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Un processus de plaintes contre les profs jugé «inéquitable» à l’UdeM

Photo: Tirée de Facebook

La Fédération des associations étudiantes de l’Université de Montréal (FAÉCUM) a dénoncé mercredi un processus de plaintes inéquitable contre les enseignants sur le campus.

Lorsqu’un étudiant porte plainte contre un membre du corps professoral, la personne mise en cause est jugée par un comité de discipline uniquement composé d’enseignants, allègue-t-on. «Des chums qui jugent des chums», déplore l’organisation étudiante.

Le regroupement étudiant soutient que cette situation «intolérable» perdure depuis trop longtemps sur le campus. «Le corps professoral est la seule catégorie à détenir un processus disciplinaire du genre à l’Université de Montréal (UdeM). Il s’agit d’une anomalie au Québec; aucun autre corps professoral universitaire n’a droit à tel traitement», dénonce-t-on dans une lettre ouverte sur Facebook.

Depuis bien des années maintenant, la FAÉCUM dit exhorter l’Université et ses enseignants à corriger la situation, «pour garantir une équité de traitement pour l’ensemble de la communauté».

«Il nous semble tout à fait injustifié que le corps professoral bénéficie d’un traitement privilégié. Pour nombre d’offenses, notamment les violences physiques et à caractère sexuel, l’intimidation et le harcèlement psychologique, il est inconcevable que nos profs soient juges et parties de leur propre processus disciplinaire.» – La FAÉCUM

Au mois de mars dernier, l’adoption d’une nouvelle charte de l’UdeM à l’Assemblée nationale laissait pourtant «entrevoir une ouverture» pour implanter un nouveau processus disciplinaire qui soit équitable et adéquat, ajoute l’association. Mais malgré l’obligation de négociation de bonne foi et la simplicité de la modification demandée, «rien ne bouge», s’indigne le comité exécutif de la FAÉCUM.

La faute attribuée au syndicat
Le Syndicat général des professeurs et des professeures de l’UdeM (SGPUM) tente par tous les moyens, depuis plusieurs mois, d’invoquer «toutes les justifications possibles» pour ralentir le processus de modification du comité disciplinaire, ajoute la fédération. «Le SGPUM justifie ses entraves en brandissant la carte des conditions de travail et des clauses de convention collective. Mais il fait erreur. L’impunité des profs en matière de violences sexuelles n’est pas un gain syndical», lance-t-on.

Résultat : le statu quo persiste, «les plaintes s’accumulent et les étudiants sont forcés dans un processus opaque, dans lequel ils n’ont pas confiance», allègue l’association. Le fait d’abandonner sa plainte devient alors la solution la plus «simple» et la culture du silence «s’enracine» encore plus sur le campus, avance-t-elle.

Le secrétaire général de la FAÉCUM, Matis Allali, a d’ailleurs indiqué à Métro que le nombre de plaintes qui n’aboutissent pas, compte tenu de l’état du système, «se compte certainement dans les dizaines». «Ces chiffres sont confidentiels, mais je peux vous dire que dans les dernières semaines, on a vu beaucoup de gens abandonner leur dénonciation quand ils voient l’ampleur de la chose.»

Il affirme que plusieurs associations étudiantes départementales ont d’ailleurs écrit à la FAÉCUM après la publication de sa lettre ouverte sur les réseaux sociaux.

«Nos associations-membres nous disent vouloir aider, car un peu partout, leurs membres ne portent pas plainte. Ils s’arrêtent, et ça retombe.» -Matis Allali, secrétaire général de la FAÉCUM

Au-delà de son illégitimité, la situation compromettrait même la mise en place d’une politique institutionnelle de prévention des violences sexuelles sur le campus, tel que le veut la loi adoptée par le ministère de l’Enseignement supérieur.

