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«Une seule santé»: dans la prévention et la préparation aux pandémies

Photo: iStock
Hélène Carabin and Caroline Kilsdonk - La Conversation

Ce n’est pas la première fois que l’on parle d’échanges d’agents infectieux entre humains et animaux. L’origine de la pandémie de COVID-19, sur le marché aux fruits de mer de Huanan, situé à Wuhan en Chine, est un exemple parmi d’autres illustrant la possibilité de transmission de maladies entre l’homme et l’animal. Il s’agit de la conséquence de l’approche « Une seule santé », reposant sur l’idée que la santé humaine et la santé animale sont interdépendantes et liées à la santé des écosystèmes, dans lesquels elles coexistent. Qu’elle est l’importance de l’approche «Une seule santé» dans la prévention et la préparation aux pandémies?


ANALYSE – Nous savons depuis longtemps que les animaux et les humains cohabitent dans des environnements communs qui influencent leur santé mutuelle. Ce concept, baptisé «Une seule santé» au début des années 2000, met en lumière l’interconnexion et l’interdépendance des animaux, des humains et des écosystèmes.

Dans certains cas, ces environnements communs sont l’occasion d’échanges d’agents infectieux entre espèces. Les zoonoses sont des maladies qui se transmettent de l’animal à l’humain ou vice-versa ; de nombreux agents infectieux ont en effet la capacité de s’adapter à un nouvel hôte.

D’importants changements dans notre écosystème planétaire (urbanisation, croissance démographique, intensification de l’agriculture, etc.) modifient les interactions entre animaux, humains et environnement, ce qui favorise l’émergence de nouvelles zoonoses. Ainsi, environ les trois quarts des maladies infectieuses émergentes des humains sont d’origine animale.

L’origine animale de la pandémie de Covid-19 n’est pas une certitude, mais sa nature zoonotique est bien connue. Elle nous a forcés à prendre collectivement conscience que la santé humaine n’est pas indépendante de la santé des animaux (domestiques et de la faune) et de notre environnement partagé. Il n’y a qu’une seule santé, celle de tous les organismes vivants faisant partie d’un écosystème planétaire, qui, lorsque modifié, nous met tous à risque de futures pandémies.

Je suis la coauteure séniore d’une note d’orientation soumise avec la proposition du Traité des pandémies et qui explique le rôle central qu’une approche «Une seule santé» – ou «One Health» (OH) – orientée vers l’équité pourrait jouer dans la prévention et la préparation aux pandémies.

Collaboration à l’échelle mondiale

On reconnaît de plus en plus que certaines lacunes, comme un manque d’échanges d’information entre secteurs, dans les gouvernances locales, nationales et mondiale contribuent à l’émergence et la réémergence des maladies d’origine animale. Une vaste collaboration est en marche pour y remédier depuis déjà quelques années.

Une collaboration tripartite pour l’approche «Une seule santé» a été créée entre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), à laquelle s’ajoute le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il s’agit de l’une des initiatives de haut niveau les plus susceptibles de consolider l’adoption de l’approche «Une seule santé» dans les programmes et politiques de santé pour tous les êtres vivants et de pérennité au niveau mondial.

D’abord développée pour contrer le développement de résistances aux antimicrobiens, la collaboration publiait un guide pour le contrôle des zoonoses, et ce, avant l’émergence de la pandémie de Covid-19.

Cette nouvelle collaboration a donné lieu à la création d’un groupe d’experts de haut niveau sur l’approche «Une seule santé» (OHHLEP) qui a publié, le premier décembre, une nouvelle définition de cette approche.

Nouvelle définition de l’approche «Une seule santé»

La nouvelle définition de l’approche précise qu’elle est intégrée et globale, et vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes.

Elle reconnaît qu’on ne peut considérer de manière isolée la santé des êtres humains, des animaux domestiques et sauvages, des plantes et de l’environnement.

L’approche doit impliquer de multiples secteurs, disciplines et communautés à différents niveaux de la société.

Les objectifs communs sont de lutter contre les menaces qui pèsent sur la santé et les écosystèmes, travailler ensemble à la promotion du bien-être et agir sur les changements climatiques. Ce faisant, il faut répondre aux besoins collectifs en matière d’eau potable, d’énergie, d’air pur et d’aliments nutritifs.

«Une seule santé», part essentielle du traité sur les pandémies

L’OMS s’est mobilisée en présentant une proposition pour la mise en place d’un traité sur les pandémies lors d’une séance extraordinaire de la WHA (World Health Assembly) tenue du 29 novembre au 1er décembre 2021.

La WHA est l’organe décisionnel de l’OMS. Un traité est un instrument juridiquement contraignant en vertu du droit international. Un traité international sur les pandémies permettrait aux pays membres de l’OMS de renforcer les capacités nationales, régionales et mondiales et la résilience face à de futures pandémies, par l’amélioration de la prévention, de la surveillance, des mécanismes d’alerte et les réactions.

Mes coauteurs et moi avons constaté l’intégration limitée des principes « Une seule santé » dans les traités et les réglementations internationaux actuels et recommandons son intégration dans un futur traité sur les pandémies. Nous expliquons aussi comment cela permettrait de compléter et renforcer la connectivité (l’agilité à faire des liens, communiquer et se coordonner) entre les accords internationaux existants. Nous recommandons le développement et la mise en place d’une échelle universelle pour l’évaluation de la mise en place de l’approche « Une seule santé » et de son succès.

L’inclusion de «Une seule santé» dans un traité sur les pandémies contribuera à garantir la collaboration inter/transdisciplinaire et multi/intersectorielle. Elle nécessitera des engagements forts en faveur de la création et le partage de connaissances avec du soutien de la part de la communauté internationale.

Nous recommandons aussi la création d’une structure mondiale permanente afin d’en assurer le financement et la mise en œuvre, un peu comme cela a été fait pour la biodiversité et contre les changements climatiques.

Un traité sur les pandémies intégrant «Une seule santé» permettrait de faire progresser la prévention et la préparation aux pandémies et la santé humaine, animale et environnementale. Il contribuerait à la protection de la biodiversité et permettrait aussi de réduire les activités à risque et générerait d’importantes économies tant monétaires qu’en vies humaines et animales.

Lors de son discours de clôture de l’assemblée spéciale, le 1er décembre, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, a dit: «Nous sommes une humanité. Nous avons une planète. Nous avons une santé.»

Un traité intégrant l’importance de l’approche «Une seule santé» dans la prévention et la préparation à de futures pandémies à tous les niveaux de gouvernement, dans la recherche, ainsi que dans l’organisation des interventions est une grande étape à l’échelle planétaire.

Et le Canada?

Le Canada a déjà un réseau interdisciplinaire de recherche-action appelé Global 1HN. Il vise à renforcer le leadership canadien dans l’amélioration de la gouvernance mondiale des maladies infectieuses et de la résistance aux antimicrobiens.

L’adhésion du Canada à un traité sur les pandémies intégrant l’approche «Une seule santé» s’avère être un essentiel pas de plus dans la bonne direction pour protéger non seulement la santé des Canadiens, mais aussi celle des êtres vivants qui les entourent et pour influencer la gouvernance mondiale.

Hélène Carabin, Canada Research Chair and Full Professor, Epidemiology and One Health, Université de Montréal and Caroline Kilsdonk, conseillère de recherche, Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique, Université de Montréal

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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