La diversité corporelle à l’avant-plan sur un compte Instagram montréalais
Dans son projet La femme allégorique, le Verdunois Philippe Roussin immortalise des femmes nues en misant sur la diversité corporelle. Les photos de femmes sont partagées sur son compte Instagram «sharinglights» afin que ces figurantes anonymes se sentent mieux dans leur peau et acceptent leur corps.
La photographie est un passe-temps dans la vie de Philippe Roussin, technicien de scène de formation. Avec la pandémie, les contrats artistiques ont été plus rares, ce qui lui a donc laissé plus de temps à consacrer à son projet photo qu’il a démarré il y a environ deux ans et demi.
Grâce à sa formation en cinéma et en télévision, il a pu découvrir l’univers de la création visuelle. «C’est difficile de trouver exactement d’où l’idée m’est venue de faire ce projet, mais l’image du corps, jouer avec les ombres et les lumières du corps, ç’a toujours été quelque chose qui m’a fasciné à la base», explique M. Roussin.
L’idée de La femme allégorique a germé dans son esprit après avoir parlé avec une amie qui lui confiait être tannée de recevoir des «dickpics», ces clichés d’organes masculins non sollicités envoyés généralement à des femmes, surtout via les réseaux sociaux. «Elle avait besoin d’évacuer, se rappelle-t-il. Je lui avais dit qu’un jour, j’allais faire un projet de photographies artistiques de femmes nues, mais anonymes. Donc, un gars qui allait voir la photo, qui sent habituellement le besoin d’envoyer un dickpic juste parce qu’il voit une femme nue sur les médias sociaux, il sera obligé de passer à autre chose.»
«Ça serait hypocrite de ma part de vouloir montrer juste des femmes «parfaite» sur ma plateforme, alors que moi-même j’ai de la difficulté à m’accepter comme je suis.» -Philippe Roussin
Bien que le cyberharcèlement soit en quelque sorte la genèse du projet, l’initiative de M. Roussin a évolué. Si l’on observe les photographies du projet, il est évident que la diversité corporelle est un aspect très important. Les photos mettent en valeur les «petits défauts» des femmes, comme des cicatrices, des bourrelets ou des vergetures. «Moi-même j’ai vécu des [préoccupations] par le passé par rapport à mon apparence, à mon physique», raconte-t-il, soulignant que ces femmes sont courageuses de se faire photographier malgré leurs complexes.
Dans sa démarche, l’artiste ne sollicite aucun modèle. Ce sont les femmes qui lui écrivent pour faire une séance photo. Par ce fait, Philippe Roussin explique qu’il est difficile d’avoir une parité de diversité de modèles. Il ne peut pas, par exemple, avoir autant de femmes racisées que de femmes blanches puisqu’il ne sélectionne pas les candidates en conséquence. D’ailleurs, il ne refuse personne.
Féministe
Le compte Instagram «sharinglights» possède près de 15 000 abonnés, une popularité qui surpasse les attentes de M. Roussin. «Toutes mes publications sont anonymes. Les risques que quelqu’un qui connaît la personne photographiée voit la photo sont diminués, et ça diminue alors la visibilité de la plateforme», explique-t-il.
L’artiste soulève qu’il y a beaucoup d’hommes qui photographient des femmes nues. Il estime toutefois que son approche le distingue, notamment par sa sensibilité et son écoute. Il prend toujours le temps de discuter quelques heures de tout et de rien avec les modèles. Il veut les mettre en valeur dans leur quotidien, sans tabous.
Les modèles participent au projet pour différentes raisons, mais l’acceptation de soi est souvent un motif évoqué par les participantes. «Je répète tout le temps que je ne pourrai jamais comprendre la réalité d’une femme, je ne peux pas prétendre faire le projet au regard des yeux d’une femme», souligne-t-il.
Les commentaires des internautes sont majoritairement positifs. Ce que Philippe Roussin entend le plus souvent, particulièrement des femmes, c’est que ça leur fait du bien de voir des modèles féminins qui leur ressemblent et que cela est même nécessaire.