Alexander Graham Bell veut pas d’iPhone
Anecdote. Mercredi passé, j’étais chez Bell. Le magasin, pas le gars. J’sais pas c’est où qu’il habite de toute façon, Alexander Graham Bell. Ça doit être poussiéreux rare chez eux. Bref, j’étais chez Bell parce qu’il y a trois semaines, j’ai perdu mon cellulaire. J’suis de nature relax, et mon cell était vierge de photos compromettantes; donc, j’ai pris ça cool. Une amie m’a gentiment vendu son vieux BlackBerry pas cher. Donc, mercredi passé, j’étais chez Bell pour activer mon nouveau vieux BlackBerry.
Pendant que j’étais au comptoir à regarder la demoiselle gosser avec mon nouveau vieux BlackBerry, un vieux monsieur est entré dans la boutique. C’était pas un nouveau vieux monsieur, ça faisait un bout qu’il était vieux. Quel genre de vieux monsieur? Un grand-papa costaud. Y’a les grands-papas gâteau, et les grands-papas costauds. Tu peux être les deux. Mais physiquement, un grand-papa costaud a une bedaine de femme enceinte de 14 mois, puis des mains de gars qui a vissé des bolts de 12 po à main nue pendant 50 ans. Le genre de grand-papa qui, quand il te prenait dans ses bras, tu sentais que, un, jamais t’allais tomber et, deux, s’il serrait un peu, les poumons allaient te monter jusque dans gorge.
Il entre et va au comptoir à ma droite. Sort son cellulaire, un flip. Le gars de Bell, l’employé, pas le fils d’Alexander, demande au monsieur ce qu’il peut faire pour lui. Le monsieur lui répond qu’il veut changer de cellulaire. Le gars lui demande quel genre de cellulaire il recherche. Le monsieur répond : «J’en veux un qui sonne fort! Lui, je l’entends pas quand y sonne!» Y veut pas aller sur Facebook, ni une caméra qui peut filmer HD, ni 2 G de mémoire pour stocker des photos de ses repas, y veut juste l’entendre quand y sonne!
En dedans, j’ai ri. Pas un rire méprisant, un rire charmé. Le même genre de rire que le monsieur aurait si on travaillait ensemble et qu’il me demandait une clé un quart, puis que j’y donnais mes clés d’auto. Bref, le rire qu’on a quand on voit quelqu’un perdu dans un monde qui le dépasse. Si Alexander Graham Bell était encore en vie, c’est sûrement ça qu’il chercherait aussi, un téléphone qui sonne.
Évidemment, comme vous l’avez vu venir, l’employé a simplement pris le cellulaire du monsieur et joué 30 secondes avec les sonneries et le volume. Puis hop! le monsieur avait lui aussi un nouveau vieux cellulaire : le sien. Quand il est sorti, je me suis permis de demander à l’employé si ça arrivait souvent. Il m’a dit : plus souvent qu’on pense. Alors, à tous nos «vieux», qui sont parfois mêlés, perdus avec ces nouvelles technologies, dites vous une affaire : vous savez des choses qu’on ne sait pas et faites des choses qu’on ne sait plus faire. C’est pas parce que ta tarte à la citrouille est pas sur Instagram qu’elle ne vaut pu la peine d’être faite. Salut au monsieur qui a maintenant un cellulaire qui sonne FORT!
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