La fonction publique est le parent pauvre de l’équité salariale, tranche l’IRIS
L’équité salariale est loin d’être parfaite dans la fonction publique québécoise, d’après une étude de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) rendue publique mercredi.
Composé à 72% de femmes qui œuvrent dans les milieux de la santé, les services sociaux et de l’éducation, la fonction publique québécoise gagne jusqu’à 24% de moins que les salariés des entreprises publiques comme Hydro-Québec, plaide le chercheur à l’IRIS François Desrochers. Ce dernier précise que l’administration québécoise «a le plus haut taux de ségrégation professionnelle sexuée sur le marché de l’emploi».
«Telle qu’elle a été écrite en 1996, la Loi sur l’équité salariale permet de faire une comparaison entre les employés de sexe opposé à l’intérieur d’une même entreprise, mais pas entre des secteurs qui sont déjà ségrégés, explique à Métro l’auteur de l’étude. On n’a jamais fait de lien entre ce phénomène-là et les écarts de rémunération des différents domaines.»
L’IRIS appelle dans le rapport à une réforme de la loi, qui ne suffit pas d’après l’organisme à corriger cette forme de «discrimination systémique fondée sur le sexe».
«Il faut régler ce problème qu’on a laissé dégénérer ces dernières années. Plusieurs articles de la loi sont à changer. Ce serait à la partie patronale et syndicale de s’entendre sur de nouvelles marches à suivre, pour qu’il y ait une vraie comparaison entre le service public et les autres.» -François Desrochers
Pour entamer un rattrapage salarial de la fonction publique, l’auteur de l’étude évalue «à quelque 7,3 G$» l’investissement gouvernemental devant être injecté sur le marché, «dont 5,9 G$ en salaires». Une telle décision «réduirait de 35% l’écart général du salaire horaire moyen entre les hommes et les femmes au Québec», écrit François Desrochers dans son étude.
Les limites de la loi
Jointe par Métro, la directrice de l’Institut Femmes, Sociétés, Égalité et Équité (IFSEE) de l’Université Laval, Hélène Lee-Gosselin, abonde relativement dans le même sens.
«Il y a un consensus comme quoi la loi est imparfaite. On sait tous qu’elle a ses limites, avance l’experte en équité d’emploi. Même dans des domaines où les femmes sont surreprésentées jusqu’à 90%, on voit que les hommes gagnent plus, puisqu’ils occupent souvent les postes de gestion ou de cadre.»
«Ce qu’il faut se demander, c’est si vraiment les opportunités d’accéder à ces postes d’encadrement sont également offertes aux femmes, ou si au contraire le fait que les hommes, concentrés dans le rôle de décideurs, ont un biais en faveur de personnes qui leur ressemblent», renchérit Mme Lee-Gosselin.
Celle qui a joué un rôle de premier plan sur le comité de création de la Loi sur l’équité salariale, en 1996, estime que le cadre légal était bel et bien novateur et progressiste lorsqu’il a été mis sur pied, «mais que le Québec a appris ses limites en l’appliquant».
«Une grande faiblesse de la loi, c’est qu’elle ne tient pas en compte l’équité en emploi. Si moi j’estime avoir été victime de discrimination pour une opportunité, je peux porter plainte, mais peu de gens le font, à cause du poids du fardeau de la preuve.» -Hélène Lee-Gosselin
Un amendement
Mardi, à l’Assemblée nationale, le ministre du Travail Jean Boulet a déposé un projet de loi modifiant la Loi sur l’équité salariale avec comme principal objectif d’adopter une position «remédiatrice» et rétroactive.
«Quand les employeurs vont faire leur exercice de maintien de l’équité, ils vont devoir préciser la nature et la date de l’événement qui a créé [les inégalités], a expliqué le député de Trois-Rivières. Ensuite, il leur faudra payer les écarts [salariaux] qui ont été accumulés dans la période précédente, sur cinq ans.»
Le ministre estime que plus de 35 000 entreprises sont visées par cet amendement au Québec, incluant la fonction publique, et affirme que les coûts moyens de cette rétroactivité atteindront 565,6 M$ en moyenne. «Ça représente 0,35% de la masse salariale des groupes concernés […] C’est un montant important, mais en même temps c’est un montant qui doit être assumé pour respecter des obligations fondamentales», a insisté M. Boulet.
Appelé à réagir, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a dit s’inquiéter de «la complexité du processus et de la lourdeur administrative» de l’exercice de maintien rétroactif. Ce dernier représentera selon le président du CPQ, Yves-Thomas Dorval, «des coûts inhérents importants» pour les entreprises.
Plaidant pour plus de «souplesse», M. Dorval a dit vouloir que les processus «soient allégés et clarifiés pour que le maintien de l’équité s’inscrive dans la pratique courante de la gestion des ressources humaines».