Tristesse, colère… quelles émotions provoquent les politiciens sur Facebook?
Si on observe la quantité de réactions provoquées par les élus et des candidats fédéraux sur Facebook, le premier ministre sortant Justin Trudeau rivalise avec un politicien non élu: Maxime Bernier. Pour cette troisième et dernière analyse de la campagne électorale fédérale sur les réseaux sociaux*, nous avons inclus tous les candidat.e.s qui ont une page Facebook officielle dans nos données.
Par Jean-Hugues Roy
C’est ainsi que le chef du Parti populaire, non élu aux Communes, a été ajouté avec tous les candidats des quatre principaux partis dont la page était accessible au moment où la liste des candidats devait être publiée par Élections Canada. Non seulement Maxime Bernier est le politicien qui publie le plus frénétiquement dans Facebook (1815 posts depuis le début de l’année, soit neuf fois plus que la moyenne des autres candidats ou élus), mais il génère plus d’interactions dans Facebook que tous les autres politiciens réunis, à l’exception de Justin Trudeau, qui demeure loin devant tout le monde (Graphique 1).
Quand on examine le type d’interactions générées par les candidats dans Facebook (likes, partages, commentaires, etc.), Justin Trudeau domine partout, sauf pour ce qui est de la colère (Graphique 2). Alors qu’en moyenne, chaque publication d’un politicien a suscité 7 réactions de colère, celles de Maxime Bernier en ont provoqué 93 chacune depuis le début de l’année!
Maxime Bernier est, de loin, le politicien québécois qui carbure le plus à cette émotion. Sa publication du 8 mai, par exemple, a généré à elle seule près de 2000 petits bonhommes fâchés. Il y dénonce l’arrestation d’Artur Pawlowski, un pasteur de Calgary qui avait organisé une manifestation en opposition aux mesures sanitaires en Alberta.
Tristesse etc.
L’attentat de juin qui a coûté la vie à quatre membres de la famille Afzaal, à London, en Ontario, a suscité beaucoup de réactions de tristesse dans les publications des élus du Québec. Hormis celle du premier ministre, c’est la publication du député bloquiste de Longueuil–Saint-Hubert, Denis Trudel, qui a engendré le plus de réactions de tristesse. Les commentateurs du ROC qui blâmaient les lois du Québec pour cette tragédie peuvent mettre ça dans leur pipe…
Le politicien qui a provoqué le plus de commentaires dans une publication Facebook (si on fait abstraction de Justin et de Maxime, ici), est l’inénarrable député conservateur Bernard Généreux. Le 23 avril, son équipe lui souhaitait bon anniversaire, ce qui a déclenché un déluge de «Bonne fête» et de GIF de gâteaux ou de feux d’artifice dans les commentaires sous la publication. M. Généreux, en bon politicien 2.0, a répondu à chacun de ces quelque 1000 souhaits!
Les graphiques 3 et 4 montrent la répartition des quelque 17,5 millions d’interactions engendrées par les publications des politiciens fédéraux au Québec en 2021. Les «j’aime» sont, de beaucoup, la réaction la plus souvent utilisée pour réagir à ces contenus. Les Québécois cliquent sur le p’tit cœur aussi souvent qu’ils laissent un commentaire et ils ont partagé plus d’un million de fois les publications de ces hommes et femmes politiques.
Les autres types de réactions sont beaucoup moins fréquents (Graphique 4). Mais il est étonnant de constater que la réaction de «solidarité» (l’espèce de Calinours à droite) s’est rapidement imposée au Québec, même si cet émoji n’est apparu qu’en avril 2020 sur Facebook, dans la foulée de la pandémie de COVID-19.
Justin fait du Facebook-bombing
Si on excepte le chef libéral, c’est la députée sortante d’Hochelaga, Soraya Martinez Ferrada, qui a obtenu le plus de «j’aime» pour une publication. C’était le 28 mai. Mme Martinez Ferrada racontait que le premier ministre l’avait accompagnée au cours d’une présentation en ligne sur l’Allocation canadienne pour enfants. Sauf que… quand on examine la publication de plus près, on se rend compte que Justin Trudeau a volé la vedette à sa députée, puisque son commentaire a engendré plus de réactions que le post de Mme Martinez lui-même.
«Mecsplications»?
Dans les 150 politiciens de notre corpus, on compte 60 femmes contre 90 hommes. Les candidates font une utilisation plus modérée du réseau social, avec en moyenne 180 publications chacune depuis le début de l’année, alors que chaque candidat masculin en a publié près de 230. Cela dit, les hommes diffusent généralement des messages plus courts (122 mots, contre 136 en moyenne chez les femmes). Mais on remarque des proportions inverses dans deux partis politiques. Chez les conservateurs et les néodémocrates, ce sont les hommes qui diffusent les messages les plus longs. Tendance à la «mecsplication» (manplaining)? Quoi qu’il en soit, la palme du message Facebook le plus long qui ne cite pas un autre message est cette interminable tartine du député de Mont-Royal, Anthony Housefather. Publiée le 8 avril, elle fait l’éloge du gouvernement qui a atteint ses objectifs de vaccination et qui… et qui… zzzz…
* Méthodologie
À partir des sites Web des partis libéral et conservateur, du NPD et du Bloc québécois, nous avons enregistré les pages Facebook officielles de tous les candidats qui en avaient une (150) après le 1er septembre, jour où Élections Canada a publié la liste officielle des candidats. Nous avons ensuite téléchargé toutes les 31 394 publications de ces candidats entre le 1er janvier et le 11 septembre 2021.