Le syndicat des professeurs, lui, suggère une alternative «soi-disant sans faille» qu’est celle d’un comité indépendant pour juger les plaintes concernant des violences sexuelles. Or, aux yeux de la FAÉCUM, «cette proposition perpétue un traitement opaque des autres types d’offenses, ouvre une brèche dans la confidentialité du processus de plainte et remet en question l’imputabilité disciplinaire de l’université envers les victimes.»

«De quoi notre université et nos profs se protègent-ils ?», demande l’association, soulignant que si leur feuille de route est immaculée, «pourquoi s’opposent-ils à une correction de l’injustice dont ils bénéficient depuis trop longtemps?».

Le syndicat dément l’attaque
Le président du SGPUM, Jean Portugais, s’est dit pour sa part très surpris de cette attaque publique de la FAÉCUM. «Ça fait un an qu’on est un porte-étendard pour élaborer une politique pour le traitement de violences sexuelles, et ce, avec beaucoup de sérieux et de détermination», explique-t-il en entrevue avec Métro.

Selon lui, son groupe syndical a même été à l’avant-garde en développant un position de principe claire sur le sujet, en septembre 2017. «Ce n’est pas vrai que les profs font de l’immobilisme et qu’il y a une impunité. Ils vont très loin, les étudiants. Ils laissent entendre de façon diffamatoire que les profs sont des agresseurs […] Ils nous accusent de tous les malheurs, mais il faut voir l’encadrement juridique autour de négociations.»

«On trouve ça insultant comme sous-entendu. Oui, il y a probablement des professeurs qu’on doit viser, mais il y a des cadres, des membres du personnel, et des étudiants aussi. Et évidemment qu’il faut que tous ces dossiers soient traités équitablement. Les étudiants confondent l’aspect criminel avec l’aspect relations de travail.» – Jean Portugais, président du SGPUM

M. Portugais allègue également que son syndicat n’a pas été impliqué par la direction de l’UdeM jusqu’ici dans la construction d’une politique officielle sur les violences sexuelles. «C’est difficile de nous reprocher quoi que ce soit quand on est exclus du processus. L’Université ne vous dit pas tout, on n’est pas entendus», tranche-t-il.

«Il faudrait cesser ce petit jeu d’accusations mutuelles et discuter ensemble, explique-t-il. Nous aussi, on veut le régler ce problème-là.»

L’UdeM appuie ses étudiants
Jointe par Métro en fin d’après-midi mercredi, la porte-parole de l’institution d’enseignement, Geneviève O’Meara, dit soutenir l’association dans ses efforts. «On ne peut qu’être d’accord avec leur demande, indique-t-elle. Ils ont tout à fait raison de vouloir un procédé plus équitable.»

Selon ses informations, l’établissement n’était pas autorisé à effectuer quelconque changement à ses processus disciplinaires avant que sa nouvelle charte ne soit approuvée, ce qui est fait en date d’aujourd’hui. Elle affirme que l’UdeM a invité «à maintes reprises» le SGPUM à négocier pour arriver à une entente sur ce comité disciplinaire.

«Le syndicat n’en démord pas et fait du processus disciplinaire un enjeu de négociations en lien avec sa nouvelle convention collective. Cela fait que, malheureusement, on n’arrive pas à trouver d’entente.» -Geneviève O’Meara

Aux dires de la porte-parole, le système disciplinaire de l’UdeM fonctionne actuellement «à deux vitesses», entre professeurs et le reste du personnel. «Ce n’est pas des bonnes pratiques, les étudiants ont raison, renchérit-elle. Et c’est pour ça notamment qu’on a voulu modifier notre charte.»

Seule université québécoise où le processus disciplinaire est composé uniquement de professeurs et de pairs à l’heure actuelle, l’institution montréalaise «veut elle aussi que ça change au plus vite», assure Mme O’Meara.

Dans un communiqué publié en fin de journée mercredi, l’UdeM dément les accusations du syndicat et assure avoir respecté le processus prévu par la loi 151. «[On] a invité le SGPUM aux consultations sur sa politique qui auront lieu dans les prochaines semaines. L’invitation a été lancée au même moment à tous les syndicats et associations.»

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