Îlots de chaleur: le manque d’arbres affecte surtout les quartiers défavorisés
Alors que le nombre de vagues de chaleur en été pourrait augmenter à Montréal dans les prochaines années, une chercheuse universitaire exhorte la Ville à planter plus d’arbres dans les quartiers défavorisés, où le manque d’espaces verts a des répercussions sur la qualité de vie des citoyens.
«Nous devons nous assurer que quand nous organisons la plantation d’arbres, nous le faisons en sachant que l’accès à des arbres ou à des espaces verts est encore plus important quand on n’a pas l’argent pour se rafraîchir autrement», a déclaré à Métro Carly Ziter, professeure adjointe en biologie à l’Université Concordia.
Cette dernière a collaboré à une étude universitaire publiée récemment qui porte sur le rôle des arbres dans la lutte aux îlots de chaleur.
Dans le cadre de cette recherche, Mme Ziter a sillonné pendant l’été 2016 la ville de Madison, dans l’État du Wisconsin, sur un vélo muni d’un censeur afin de capter les variations de température dans les différents secteurs de cette ville d’environ 255 000 habitants.
Principal constat: les arbres peuvent réduire considérablement la température en été, à condition qu’ils couvrent plus de 40% du territoire.
«Si vous regardiez la ville du haut des airs, vous voudriez que presque la moitié du territoire soit recouvert d’arbres», a-t-elle illustré.
«Il faut vraiment une grande concentration d’arbres pour que la température diminue significativement à un endroit.» -Carly Ziter
Plus d’arbres «au bon endroit»
D’ici 2025, la Ville s’est engagée à faire passer le taux de canopée sur le territoire de l’île de Montréal de 20 à 25%, ce qui représente la plantation de plusieurs centaines de milliers d’arbres. Or, il ne faut pas seulement ajouter des arbres, mais également les planter au bon endroit, a noté l’experte, qui estime que le manque de végétation affecte particulièrement les quartiers densément peuplés et défavorisés de la métropole.
«Montréal, généralement, fait bien en matière de couverture d’arbres, mais c’est vraiment important que nous ayons des arbres où les gens vivent et travaillent, et pas seulement dans les parcs et sur le mont Royal», a renchéri la professeure adjointe, qui souligne que les vagues de chaleur en été «deviennent vraiment communes à Montréal» en raison des changements climatiques.
Un constat que partage le responsable des campagnes espaces verts et milieux naturels au Conseil régional de l’environnement (CRE) de Montréal, Emmanuel Rondia.
«Quand on superpose les cartes d’îlots de chaleur et de défavorisation, souvent on voit une concordance entre les deux. Les loyers peuvent être moins élevés parce qu’il n’y a pas d’arbres et qu’il y a moins d’accès à un parc, donc les populations à plus faible revenu s’y installent», a-t-il remarqué, citant en exemple les arrondissements de Montréal-Nord, d’Anjou et de Saint-Léonard.
Selon l’Institut national de santé publique du Québec, les îlots de chaleur, en plus de contribuer à la formation de smog, nuisent à la santé des résidants en créant des inconforts, des coups de chaleur, voire des «troubles de conscience».
«Avec les changements climatiques, nous savons que les vagues de chaleur vont devenir plus communes. Donc, nous devons agir maintenant pour que dans le futur, quand nous serons plus exposés à la chaleur, nous aurons la canopée suffisante pour y faire face.» -Carly Ziter
Protéger les arbres
Depuis 2016, la Ville de Montréal a dépensé plus de 20 M$ pour sauver 50 000 arbres menacés par l’agrile du frêne et prévoit continuer d’investir des sommes colossales pour lutter contre cet insecte ravageur dans les prochaines années.
D’après Mme Ziter, la Ville devrait «penser à avoir une diversité d’arbres» afin d’avoir «une forêt urbaine plus résiliante à l’avenir». Sur la rue Sainte-Catherine, par exemple, on ne retrouve principalement que deux espèces d’arbres.
«L’arbre est beaucoup considéré comme du mobilier urbain. Le simple fait d’attacher son vélo sur un arbre peut nuire à sa croissance. Il y a du vandalisme aussi», a pour sa part déploré Emmanuel Rondia, soulignant que de nombreux feuillus plantés sur le domaine public à Montréal n’atteignent jamais leur pleine maturité en raison de tels comportements.
«Il faudrait s’assurer qu’il y ait plus de supports à vélo disponibles dans les endroits très achalandés pour éviter que des gens attachent leur vélo sur des arbres. Il peut y avoir des grillages ou d’autres structures pour protéger surtout le pied de l’arbre quand il est plus jeune», a-t-il proposé.
La Ville n’a pas commenté.