Liechtenstein, le petit coincé
Liechtenstein, Liechtenstein, Lichtenstein… Sachez bien l’écrire, le prononcer et le connaître, puisque s’il fallait que vous mettiez la main sur une multinationale, vous allez sans doute vouloir poser ses fesses et son siège (social) dans cette miniature principauté. Prisonnier entre l’Autriche et la Suisse, ce paradis (fiscal) andin de 160 km2, soit environ la superficie de la municipalité de Granby, accueille pas moins de 74 000 entreprises. Une proportion de quelque 500 sociétés au km2. Et avec 36 000 habitants, une proportion d’un siège social par fesse.
Mais comment donc l’administration du Liechtenstein fait-elle pour accueillir autant de prestigieux invités dans un salon aussi exigu ? En leur permettant de poser leur portefeuille et de repartir à la conquête des ressources du monde entier. Les sièges sociaux prennent souvent la forme d’un compte bancaire ou d’un simple casier postal.
Le généreux hôte s’engage, grâce à une loi sur le secret bancaire, à ne fouiller ni dans vos cartes d’identité, ni dans vos factures, ni dans vos avoirs. Laissez simplement fructifier vos profits aux quatre coins du globe : pas d’impôts sur les bénéfices des entreprises, sur le revenu, pas de taxes, et aucune obligation de publier des comptes annuels.
Malgré la pression de certains pays européens, dont le Royaume-Uni, pour rapatrier les avoirs de ses entreprises voyous, le Liechtenstein semble avoir le vent dans les voiles. Les sites internet qui vous offrent de créer une entreprise offshore en quelques étapes faciles pullulent. Et le petit État arrive bien souvent en tête des destinations conseillées. Un certificat de constitution d’entreprise est généralement livré en dix jours.
Et ce n’est pas tout. Sur la base de promesses quant au respect des normes de l’OCDE en matière d’évasion fiscale, le pays a été rayé de la liste grise des paradis fiscaux non-coopératifs. Vous pouvez donc vous enrichir et appauvrir votre État d’appartenance en toute tranquillité d’esprit.
À droite toute!
Démocratie, le Liechtenstein? Oui, mais aussi une des rares monarchies, européenne de surcroît, qui octroient autant de pouvoir à son prince. Quand Hans-Adam II tousse, le peuple attrape la grippe. Le journal français Le Point parle même de la dernière dictature d’Europe occidentale, avec à sa tête un autocrate multimilliardaire qui a «le pouvoir de s’opposer au gouvernement, au Parlement et même au peuple.»
Par ailleurs, on se demande quel piffe ronflant a été embauché au Bureau pour l’égalité des chances – il existe vraiment. Les femmes sont privées du droit de votes dans bon nombre de scrutins locaux et peuvent faire entendre leur voix aux élections nationales que depuis 1984.
Et pour les Liechtensteinoises – allez, un petit effort de prononciation pour le maire de Saguenay – qui voudraient rompre leur grossesse, au pays ou hors des frontières, l’avortement leur fait courir un an de prison. Le peuple a cautionné en 2011 cette loi lors d’un référendum d’initiative populaire, à défaut de quoi le prince Hans-Adam II avait promis d’apposer son veto.
Allez, la petite famille, l’argent et les hommes au pouvoir : bienvenue au Liechtenstein.