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Vivre sur un voilier, attaché à un arbre

Sur les eaux bleues du Saint-Laurent bordées par les feuillus des rives de Pointe-aux-Trembles et de l’île Sainte-Thérèse, Sébastien Mignault vit sur son voilier, une embarcation de 42 pieds en ferrociment, été comme hiver.

C’est après une rupture difficile en 2018 que le capitaine solitaire qui rêve d’indépendance a tout quitté pour répondre à l’appel de la mer et ses promesses d’évasion. Tout sourire en nous faisant visiter la pièce commune de son domicile flottant, Sébastien pointe son réfrigérateur, sa cuisinière, ses lits, son sofa, sa génératrice et son système de chauffage. Le voilier peut confortablement héberger Sébastien et ses enfants, lesquels le visitent régulièrement. «Ils adorent ça venir dans le bateau de papa. […] Ils se baignent et ils jouent», dit-il.

Le père de Sébastien (debout) et Sébastien (à la casquette rouge), tous deux à bord de L’Oiseau.
Gracieuseté de Sébastien Mignault.

Le fleuve a bercé Sébastien lorsqu’il était lui-même enfant. Son père, un écrivain, avait ressenti la pulsion de quitter la terre ferme avec son fils dans les années 1990, lorsque Sébastien n’avait que 10 ans. La musique, les fêtes et la petite communauté de marins qui s’était formée à la marina de Repentigny autour de L’Oiseau, leur voilier, ont marqué Sébastien. À vingt ans, toutefois, il a voulu regagner la terre ferme, où il a notamment habité un autobus aménagé en habitation. C’est plus d’une décennie plus tard que l’attrait du fleuve s’est à nouveau fait sentir.

L’Oiseau accosté à la marina de Repentigny dans les années 1990.
Gracieuseté de Sébastien Mignault.

Le long chemin vers la liberté

Sortir du sentier désigné par la société n’est pas chose simple, admet le marin. «Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.» Le premier grand filtre? Le mal de mer. On s’en rend compte assez rapidement en embarquant sur le Sir Williams 1. Les deux côtés du navire montent et descendent de près d’un demi-mètre en alternance. Peu importe la stabilité que les passagers désireraient, ce sont les vagues qui dictent l’angle de la cale.

Sébastien Mignault à bord de son voilier.
Photo: Ismaël Koné.

Moi, je n’ai pas le mal de mer. J’ai le mal de terre.

Sébastien Mignault

Les prochaines étapes pour une personne qui voudrait adopter ce style de vie sont d’obtenir un permis de conduire des embarcations de plaisance et de trouver un voilier. Le marché actuel serait bon pour les acheteurs, remarque le capitaine, puisque beaucoup de marins âgés mettent leurs bateaux en vente, ce qui fait baisser les prix.

Là où plusieurs rebroussent chemin, c’est après avoir constaté la quantité de travail d’entretien et de préparation que requiert la vie en voilier l’hiver, pour se chauffer et se protéger des glaces, par exemple. Sébastien a d’ailleurs eu «des voisins» qui ont tenté l’expérience de vivre sur un voilier dans le Saint-Laurent après avoir été inspirés par son histoire médiatisée, mais ils n’ont pas reconduit l’expérience au-delà d’un seul hiver.

Chaque hiver, Sébastien monte un abri à neige sur son voilier pour augmenter la superficie où il peut vivre.
Page Facebook: Vivre à l’année à bord d’un voilier sur le fleuve Saint-Laurent.

Aujourd’hui, il a poussé plus loin encore son indépendance en jetant l’ancre hors des marinas. Il s’est tout simplement amarré à un arbre.

Si la vie de quasi-ermite n’est pas un défi pour Sébastien, qui aime le calme, «résister à la pression de la société» en devient parfois un. Face au regard incrédule des gens qui ne comprennent pas et «jugent» son mode de vie, et confronté à la pression sociale pour s’acheter une maison et consommer, il devient parfois difficile d’assumer une ambition très éloignée de ce modèle.

Une solution à la crise du logement?

Comme pour les membres de la communauté de l’infini sur la rue D’Iberville, qui sont douze à se partager un loyer de 800 pieds carrés, le mode d’habitation de Sébastien présente un avantage économique. Étant propriétaire, mais n’ayant pas de terrain, Sébastien est épargné par la hausse du coût des logements et des taxes foncières. Après avoir dépensé pour l’achat de son voilier, il ne débourse qu’un peu plus de 1000 $ par année en entretien, notamment pour la peinture et les améliorations qu’il apporte à l’ergonomie de son embarcation. Son électricité est fournie par des panneaux solaires et des batteries marines, et son chauffage par un système au propane.

S’il pêche parfois, le panier d’épicerie pèse quand même inévitablement dans la balance. Mais comme la plupart des gens, le navigateur tire ses revenus de subsistance d’un emploi à temps plein. Pour s’y rendre, matins et soirs d’été, il navigue avec un petit bateau à moteur entre son voilier, situé à cent pieds de la rive, et la côte. Sur la rive, il prend sa voiture pour aller et revenir de son travail, où il manufacture des portes. L’hiver, il fait le même chemin, mais en marchant directement sur l’eau gelée du Saint-Laurent.

Photo: Ismaël Koné

Aux premières loges du cycle des saisons, Sébastien remarque l’effet du réchauffement climatique sur la glaciation des eaux. Par rapport aux années précédentes, la glace du fleuve est de plus en plus lente à se former et elle est de moins en moins épaisse. Voyant très bien la différence entre le Saint-Laurent de son enfance et de celui de sa vie adulte, le marin se sent parfois craintif face à la situation écologique planétaire, lui qui vit si proche de la nature.

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