Soutenez

«Après le déluge»: la révolution télévisuelle de Mara Joly  

La distribution diversifiée de la nouvelle série "Après le déluge", à venir en décembre sur Crave
La distribution diversifiée de la nouvelle série «Après le déluge», à venir en décembre sur Crave Photo: Gracieuseté, Crave

Afrodescendante white passing, la réalisatrice Mara Joly se sert de son «privilège injuste» pour remplir sa mission: donner une voix aux personnes qui n’en ont pas. Elle espère que sa série de Crave Après le déluge, dont la distribution est majoritairement composée de personnes racisées, sera le début d’une révolution pour le petit écran québécois.  

Présentement en tournage, les six épisodes d’une heure d’Après le déluge mettent en scène une policière qui prend sous son aile quatre jeunes marginalisés du quartier Saint-Michel en les initiant au sport de combat MMA (le sigle anglais pour arts martiaux mixtes). 

Cette histoire est inspirée de celle d’Evens Guercy, un policier afrodescendant (maintenant superviseur au Service de police de la Ville de Montréal) qui a fondé un club de boxe il y a plus de 15 ans, explique Mara Joly, qui scénarise et produit la série en plus de la réaliser.  

«À l’époque, les autres policiers pensaient qu’il allait utiliser les jeunes comme délateurs. Le SPVM ne l’avait pas empêché nécessairement d’avoir son initiative, mais le regardait de loin parce qu’il entraînait des gens à se battre», indique celle qui a aussi pratiqué les arts martiaux quand elle était adolescente.  

Un casting de couleur 

Des six premiers rôles de la série, quatre sont joués par des jeunes issu.e.s des diversités culturelles, dont plusieurs nouveaux visages au talent jusqu’alors sous-exploité. 

Et de voir cela à l’écran, à la première journée de tournage, a suscité tellement d’émotion chez Mara Joly que la réalisatrice s’est mise à pleurer. «Je n’avais jamais vu [au Québec] quatre afrodescendants qui ont des premiers rôles qui sortent des petites cases dans lesquelles on les met habituellement», explique-t-elle.  

Dans le rôle de la policière Maxime Salomon, on retrouve l’actrice Penande Estime, qui joue pour la toute première fois un personnage principal dans une série. En fait, Penande Estime avait tellement de mal à décrocher des rôles au Québec qu’elle s’était pendant un moment recyclée en cascadeuse pour des films aux États-Unis.  

«Ça faisait longtemps que je voulais avoir un rôle significatif, qui a quelque chose à dire et qui peut influencer les gens», dit-elle. 

Rencontrée sur le plateau, la comédienne explique qu’elle n’aurait jamais imaginé un jour jouer une policière en raison de son casting qui la confine généralement à des rôles bien précis et souvent stéréotypés.  

«Les rôles qu’on me proposait ou que mon agente avait pour moi, c’était tout le temps cliché, déplore-t-elle. Le fait que je suis dark skin, ça peut être un désavantage pour moi. C’est le fun qu’ils aient pris une femme noire avec des cheveux naturels pour faire Maxime.» 

Une autre actrice qu’Après le déluge permettra au grand public de découvrir, c’est la jeune Charlotte Massé, qui interprète Dylan. 

«Les étoiles se sont alignées ou quelque chose, mais je savais que ce rôle-là était pour moi. C’est un peu un rêve devenu réalité parce que ça faisait six ans que j’essayais de rentrer dans l’industrie au Québec», raconte celle qu’on a notamment pu voir dans la deuxième saison de Plan B. 

Comme Penande Estime, Charlotte Massé a dû se préparer en prenant des cours de MMA ainsi qu’en suivant un programme d’entraînement et un régime alimentaire strict.  

La comédienne France Castel (à gauche), qui est aussi de la distribution, et la réalisatraice Mara Joly (à droite) sur le plateau d‘Après le déluge.

Un reflet de la réalité 

Parmi les visages plus connus du petit écran, on compte Karl Walcott (vu dans Le Chalet et Toute la vie, notamment). 

L’acteur qui interprète le frère de Dylan ne s’en cache pas: c’est la première fois qu’il a la chance de jouer avec autant de collègues issu.e.s de la diversité culturelle. 

«Souvent, je suis le seul sur le plateau, lâche-t-il. Ça fait longtemps que je rêve de ça, de voir un plateau de tournage qui ressemble à ce que moi je vois à Montréal.» 

Même son de cloche du côté de la réalisatrice Mara joly, qui souhaite seulement montrer sa représentation de l’identité québécoise à travers cette série.  

«Pour moi, l’identité québécoise actuelle, c’est vraiment une identité qui est plurielle», mentionne celle qui espère interpeller plusieurs communautés de tous les horizons avec ce qu’elle considère comme un «nouveau narratif».  

Si Mara Joly rêve d’un jour réaliser une série sur l’histoire d’un couple afrodescendant millionnaire, comme elle dit, elle pense toutefois qu’il est possible de déconstruire certains préjugés si on les aborde d’un «regard intérieur».  

Il y a des gangs de rue dans l’histoire, mais je ne pense pas que les gangs ont déjà été représentés de cette façon-là. Quand c’est des gens qu’on a connu de très proche ou une réalité qu’on côtoie, les paramètres qu’on peut exprimer par rapport à ça sont complètement différents.  

Mara Joly, réalisatrice, scénariste et productrice d’Après le déluge

«Carte noire» 

Après le déluge est une production de Zone3 et ZAMA Productions (la boîte de Mara Joly et Miryam Charles) en collaboration avec Bell Média. 

Questionnée au sujet de la difficulté à vendre sa série au diffuseur, Mara Joly indique que tout a été plus facile une fois assise à la table avec Bell. 

«C’est un projet pour lequel on s’est fait dire: “il n’y a personne à part Bell qui pourrait le prendre”. Une fois qu’on est arrivé là, ça a été une grande rencontre. Mais, à la base, quand j’avais ce projet-là, tout le monde me disait: “tu ne seras jamais capable de le vendre au Québec”», se rappelle-t-elle.  

Si la réalisatrice confie avoir ressenti, par moments, de la pression pour engager des visages plus connus, Mara Joly insiste sur le fait qu’elle a finalement eu «carte noire».  

En entrevue avec Métro, Steve Diouf Felwin, qui avait été pressenti pour jouer un des quatre jeunes principaux, se souvient avoir attendu un certain moment avant d’avoir la confirmation qu’il avait le rôle.  

«Mara poussait très fort pour que ce soit moi qui aie le rôle. Le diffuseur ou peut-être [des personnes placées] plus haut voulaient quelqu’un qui avait déjà un nom ou un visage pour ce rôle-là. Mais Mara a vraiment insisté», explique le comédien qu’on a vu dans Larry.  

Les six épisodes de la série Après le déluge seront présentés sur Crave en décembre.  

Inscrivez-vous à notre infolettre et recevez un résumé, dès 17h, de l’actualité de Montréal.

Articles récents du même sujet

/** N3 */

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.