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Pensionnat: témoignages troublants à la Commission

MONTRÉAL – «Mon esprit a été volé.» Les mots de Yvette Michel, membre de la communauté innue de Maliotenam sur la Côte-Nord à la Commission de vérité et réconciliation du Canada sont tombés comme une masse. Encore aujourd’hui, elle tente de se remettre de son expérience dans un pensionnat autochtone.

Des audiences publiques de la Commission se tiendront encore samedi à l’hôtel Reine-Élizabeth, à Montréal. L’objectif consiste à documenter les expériences vécues, les séquelles et les conséquences liées aux pensionnats autochtones.

Des professeurs, des experts, des historiens, des membres des communautés autochtones, des représentants religieux déposent documents et mémoires afin de mettre la vérité à nue, aider les victimes à «guérir» et tenter de trouver des pistes de réconciliation.

Le député néo-démocrate et leader cri, Roméo Saganash, a souligné vendredi que trop de gens ignorent encore ce qui a été fait à un trop grand nombre d’enfants et leurs familles.

Même si plusieurs sont décédés aujourd’hui, les marques demeurent vives et visibles, a maintenu le député de l’Abitibi–Baie-James–Nunavik–Eeyou, qui insiste pour reconnaître ce passage obscur de l’histoire canadienne.

Les ordres religieux ont commencé à administrer des écoles autochtones avant la Confédération en 1867. Le modèle de «pensionnat indien» est par contre officiellement apparu dans les années 1880 et le dernier à fermer ses portes l’a fait en 1996.

Durant plus de 100 ans, de jeunes enfants autochtones, inuits et métis ont été retirés de leurs familles, souvent sans comprendre où ils étaient amenés.

Jean-Guy Pinette, qui habitait tout jeune à Shefferville, a raconté comment un prêtre qui l’appelait, ‘mon petit garçon’, lui a dit un jour, «viens, on va faire un petit voyage».

«Quand on est enfant, on est naïf. J’ai suivi ce prêtre et j’ai vu mes parents, incapables de parler. J’ai vécu trois sévices sexuels et très tôt j’ai dû porter de grosses responsabilités, notamment celle de protéger mon frère…», a exprimé Jean-Guy Pinette. «L’injustice… j’ai connu ça très jeune. C’était douloureux et on ne savait jamais pourquoi», a-t-il encore raconté, les mains jointes pour ne pas trembler.

La réalité a été tout aussi pénible à la sortie du pensionnat, où la fin de l’internement n’a pas été synonyme de liberté.

«Pendant des années, j’ai vécu comme un robot. Quand je suis sortie, je n’ai jamais pu vivre une vie normale. J’avais perdu tout contact avec mes parents, mes soeurs et mes frères. Pour eux, j’étais une étrangère», a confié Yvette Michel, précisant n’avoir subi aucun sévice durant ses dix années passées au pensionnat. Elle considère toutefois que son esprit a été perdu.

Nombreux anciens pensionnaires ont versé dans les dépendances diverses une fois la majorité atteinte. Étrangers dans leurs communautés, ils l’étaient tout autant dans la société.

«La honte, je l’ai portée pendant des années. La culpabilité aussi parce que je pensais que c’était la faute de mes parents qui n’avaient pas su me protéger. Mais eux aussi ont été victimes de ce système», a ajouté M. Pinette.

Face aux plaies toujours vives, la réconciliation s’annonce longue, selon Roméo Saganash, si l’on se refuse à faire des pas des deux côtés, c’est-à-dire de la part du gouvernement et des Autochtones.

Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, croit qu’il faut plus que des excuses et que la réconciliation touche aussi les membres des communautés.

Roméo Saganash lui a fait écho, affirmant que pour que des excuses soient valides et sincères, elles doivent s’accompagner de gestes.

«Les gestes ne sont pas là. Les politiques racistes vont toujours contre les Autochtones. Même lorsque l’on obtient des victoires devant les tribunaux, le gouvernement continue de se battre contre le droits fondamentaux», a déploré Roméo Saganash.

«Il y a aussi nécessité d’un mouvement de réconciliation à l’intérieur même de nos nations», a aussi reconnu Ghislain Picard.

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