La spéculation immobilière fait gonfler la facture du réaménagement de Griffintown
La facture du réaménagement de Griffintown sera plus élevée que prévu alors que la Ville de Montréal devra débloquer 90M$ supplémentaires pour aménager des espaces verts dans ce quartier qui connait un véritable boom immobilier.
Le comité exécutif a voté mercredi deux avis d’emprunt totalisant 90M$ afin de combler un manque de fonds pour réaliser un vaste projet d’aménagement de parcs et de places publiques dans ce quartier du Sud-Ouest et dont la facture totale s’élève maintenant à 309M$.
Si la facture de l’ensemble du projet a ainsi gonflé, c’est entre autres parce que la valeur des terrains dans Griffintown a bondi depuis que la Ville a changé, en 2008, le zonage du secteur, le faisant passer d’industriel à résidentiel. Une décision qui a permis à ce quartier, auparavant dévalorisé, de se métamorphoser en un secteur hautement densifié.
«Les promoteurs ont été plus vite que la Ville pour convertir l’espace», a soulevé à Métro le professeur à la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche.
Un constat que partage le président du comité exécutif, Benoit Dorais.
«Ça a créé encore plus de spéculation, donc c’est sûr que ça tombe sous le sens que [les expropriations] allaient coûter très cher à Montréal», a reconnu l’élu, qui a déploré le manque de prévoyance de l’ancien maire Gérald Tremblay, qui avait alors pris cette décision sans réserver des terrains pour la réalisation d’espaces verts.
Selon M. Meloche, au lieu de donner libre cours aux promoteurs immobiliers dans ce secteur, la Ville aurait dû «négocier en amont» avec les «grand propriétaires» pour exiger d’eux qu’ils incluent l’aménagement d’espaces verts dans leurs projets immobiliers. Prise de court, la Ville s’est retrouvée dans les dernières années à devoir acheter à fort prix des terrains dont la valeur a grimpé rapidement en raison de la spéculation immobilière.
M. Dorais, également maire de l’arrondissement du Sud-Ouest, affirme que la Ville a appris des erreurs de planification des administrations précédentes. Il s’est montré ouvert à la possibilité de forcer des promoteurs immobiliers à intégrer des espaces verts à leurs projets.
«On n’est pas fermé [à l’idée], mais il faut voir comment on pourrait faire ça», a-t-il dit.
Parcs et logements sociaux
D’ici 2023, de vastes espaces verts, comprenant notamment des aires de jeux pour enfants, seront aménagés dans ce quartier, situé à proximité du centre-ville et du canal de Lachine, sur des terrains acquis et décontaminés par la Ville.
«Ce qu’il y a de nouveau, c’est vraiment l’ajout d’une patinoire réfrigérée [sur ce site]», a noté M. Dorais au sujet de la nouvelle version du projet, mis à jour par son administration.
Le «projet Griffintown», d’une superficie de 840 000m2, prévoit également la construction de 15 000 unités résidentielles d’ici 2030, dont 1200 logements sociaux et communautaires, indiquent des documents décisionnels du comité exécutif.
Les avis d’emprunt adoptés mercredi par le comité exécutif seront soumis à la mi-juin aux élus du conseil municipal, puis devraient être approuvés par Québec en septembre.
École primaire
Bien qu’elle salue les efforts réalisés par la Ville pour «faire de ce quartier un endroit où il fait bon vivre», la commissaire indépendante de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) dans ce secteur, Violaine Cousineau, déplore l’absence d’une école primaire dans Griffintown.
«On aura beau faire tous les parcs qu’on veut, tant qu’il n’y aura pas une école, on va avoir un milieu dévitalisé», a-t-elle déclaré, soulevant l’«urgence» qu’un tel établissement voit le jour dans Griffintown.
«On aurait dû à l’époque du développement de Griffintown penser à créer une école, mais il n’y avait pas eu de réelle consultation […] Il aurait fallu s’en occuper il y a 10 ans» -Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM
La CSDM déposera en août ses demandes annuelles au ministère de l’Éducation du Québec. Une liste d’épicerie qui comprendra deux soumissions de différents promoteurs reçues en décembre par la commission scolaire à la suite du lancement d’un avis d’intérêt portant sur la recherche de terrains pour construire une école primaire dans ce quartier.
«Ce n’est pas demain la veille qu’on va avoir une école», a toutefois prévenu Mme Cousineau, qui a noté que si Québec accepte cette demande, la construction de cette école ne sera pas complétée avant «trois ou cinq ans».