Les nouveaux racistes
Rien de mieux, en ces ères de populisme à tout crin, de lire ou relire 1984, le classique d’Orwell. Soufflant à quel point l’écrivain anglais a pu, de façon aussi acérée, prédire la dialectique d’aujourd’hui. Celle qui oppose les bons et les méchants, mais dans des rôles maintenant inversés. Modus operandi? La réécriture du lexique afférent au débat public : « Il ne s’agit pas de savoir si la guerre est réelle ou non. La victoire n’est pas possible. Il ne s’agit pas de gagner la guerre, mais de la prolonger indéfiniment. Une société hiérarchisée repose sur la pauvreté et l’ignorance […] La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. »
Si la novlangue d’Orwell a de quoi faire sourire, voire clairement amuser, il va de même de celle employée par trop d’acteurs actuels de la sphère politico-médiatique, cette fois sur la thématique du racisme. Reprenant les stratégies de Big Brother et cie, une armada de chroniqueurs, dont certains tiennent quelques néo-politiciens par les bijoux de famille, s’affairent, voire s’esquintent, à redéfinir les rôles. Notons leur audace, résilience et opiniâtreté, lesquelles en appellent naturellement au jeu de l’essai et erreur. Si Rome ne s’est pas construite en un jour, idem pour le nouveau manuel du narratif public.
Un peu, beaucoup, moyennement racistes…
C’est ainsi que, manifestement ulcérée par la récurrence (et pertinence?) des récriminations de groupes antiracistes, la BBPAT (acronyme pour bande de Blancs privilégiés avec tribunes) s’est affairée, sur toutes les plateformes possibles, à qualifier ceux-ci du vocable, comique au possible, d’« anti-racistes radicaux ». Comme si la lutte à ce fléau pouvait, en soi, être exagérée ou excessive. Comme s’il existait une sphère ou un certain racisme pouvait être acceptable.
– Es-tu antiraciste, toi, Jean-Guy?
– Oui, mais pas trop, juste assez.
– Ok, cool, j’ai eu peur. Et t’es pas un anti-pédophile radical, toujours?
– Hmmm…
La victime blanche
Réalisant peut-être l’absurde de leur qualificatif rigolo, la BBPAT change ensuite son fusil d’épaule, et tente un nouveau coup : celui de placer le Blanc dans la peau de la victime. Assurément la cible d’une vaste machination occidentale, notamment en matière de profilage racial de la part de policiers, de discrimination à l’embauche et au logement, notre pauvre petit Blanc est, on l’a compris, le vulnérable méritant aujourd’hui d’être défendu.
Petit hic : certains font remarquer à la BBPAT que le concept de racisme anti-blanc, inexistant institutionnellement sur le plan de la sociologie, émane en fait tout droit de la France adorée et d’un de ses anciens chefs de parti : Jean-Marie Le Pen.
Nice try.
Les «vrais» racistes
Opiniâtre et surtout souhaitant conserver la thématique-clef propre à leurs chroniques les plus lues, la BBPAT propose aujourd’hui une variation sur thème à leurs tentatives échouées : le racialisme. Bingo! Les vrais racistes, au fond, sont bel et bien ceux qui le condamnent. Fallait y penser.
Parce qu’en dénonçant justement la brutalité et les arrestations policières arbitraires à leur endroit, ne ramènent-ils pas l’affaire à une question de races? Idem quant à leur grief à l’effet qu’il soit X fois plus difficile pour un Noir, Arabe ou Autochtone de se trouver un logement ou un boulot, comme le confirment les rapports de la CDPQ, de la GRC ou de la Commission Viens. Qui parle machinalement de races, ici, sinon eux? Tu dénonces le racisme, notamment systémique? Raciste toi-même! Plein de sens.
Quand même amusant, lire ironique, de voir la BBPAT dénoncer simultanément le RACISME à l’endroit des Québécois de la part du Rest of Canada, lequel se serait servi du prof Attaran à titre de haut-parleur. Faut-il ainsi conclure que les Québécois refusant ces propos haineux et racistes seraient, suivant la logique ci-haut mentionnée, eux-mêmes… racistes?
Comme disait François Pignon dans le Dîner de cons: ça devient confusant, à la fin…