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Les troubles de personnalité encore trop stigmatisés

Les troubles de la personnalité sont encore très stigmatisés. Photo: Christopher Furlong/Getty Images

Les personnes vivant avec un trouble de la personnalité font partie des groupes les plus stigmatisés recevant des services de santé mentale. Afin de mettre cette réalité en lumière, deux intervenants du deuxième Colloque francophone sur les troubles de la personnalité organisé par le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal témoignent.

Jessica Sarraf, patiente partenaire et coanimatrice de l’événement, a un diagnostic de trouble de la personnalité limite depuis plusieurs années. Une condition parfois incomprise, qui est trop souvent minimisée à l’image «sexe, drogue et rock’n’roll», déplore-t-elle.

Sa réalité est pourtant bien loin de ce cliché. Elle témoigne plutôt vivre beaucoup de problèmes d’anxiété et avoir des difficultés à construire des relations avec les gens. «C’est comme si tout le monde dans leurs émotions était à moins 1 ou plus 1. Nous, on est à moins 50 ou plus 50», illustre-t-elle.

Son enfance difficile durant la guerre au Liban et la perte de ses parents l’ont amenée il y a plusieurs années à chercher de l’aide psychologique, sans succès. Elle relate avoir tenté de consulter un psychologue, qui lui aurait dit ne pas être outillé pour l’aider.

«Malheureusement, c’est souvent quand on est rendu à une tentative de suicide, des choses graves, qu’on se fait rattraper par le système», déplore-t-elle.

C’est en effet en 2012 que tout a basculé. Après avoir fait une psychose et perdu son conjoint dans une tentative de suicide en couple à laquelle elle a survécu, elle a finalement été prise en charge à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM).

Le rétablissement est possible

Pierre David, psychiatre et chef du Programme des troubles relationnels et de la personnalité à l’IUSMM, trouve dommage que les troubles de la personnalité soient encore trop stigmatisés au sein de la communauté médicale. Une situation qu’il attribue en partie aux comportements impulsifs des patients, qui vont souvent «trop solliciter les enjeux affectifs» chez les intervenants.

«Ils sont inconstants, instables dans leur façon de demander de l’aide. Ça amène les équipes de soin à être prises au dépourvu et se sentir un peu impuissantes, car ils veulent aider.»

Heureusement, après près de 30 ans de pratique, il observe que les conceptions et connaissances sur ces troubles connaissent des avancées.

«Historiquement, quand on donnait un diagnostic de trouble de la personnalité, on l’associait avec une idée qu’il n’y avait pas d’amélioration possible.» Aujourd’hui, il évalue que des traitements thérapeutiques permettent la perte du diagnostic du trouble de personnalité après environ deux ans à environ 75 à 80%. À condition de réussir à accrocher le patient dans le processus de traitement, ce qui n’est pas toujours évident.

Un rétablissement que connaît Jessica, qui n’a plus recours à la thérapie ou la médication. Bien que le cheminement soit parsemé de moments difficiles, elle s’appuie sur les stratégies développées en thérapie de groupe. Le fait de s’impliquer dans plusieurs activités, notamment comme patiente partenaire et dans l’initiative Pratiques théâtrales inclusives, une collaboration entre l’IIUSMM et le Théâtre du Nouveau Monde, l’ont aussi beaucoup aidé.

«C’est des projets qui m’ont aidé à extérioriser, dédramatiser. Parler de suicide, participer aux recherches et être active en tant que patiente partenaire m’a sortie de ma torpeur.»

Chercher de l’aide

Soutenant que l’aide psychologique est nécessaire au bon rétablissement, M. David déplore que l’attente pour des services soutenus pour les troubles de personnalité soit encore beaucoup trop longue. Il souhaite d’ailleurs conscientiser aux besoins de financement pour le «parent pauvre» de la santé mentale.

Ces troubles génèrent pourtant des enjeux de santé publique importants. Par exemple, les hauts taux de suicide chez les personnes avec un trouble de la personnalité diminuent de plusieurs années leur espérance de vie en comparaison à la population en générale.

Malgré tout, il rappelle que des services d’urgence sont disponibles en tout temps et encourage à chercher de l’aide le plus tôt possible. Pour sa part, Mme Sarraf souhaite utiliser sa propre expérience pour sensibiliser les gens à chercher de l’aide, malgré les obstacles.

«Allez chercher de l’aide. Même si c’est difficile, ne lâchez pas le morceau. »


Si vous ou une personne dans votre entourage avez besoin d’aide, vous pouvez appeler Suicide Action Montréal au 1 866 APPELLE. Des intervenants sont disponibles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept pour vous aider.

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