Berthe et Georgette: les plus vieilles colocs de Montréal
Berthe et Georgette Godreau ne sont jamais bien loin l’une de l’autre. N’ayant ni mari ni enfant, les sœurs n’ont pas achevé une seule journée depuis 102 ans, sans se souhaiter «bonne nuit».
Lorsque leur mère est décédée alors qu’elles avaient trois et cinq ans, elles ont été placées chez des religieuses. Leur famille ne comptait plus que trois membres. Inséparables, elles se sont occupées de leur père jusqu’à son dernier souffle. Elles ont ensuite choisi de veiller l’une sur l’autre pour toujours.
«Nous n’avons même plus besoin de nous parler pour nous comprendre», lance Georgette avant d’éclater de rire.
Nées respectivement en 1910 et en 1913, les sœurs Godreau ont tout traversé ensemble. Les deuils comme les instants de bonheur, les guerres mondiales comme l’arrivée d’innombrables inventions.
«Nous n’avons plus vraiment d’amis qui ont vécu les mêmes choses que nous, mais nous en avons de nouveaux beaucoup plus jeunes et nous l’apprécions autant», raconte Georgette en souriant.
Bien qu’elles soient centenaires, l’actualité est toujours au cœur de leur vie. «C’est tellement important de savoir ce qu’il se passe autour de nous», souligne-t-elle.
Pour son 104e anniversaire, le plus grand souhait de Georgette était de rencontrer l’animatrice de son émission favorite 24/60, Anne-Marie Dussault.
Mme Dussault a eu un véritable coup de cœur pour les sœurs Godreau qu’elle visite régulièrement. «Je m’assure qu’elles ne manquent de rien, car je ne pourrais le supporter.»
«Rescapées»
Il n’y a pas si longtemps, la vieillesse leur paraissait beaucoup moins rose. Les journées se ressemblaient et les instants de bonheur se faisaient rares. Mais depuis qu’elles ont emménagé en septembre à la Résidence Outremont, leur joie de vivre a refait surface.
«Je conseille à tout le monde de venir ici parce que l’on ne vient pas mourir, mais plutôt revivre», lance Berthe de sa voix délicate.
En août dernier, quand la directrice de la Résidence Outremont, Line Vincelli, les a visités, à la demande de Mme Dussault et de leur médecin Dre Véronique Nally, elle a aussitôt entrepris de les accueillir chez elle. «Ça été le coup de foudre, ces femmes sont lucides, au courant de tout et authentiques. Je ne pouvais les laisser dans ce mouroir», raconte-t-elle.
Quelques mois après leur entrée à la Résidence d’Outremont, Berthe et Georgette ont mis leurs fauteuils roulants de côté puisqu’elles ont recommencé à marcher. Elles ont aussi retrouvé l’appétit et surtout, le goût de vivre.
«Nous sommes vraiment à la maison», confie Georgette, plaçant sa main délicate sur celle de sa sœur.
Les sœurs qui ont vécu pendant 20 ans dans un appartement d’Outremont, ont depuis retrouvé leurs repères, dont le parc qu’elles aimaient tant. Elles ont mis leur petit logis à leur goût. Des portraits de leur famille recouvrent les murs, un petit frigo attend les visiteurs «pour l’apéro» et leurs deux petits fauteuils adaptés font face au téléviseur, sur lequel RDI tourne en boucle.