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L’acquittement de Rozon démontre l’importance de créer un tribunal spécialisé

Annick Charette
Annick Charette, la plaignante dans le procès de Gilbert Rozon. Photo: Josie Desmarais/Métro

L’acquittement du fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, n’a rien pour renforcer la confiance déjà fragile des victimes de violences sexuelles envers le système de justice, mais démontre l’importance de créer un tribunal spécialisé qui les placerait au coeur du processus.

Plusieurs attendaient avec fébrilité le sort qui serait réservé à M. Rozon au terme de son procès pour viol et attentat à la pudeur. Le verdict d’acquittement est finalement tombé mardi après-midi.

La directrice générale de JuriPop, Sophie Gagnon, était préoccupée par l’impact d’un tel jugement sur les personnes qui avaient l’intention de porter plainte. «Les réactions dont je prends connaissance depuis hier attestent [mes préoccupations]», dit-elle.

La professeure au département des sciences juridiques de l’UQAM Rachel Chagnon craint aussi que l’acquittement ait cet effet défavorable.

Pourtant, la victime alléguée de Gilbert Rozon, Annick Charette, a quand même encouragé les personnes à dénoncer leur agresseur. «Ainsi des choses pourraient changer», a-t-elle déclaré à sa sortie de la salle de Cour.

Tribunal spécialisé

Quelques heures avant l’annonce du jugement dans l’affaire Rozon, le comité d’experts mandaté par l’Assemblée nationale déposait un rapport présentant 190 recommandations pour améliorer le système de justice.

Une des recommandations du Comité sur l’accompagnement des personnes victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale est de créer un tribunal spécialisé pour les victimes.

Avec ce tribunal, la plaignante aurait accès à une panoplie de services, dont du soutien psychologique et de l’accompagnement dès la dénonciation, explique la coprésidente du comité transpartisan Julie Desrosiers.

Cela permettrait aux victimes de se battre à armes égales contre à l’accusé, poursuit-elle.

«Si dans le parcours judiciaire qui s’annonce, il n’y a pas un accompagnement psychosocial qui vient pallier les difficultés à revisiter ces événements-là et qui vient appuyer la parole de la victime, c’est certain que le parcours est extrêmement difficile. Mettre en valeur et appuyer cette parole va rétablir un certain équilibre», émet Mme Desrosiers.

Annick Charrette a d’ailleurs mentionné qu’un accompagnement aurait pu mieux la préparer au procès. Sophie Gagnon et Rachel Chagnon s’entendent pour dire que les solutions proposées par le comité sont complètes.

Le rapport ne doit pas «mourir sur les tablettes», affirme toutefois Rachel Gagnon. Un avis que partagent les élues chargées de chapeauter le document. La ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, a pris l’«engagement ferme» de faire mousser ses recommandations au gouvernement.

Julie Desrosiers est convaincue que des changements concrets et durables sont à venir. Une enveloppe de 50 M$ est déjà garantie au comité pour assurer l’implantation des mesures proposées, indique-t-elle.

«Le rapport est vraiment une voie d’avenir. Les députés ont parlé d’une mini-révolution. Ça trace vraiment une façon nouvelle de faire les choses», déclare-t-elle.

Un cas unique

Par ailleurs, Rachel Chagnon tient à rappeler que chaque cas est unique. «On ne peut pas évaluer nos chances de succès à partir de ce qui s’est passé dans un autre dossier», ajoute-t-elle.

Selon la professeure, le secret de la victoire de Rozon réside dans la manière dont il a livré son témoignage.

«Il a réussi à rendre un témoignage qui, bien que nous paraissant à peu près à tous invraisemblable, n’offrait pas de faille de cohérence. Il n’y avait pas d’ouverture pour le prendre en défaut», explique-t-elle.

Face à deux témoignages contradictoires, la juge devait appliquer une véritable formule mathématique.  «Si dans sa tête les deux témoignages arrivaient à peu près à égalité, même si celui de madame lui paraissait plus crédible, ce n’était pas suffisant», émet Rachel Chagnon.

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