Police à l'UQAM: demande de démission du recteur
MONTRÉAL – Des étudiants et des professeurs de l’UQAM ont demandé jeudi la démission du recteur Robert Proulx, lui reprochant de jeter de l’huile sur le feu à cause de l’intervention policière, mercredi à l’université.
Lors de l’intervention la veille, le Service de police de la ville de Montréal a dû procéder à plus d’une vingtaine d’arrestations. Il y a eu du vandalisme à l’université, du mobilier a été renversé, des graffitis ont été peints, des caméras de surveillance abimées, des portes cadenassées et des barricades montées. À l’extérieur, des manifestants s’en sont aussi pris aux véhicules de police et ont lancé divers objets saisis sur la voie publique.
Sept personnes ont rencontré la presse dans un hôtel près de l’UQAM pour dénoncer la situation, au lendemain de l’intervention.
L’un de ceux qui ont pris la parole, Michel Lacroix, professeur au département d’études littéraires et directeur du programme, a soutenu que les étudiants qui étaient cagoulés ou masqués le faisaient parce qu’ils n’avaient pas le choix. «Parce qu’ils sont filmés et menacés d’une éventuelle expulsion dans deux ou trois ans, comme leurs neuf camarades dont le statut est en suspens, les étudiants sont contraints à se masquer pour faire des levées de cours. Et parce qu’ils sont masqués, on fait intervenir des forces policières pour appliquer brutalement une répression», a tonné M. Lacroix.
Selon le professeur, toutes les levées de cours ont été faites de façon démocratique. Des médias ont pourtant rapporté que des gens masqués s’étaient présentés dans des salles de cours en éteignant les lumières, en éteignant l’ordinateur d’un professeur et en insistant pour que les gens qui y suivaient un cours sortent.
«Nous donnons plus de 65 cours, cette session-ci, en études littéraires et à aucun moment il n’y a eu un problème dans un seul de ces cours pour les levées de cours. Donc, les réactions de répression, d’ajout de personnel de sécurité, n’ont aucune raison d’être du point de vue qui est le mien et du programme d’études littéraires», a affirmé le professeur Lacroix.
Marcos Ancelovici, professeur en sociologie, a invité le recteur de l’UQAM à démissionner, compte tenu de la tournure des événements. «Il est clair que le recteur a failli à sa mission, qu’il n’est pas du tout en mesure d’assurer cet environnement sain et propice à la recherche et à l’enseignement à l’UQAM. Il a dit hier qu’il assumerait ses responsabilités, qu’il en tirerait les conséquences. La seule chose responsable qu’il lui reste à faire, c’est de démissionner», a-t-il soutenu.
René Delvaux, un responsable étudiant au conseil d’administration de l’UQAM, a abondé dans le même sens. «La direction doit démissionner», a-t-il dit.
Mercredi, lorsque la situation s’est envenimée à l’UQAM, M. Ancelovici affirme qu’un groupe a tenté en vain de discuter avec la direction de l’université, demandant l’annulation des expulsions annoncées, la levée de l’injonction obtenue par l’UQAM et le départ des policiers. Il a soutenu que même une offre de médiation avait été rejetée.
L’UQAM a obtenu une injonction, le 1er avril, qui ordonne «de cesser et de s’abstenir d’empêcher l’accès, la sortie et la libre circulation par quelque moyen aux pavillons et immeubles de l’Université du Québec à Montréal». Elle ordonne également de «cesser et de s’abstenir, seul ou en groupe, de toute forme d’intimidation physique ou psychologique, de menace, de harcèlement, de provocation, d’insulte ou de comportement instituant la crainte à l’intérieur ou dans le voisinage immédiat (2 mètres) des pavillons et immeubles de l’UQAM». L’injonction provisoire est valide jusqu’au 13 avril, à 17h.
Richard-Alexandre Laniel, étudiant à la maîtrise en droit social et représentant de l’ASSÉ (Association pour une solidarité syndicale étudiante), a prévenu que l’association ne tolérerait pas que le droit de grève étudiant soit mieux encadré par une loi ou un règlement, comme certaines voix l’ont réclamé.
«Nous sommes absolument contre toute forme d’encadrement du droit de grève. Ça fait maintenant plusieurs décennies qu’il existe ce droit, qu’il est exercé. Les levées de cours sont appliquées pacifiquement parce que c’est un moment de dialogue; c’est un moment où justement nous pouvons expliquer pourquoi nous sommes en grève. Le droit de grève, il appartient aux étudiants lors de leurs assemblées générales; c’est le moment légitime pour déterminer quand et comment il sera possible de rentrer en grève. Ce n’est surtout pas une loi qui va nous dire quand ce sera possible», a averti M. Laniel.
Réactions
Quant au recteur de l’UQAM, Robert Proulx, qui a accordé quelques entrevues, il a rappelé que la direction avait l’obligation de maintenir l’accès aux cours pour ceux qui désirent y assister. Il a ajouté que 10 000 étudiants étaient touchés par le boycottage sur un total de 44 000 étudiants à l’UQAM.
Les autorités ont déjà annoncé qu’il n’était pas question de prolonger la session pour permettre la reprise des cours.
À Québec, le ministre de l’Éducation, François Blais, a réitéré toute sa confiance envers le recteur Proulx. Il a dit croire que le recteur avait posé les bons gestes en faisant appel au service de police pour mettre fin à la violence et au vandalisme dans l’établissement.
De son côté, l’opposition péquiste a dénoncé les gestes de violence. «La violence est toujours inacceptable. Les gestes répréhensibles des commandos de manifestants masqués et cagoulés, dirigés contre des personnes et des biens, doivent être dénoncés, car ils discréditent les mouvements de mobilisation citoyenne. Pour nous, c’est tolérance zéro», a affirmé le chef de l’opposition officielle, Stéphane Bédard.
«Le droit de manifester est important en démocratie, tout comme le droit d’exprimer librement ses opinions. Les étudiants peuvent légitimement s’opposer à l’austérité libérale. Or, cela doit se faire dans le respect des lois et sans violence», a ajouté M. Bédard.
Le chef péquiste croit que le droit de grève des étudiants peut être reconnu, mais que, pour ce faire, il doit être encadré.
Au nom de Québec solidaire, la députée Manon Massé a prôné la création d’un comité formé de professeurs, d’étudiants et de la direction de l’UQAM pour sortir de la crise actuelle.
Par ailleurs, des jeunes masqués ont encore une fois fait irruption dans une salle de cours de l’UQAM, jeudi après-midi, et les étudiants sur place ont semble-t-il accepté de quitter. Les agents de sécurité étaient sur place, au milieu de la foule. Il n’y a pas eu de violence.