestre veut dire merci pour leur travail contre le coronavirus.

Infirmières, médecins, préposées aux bénéficiaires, inhalothérapeutes, ambulanciers, travailleuses sociales, ergothérapeutes: autant de combattants de première ligne qui pourront profiter de ce moment de répit et de beauté après des mois difficiles.

«La mission de l’Orchestre a toujours été de positionner les musiciens comme des acteurs de changements sociaux au sein de leur communauté, explique le chef et directeur artistique de l’ensemble, Nicolas Ellis.

Né dans la foulée du printemps étudiant de 2012, l’OA a joué plusieurs fois pour des causes environnementales ou humanitaires.

«La crise a permis de constater la fragilité de notre milieu et de saisir l’importance de la musique et des arts dans notre société.» Nicolas Ellis

Ses musiciens sont aussi allés porter leur musique là où elle ne se rend pas: chez les jeunes défavorisés, en foyers ou en centres psychiatriques.

Il était donc tout naturel que l’Orchestre s’investisse socialement en temps de pandémie.

«On voulait trouver une façon de redémarrer les choses. On en profite pour en faire un cadeau, une forme de remerciements pour 50 professionnels de la santé. C’est en lien directe avec notre mission et le message qu’on espère communiquer avec la musique, soutient Nicolas Ellis.

«Je suis convaincu que la musique a le pouvoir de changer des vies, de faire en sorte qu’on a une société en santé, équilibrée et ouverte d’esprit.»

Beethoven, Mozart et du local

Pour célébrer ce retour en salles, le jeune chef a décidé d’amorcer la soirée avec l’Ouverture Egmont de Beethoven, dont on célèbre cette année le 250e anniversaire de naissance.

«Beethoven est un compositeur qui croit en l’humanité et en la capacité humaine de surmonter tous les défis», souligne M. Ellis. C’est un penseur du siècle des Lumières ouvert sur le monde, un partisan des idées démocratiques et un grand humaniste. On sent chez lui une force intérieure et grand espoir qu’il tente de transmettre dans toutes ses œuvres.»

Parce que la consommation locale est dans l’air du temps, le jeune chef a aussi programmé le Noncerto Vieux-Montréal de Matthias Maute, compositeur allemand installé au Québec.

«C’est un hommage à Montréal, à sa richesse culturelle et à son ouverture sur le monde.»

La soirée se terminera avec la Sinfonia concertante de Mozart.

Pour l’occasion, l’Orchestre de l’Agora a réussi un exploit hors du commun: réunir sur scène des musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) et de l’Orchestre métropolitain (OM)!

Ce «morceau de pur bonheur, vivant et plein d’énergie» sera interprété en duo par Andrew Wan, violon solo de l’OSM, et Yukari Cousineau, son alter ego de l’OM.

Un beau symbole d’unité et de solidarité pour le monde de la musique classique, qui, comme tous les arts vivants, a été frappé de plein fouet par l’interdiction de se rassembler.

Repartir la machine

Les nouvelles sportives font régulièrement état des risques de blessures qui guettent les athlètes professionnels lors de la reprise de la compétition après des mois d’inactivité.

Qu’en est-il des musiciens professionnels, qui sont aussi des performeurs de pointe?

«C’est clairement un défi pour tous les musiciens de revenir à un haut niveau, à commencer pour les cuivres qui jouent des instruments tellement physiques pour la bouche. Ce sont des muscles qu’il faut entraîner et garder en forme», explique Nicolas Ellis, qui est aussi pianiste à ses heures.

«Même chose pour les violons qui ont tellement de notes à jouer. C’est fatigant pour le dos, les épaules, les bras, etc. Ce sont des muscles et une posture qu’il faut remettre en marche. De la même manière que les athlètes, les musiciens doivent aussi se remettre en forme.»

Ce retour au jeu devra aussi s’effectuer dans un contexte bien particulier, alors que toute proximité est proscrite.

Nicolas Ellis a pu avoir un avant-goût de ce qui l’attend dimanche lorsqu’il a dirigé l’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) le 17 juillet dernier dans un concert sans spectateurs.

Dirigé un orchestre «distancié» vient avec des défis, selon lui.

«Normalement, comme chef, j’aime bien être près des cordes, qui sont juste devant moi. Je veux être au centre des premiers violons et violoncelles. Là, c’est sûr que ce ne sera pas possible.»

La communication est aussi plus ardue qu’on pourrait l’imaginer.

«Ça demande plus d’attention et peut-être une clarté supplémentaire de la part du chef d’orchestre, pour être certain que tout le monde soit bien ensemble. Au niveau de l’écoute, tant pour les musiciens que pour moi, on s’entend un peu moins bien que la normale. Les vents sont à une extrémité, ils ont de moins bons repères auditifs avec les bois et les cordes qu’à l’habitude. C’est certain que ça va demander une adaptation.»

Le jeune chef ne craint toutefois pas le défi après des mois d’inactivité.

«L’énergie et la volonté de retourner au travail sont tellement grandes et les musiciens sont tellement fébriles, c’est un défi qu’on est prêt à relever.»

D’autant plus que la pandémie a mis en lumière l’importance des rassemblements artistiques.

«Ce que j’ai vécu avec l’OSQ m’a permis de comprendre à quel point les concerts ont manqué aux musiciens et au public. J’ose espérer que lorsque les choses vont repartir et qu’il va être possible de retourner en salles, il va y avoir un engouement et une hâte de savourer l’expérience du concert en personne, d’apprécier des artistes qui performent en direct sur une scène en direct pour eux. Les gens sont en train de se rendre compte à quel point c’est une expérience précieuse.»

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