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L’IA, le «Journal» de Sherbrooke et la déontologie journalistique

Capture d'écran du site web du Journal de Sherbrooke.
Capture d'écran Photo: Journal de Sherbrooke

Bon… D’habitude je vous parle de ce qui se passe à Montréal, mais je vais changer de beat pour un instant parce qu’il s’est passé des trucs cette semaine qui touchent un peu à ce qu’on fait chez Métro.

Vous avez sûrement entendu parler de deux histoires touchant l’intelligence artificielle et les médias. Dans un cas, un faux média qui se fait appeler le «Journal» de Sherbrooke utilise l’IA pour glaner les articles produits ailleurs et les plagier. Dans un autre cas, Arsenal utilise une voix générée par l’IA pour lire à la radio des infos qui sont bel et bien produites par leurs journalistes en chair et en os.

Je vous épargne les détails. Je dirai ici seulement que le cas de Sherbrooke est pitoyable et mérite l’opprobre. Celui d’Arsenal, non.

«Mais eille, c’est pas toi qui produit la majorité de tes textes avec l’IA?»

Oui. J’y arriverai à la fin. Si vous êtes pressés, je vous réfère à notre politique sur l’IA.

L’IA contre la déontologie journalistique?

Moi, c’est un commentaire du président de la FPJQ, Éric-Pierre Champagne, qui m’a fait tiquer. Sur les ondes de Radio-Canada, il a laissé entendre que demander à l’IA de faire des tâches qu’un journaliste peut faire, ça allait à l’encontre du Guide de déontologie des journalistes.

«Dans ce sens-là, j’aurais tendance à dire que la décision d’Arsenal ne serait pas conforme à notre guide de déontologie.» C’est la citation qu’on trouve sur le site de Radio-Can.

Ce qui fait très peu de sens comme affirmation en partant parce que TOUT ce que l’IA peut faire dans une salle de presse peut être fait par un journaliste. Chercher des sources, vérifier des infos, rédiger ou corriger un texte, et bien entendu lire des nouvelles… tout ça est fait par des journalistes et tout ça peut, si on le souhaite, être fait par l’IA.

Finalement, sans s’en rendre compte, Éric-Pierre Champagne demande qu’on évite purement et simplement l’IA.

Mais ce qui me gosse le plus dans son commentaire, c’est que c’est même pas ça que le Guide de déontologie journalistique nous dit concernant l’IA!!!!!!

Voici l’extrait pertinent du Guide:

14.7 Utilisation de l’intelligence artificielle (IA)

(1) Contrôle éditorial

Les médias d’information s’assurent qu’un contrôle éditorial est effectué par un humain sur tout contenu généré par l’IA avant qu’il ne soit diffusé au public.

(2) Identification du contenu produit par l’IA générative 

Les textes, les images et les éléments sonores substantiellement générés par intelligence artificielle doivent être clairement identifiés comme tels pour évacuer tout doute quant à la nature de l’information transmise au public. L’identification doit être intégrée au contenu et, dans la mesure du possible, en être indissociable, pour éviter tout partage sans identification.

Rien, nadanothing, zéro sur les taches qu’on peut lui donner ou sur la protection des jobs des journalistes.

Ce qui serait un peu particulier parce que le Guide est produit non pas par la FPJQ mais par le Conseil de presse du Québec. Si vous savez pas c’est quoi, c’est un tribunal d’honneur qui s’assure que les journalistes et les médias soient imputables quand on commet des bourdes.

Ce n’est définitivement pas un syndicat. Son but n’est pas de protéger les jobs.

Donc ça serait weird que dans le document qui précise les règles à suivre pour protéger les sources, les personnes dont on parle dans nos reportages et le public qui nous lit, on insère un article qui n’a rien à voir avec aucun de ces trois groupes.

Le Journal de Sherbrooke, en plus de plagier à fond la caisse, ne respecte pas la règle du contrôle éditorial par un journaliste. Il peut donc être mis dans la catégorie du AI slop qui pollue internet avec de la merde. Arsenal est dans une autre catégorie. Arsenal assure un contrôle éditorial parce que ce sont les journalistes qui produisent les nouvelles. L’IA ne fait que les lire.

L’IA chez Métro

Évidemment, j’ai un parti pris pour l’utilisation de l’IA en contexte journalistique. On n’aurait pas pu faire revivre Métro au moment et dans la forme choisis sans notre Agent IA.

Jusqu’à présent, je n’ai pas vu grand-monde faire un rapprochement entre le Journal de Sherbrooke et Métro et c’est tant mieux. Mais je pense que c’est une bonne occasion pour rappeler comment on l’utilise et en quoi ça diffère des « médias » moins fréquentables.

  1. Nous avons spécifié une liste de sites web et de flux RSS que notre Agent IA peut parcourir. Il s’agit de sources associés à des organismes et des institutions qui émettent des communiqués de presse et des rapports destinés au public. Aucun reportage médiatique n’alimente notre outil.
  2. Lorsqu’une de ces sources émet un nouveau communiqué, notre Agent IA l’utilise pour créer un article de nouvelle.
  3. Cet article est laissé en brouillon sur notre site web. Il ne sera jamais publié tant qu’un journaliste ne soit passé dessus pour vérifier l’information et l’éditer selon les besoins.
  4. Nous utilisons aussi l’IA pour créer des images pour accompagner les textes.
  5. Chaque texte et chaque image où l’IA est utilisée est identifié comme tel.

À terme, l’IA nous permettra de mettre davantage d’énergie sur les réseaux sociaux et sur du contenu original.

Je ne pense pas que ce modus operandi devra nécessairement être appliqué à tous les médias. Mais l’IA va nécessairement prendre de plus en plus de place dans les salles de nouvelles.

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