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Quand TikTok mène la musique 

Claudia Bouvette et Marco Ema sont sur Tik Tok, mais préfèrent ne pas se conformer aux standards de l'application en créant. Photo: Photo montage/Métro

L’application TikTok a tellement le potentiel de propulser des hits planétaires qu’elle influence désormais les musicien.ne.s, même au Québec. Si certain.e.s artistes d’ici ne se mettent pas la pression de plaire à tout prix aux tiktokeur.euse.s afin de garder leur liberté de création, d’autres vont jusqu’à composer des morceaux expressément pour la plateforme.  

«Depuis son apparition en 2016, le réseau social TikTok connaît une popularité exponentielle. Chaque année, il double ou triple d’envergure», reconnaît le professeur au Département de musique à l’UQAM Ons Barnat. 

Bien que ce ne fût pas son but au départ, l’application est devenue un vecteur important dans le rayonnement de la musique, poursuit l’expert, qui compare son influence à celle de YouTube il y a quelques années. 

La recette gagnante 

Un beat accrocheur, des paroles catchy et une mélodie facile à répéter sur lesquelles tout le monde peut danser: voilà la recette gagnante pour qu’une chanson buzze sur TikTok, explique Ons Barnat.

Il faut aussi que la chanson nous accroche dès les premières secondes, vu le format court des vidéos TikTok. 

On n’a qu’à penser à la chanson About Damn Time de Lizzo, dont plusieurs personnes ne connaissent qu’un extrait de 15 secondes, fait remarquer l’autrice-compositrice-interprète Claudia Bouvette, qui se dit très consciente de l’impact de TikTok sur l’industrie de la musique. 

C’est simple: pour avoir une chanson qui cartonne à l’échelle mondiale aujourd’hui, il faut absolument qu’elle soit tiktokable, pense M. Barnat.  

La preuve: la plupart des chansons au sommet du palmarès canadien (Billboard Canadian Hot 100) sont des chansons popularisées sur TikTok, observe l’auteur-compositeur-interprète Marco Ema.  

«On sent qu’on est dans une génération plus axée sur les trucs rapides et TikTok, c’est ça, c’est des vidéos de quelques secondes. Je pense que ça a beaucoup influencé la façon d’écrire, peut-être inconsciemment», dit-il.  

Se conformer ou pas? 

Si les maisons de disques ne vont pas jusqu’à demander aux artistes de se conformer à la recette gagnante de TikTok, ce sont les artistes, souvent eux et elles aussi adeptes de TikTok, qui le font naturellement, croit la compositrice de musique et fondatrice du label MusiqMatch Chloé-Anne Touma. 

C’est du moins le cas du producteur québécois Fadi Kod, qui a composé Wala3, un morceau aux sons dansants qui inciterait les internautes à en faire une vidéo sur TikTok.  

«La musique que j’ai créée est faite pour un TikTok. Il y a une partie de la chanson qui sonne parfaitement pour un TikTok, qui inciterait les gens à faire une vidéo TikTok dessus», explique-t-il. 

Car un autre ingrédient essentiel au hit TikTok, selon Ons Barnat, est de pouvoir en faire des petites chorégraphies dansables, oui, mais surtout réinterprétables, histoire de devenir viral.  

Wala3, qui devait même s’appeler «TikTok» avant la parution d’autres chansons avec ce titre, a été lancé le 7 septembre dernier avec un vidéoclip dans lequel apparaît Hélène Boudreau. 

Mais à l’inverse, d’autres artistes préfèrent ne pas se conformer au modèle TikTok dans leurs œuvres. «Sinon ça m’angoisserait terriblement», confie Claudia Bouvette en entrevue avec Métro.  

Elle se réjouit que sa maison de disques lui laisse également sa liberté créative. «Mon équipe, le label avec lequel je travaille [NDLR: Bousound], respecte chaque individu qu’il représente. Jamais je n’ai ressenti une pression pour suivre un nouveau code pour aller chercher du reach», souligne-t-elle.  

Même son de cloche du côté de Marco Ema, qui dit plutôt utiliser TikTok pour le plaisir ou pour mousser sa carrière. «On va me demander des fois de faire un TikTok pour faire de la promo pour telle affaire ou telle affaire, mais jamais des chansons. J’ai toujours été très libre dans ma façon de faire des tounes. J’essaie de ne pas trop penser à une structure d’écriture», mentionne-t-il.  

Un facteur aléatoire 

En tant que producteur de musique, Claude Bégin remarque le désir de certain.e.s de ses collaborateur.trice.s, surtout les plus jeunes, de produire des chansons ou des vidéos pour TikTok. Mais lui évite de s’y conformer puisqu’il considère que la manière dont les chansons deviennent virales sur l’application est aléatoire, surtout au Québec.  

«Tu peux chercher à créer un hook qui serait populaire avec le type de vidéo qu’on retrouve sur TikTok, mais j’ai l’impression que [leur succès sur la plateforme] est plus random», dit-il cependant. 

Y’a pas tant de trucs québécois qui buzzent mondialement de toute façon, donc aller à la quête de quelque chose de relativement abstrait, je ne suis pas rendu là.

Claude Bégin

Certaines chansons québécoises, comme la pièce Sensuelle du défunt rappeur Jeune Loup, ont connu un buzz TikTok international, mais elles font encore exception. 

Créer de la musique directement pour TikTok est plus «délicat» compte tenu du succès imprévisible des chansons sur le réseau social, estime la coordonnatrice de label et des communications chez Rosemarie Records, Myriam Galliot. «On est conscient que les hits se créent grâce aux auditeurs, donc c’est complètement aléatoire. C’est difficile de jauger si ça va devenir un hit ou pas.» 

Or, l’industrie de la musique québécoise a une approche encore très traditionnelle, ce qui expliquerait son retard sur la vague TikTok, pense Chloé-Anne Touma. 

«J’ai l’impression aussi que c’est quand même nouveau TikTok pour les maisons de disques au Québec. Je pense qu’on commence à l’apprivoiser tranquillement, remarque Marco Ema. Il faudrait avoir cette discussion dans quelques années.»  

Avec Jules Couturier.

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