Plus nombreux et plus nomades, les itinérants du Plateau
Le phénomène de l’itinérance sur Le Plateau-Mont-Royal serait en augmentation et en changement, révèle une enquête réalisée par la Corporation de développement communautaire Action solidarité Grand Plateau dont TC Media a obtenu copie.
Une enquête réalisée entre le 8 juillet et le 8 octobre 2014, auprès de 171 personnes en situation d’itinérance, démontre que l’augmentation du nombre de sans-abris dans l’arrondissement s’explique par une migration de ceux du centre-ville vers ce secteur. Parmi ces nomades, 19,4% sont d’origine autochtone, alors que cette communauté était quasi absente du secteur il y a dix ans. Les Inuits sont les plus nombreux, parmi eux. Les personnes en situation d’itinérance s’identifient toutefois comme Québécois dans 49,3 % des cas.
La dégradation de la situation socio-économique des résidents du secteur explique aussi le plus grand nombre d’itinérants dans le Plateau.
Les sans-abris sont aussi de plus en plus en transit sur le territoire.
«Avant, nous avions surtout des gens avec leur « spot ». Ce n’est plus le cas maintenant, ils sont de plus en plus mobile. On remarque aussi peu de mixité entre les générations», note Ann Lalumière, de l’organisme venant en aide aux personnes itinérantes, Plein milieu.
Bien que les hommes soient toujours majoritaires, à 69% selon l’échantillon recueilli par cette enquête, les femmes sont en nette augmentation.
Un quartier accueillant
«Beaucoup de personnes fréquentant l’organisme Plein milieu nous disent qu’ils viennent dans le quartier, parce que les gens sont plus ouverts. On entend beaucoup qu’ils sont plus à gauche dans le Plateau. Le lien d’appartenance à l’arrondissement est aussi très fort. Beaucoup de personnes sans-abris ont grandi dans le secteur et même dans leur situation de précarité extrême, ils voulaient rester dans ce quartier qu’ils connaissent depuis toujours», explique Mme Lalumière.
Les répondants de l’enquête ont d’ailleurs, dans 23,5% des cas, manifesté leur appartenance au secteur. Ils ont aussi mentionné, dans une proportion de 24,2%, la gentillesse des gens. Plusieurs (16, 1%) préfèrent passer leur journée dans Le Plateau-Mont-Royal plutôt qu’au centre-ville, puisqu’ils s’y sentent plus en sécurité. Ils dénotent moins de criminalité et de violence que dans Ville-Marie.
Le plus grand facteur d’attractivité du secteur demeure toutefois l’offre de biens et services, tant des organismes communautaires, des services publics et de l’offre commerciale. Ce sont 37,4 % des répondants qui ont identifié cet élément. D’ailleurs, les endroits les plus fréquentés du Plateau-Mont-Royal par les personnes en situation d’itinérance sont dans les zones commerciales, soit l’avenue du Mont-Royal (61,1%), autour du métro Mont-Royal (50,3 %), le boulevard Saint-Laurent (44,3 %) et la rue Saint-Denis (43,0%).
«Ce sont de bons endroits pour pouvoir quêter, parce qu’il y a beaucoup de gens qui passent et on nous dit souvent que les gens sont plus généreux dans le quartier», indique Mme Lalumière.
Plus surprenant, 90 % des répondants disent se sentir bien dans le quartier et 47,1 % déclarent s’y sentir très bien.
Des besoins à combler
Tout n’est toutefois pas rose dans le secteur. Le Plateau-Mont-Royal manque de ressources ouvertes les soirs et la fin de semaine, surtout pour les repas. Les centres de soirs, ainsi que le manque d’installations sanitaires accessibles se font aussi sentir. C’est sans oublier l’absence de centre d’hébergement et le manque de plus en plus criant de logements abordables.
Avec près d’un itinérant sur cinq provenant de la communauté autochtone, les outils en Inuktitut deviennent nécessaires. Sensibiliser les intervenants et organismes à la réalité des Premières nations devient aussi essentiel, révèle cette enquête.
Méthodologie
L’enquête intitulée «Portrait du phénomène de l’itinérance dans le Grand Plateau» a été réalisée auprès de 171 personnes en situation ou à risque d’itinérance et de 19 «informateurs clés». L’étude met en lumière des tendances déjà constatées par les organismes communautaires, mais jamais chiffrés jusqu’ici. Les données ont été récoltées à l’aide de questionnaires remplis par les personnes en situation d’itinérance et auprès d’intervenants et de discussions de groupe.