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Ô Canada: une histoire de controverses

Drapeau du Canada
Photo: Archives Métro

L’interprétation qu’a faite Jully Black de l’Ô Canada lors du match des étoiles de la National Basketball League (NBA), le mois dernier, en a fait réagir plus d’un. Au lieu de chanter «Our home and native land» (Notre patrie et pays natal), la chanteuse canadienne avait entonné «Our home on native land» (Notre patrie en terre autochtone).

La chanteuse a notamment partagé sur Twitter le message haineux qu’elle a reçu à la suite de sa performance.

Mais si ce changement impromptu a lancé tout un débat au pays, il faut se rappeler que ce n’est pas la première fois que nos compatriotes anglophones s’entredéchirent sur l’hymne national.

Composée en 1880 par Calixa Lavallée (musique) et le juge Adolphe-Basile Routhier (paroles), l’Ô Canada a d’abord été un hymne pour les Canadiens français. Il comporte quatre strophes (ou couplets), mais seulement la première a été conservée dans la version officielle que l’on connaît aujourd’hui:

Ô Canada! Terre de nos aïeux,
Ton front est ceint de fleurons glorieux!
Car ton bras sait porter l’épée,
Il sait porter la croix!


Ton histoire est une épopée
Des plus brillants exploits.
Et ta valeur, de foi trempée,


Protègera nos foyers et nos droits.
Protègera nos foyers et nos droits.

La version originale comptait trois versets additionnels, où le christianisme tenait une place importante, dans le contexte historique d’un Québec pré-révolution tranquille.

Sous l’œil de Dieu, près du fleuve géant,
Le Canadien grandit en espérant.
Il est d’une race fière,
Béni fut son berceau.
Le ciel a marqué sa carrière
Dans ce monde nouveau.
Toujours guidé par sa lumière,
Il gardera l’honneur de son drapeau,
Il gardera l’honneur de son drapeau.


De son patron, précurseur du vrai Dieu,
Il porte au front l’auréole de feu.
Ennemi de la tyrannie Mais plein de loyauté.
Il veut garder dans l’harmonie,
Sa fière liberté;
Et par l’effort de son génie,
Sur notre sol asseoir la vérité.
Sur notre sol asseoir la vérité.


Amour sacré du trône et de l’autel,
Remplis nos cœurs de ton souffle immortel!
Parmi les races étrangères,
Notre guide est la loi;
Sachons être un peuple de frères,
Sous le joug de la foi.
Et répétons, comme nos pères
Le cri vainqueur : Pour le Christ et le roi,
Le cri vainqueur : Pour le Christ et le roi.

Si les paroles sont par la suite demeurées inchangées, ce fut une toute autre histoire pour la version anglaise.

Des paroles qui divisent

Il faut attendre 1901 pour que l’hymne composé en 1880 ne soit entendu au Canada anglais. Selon l’Encyclopédie canadienne, la première version anglophone de l’Ô Canada est une transcription littérale de deux couplets sur quatre de la version française, par Thomas B. Richardson.

Cette version ne recevra pas un accueil chaleureux. Le magazine Collier’s Weekly organisera alors un concours pour trouver des paroles acceptables. Quelque 350 versions seront soumises et c’est celle d’un dénommé Mercy E. Powell McCulloch, qui sera désignée gagnante en août 1909.

Malgré tout, cette version ne remportera pas non plus la faveur populaire. De nombreuses autres versions seront écrites dans les années qui suivent, dont celle du poète Wilfred Campbell et celle du critique Augustus Bridle. Ewing Buchan, un directeur de banque de Vancouver, en écrira une autre, dont la popularité sera importante en Colombie-Britannique, vraisemblablement aidée par la promotion que lui fait le Vancouver Club.

Version officielle

C’est cependant la version de Robert Stanley Weir, un avocat et greffier, qui sera par la suite juge à la Ville de Montréal, qui passera à l’histoire comme la version officielle. Voici la version originale de Robert Stanley Weir:

Ô Canada! Our home and native land!
True patriot love thou dost in us command.
We see thee rising fair, dear land,
The True North, strong and free;
And stand on guard, Ô Canada,

We stand on guard for thee.


Ô Canada! Ô Canada!Ô Canada! We stand on guard for thee.
Ô Canada! We stand on guard for thee.


Ô Canada! Where pines and maples grow,
Great prairies spread and lordly rivers flow,
How dear to us thy broad domain,
From East to Western Sea;
Thou land of hope for all who toil!
Thou True North, strong and free!
(Refrain)


Ô Canada! Beneath thy shining skies
May stalwart sons and gentle maidens rise,
To keep thee steadfast through the years,
From East to Western Sea.
Our own beloved native land,
Our True North, strong and free!
(Refrain)


Ruler Supreme, Who hearest humble prayer,
Hold our dominion within Thy loving care.
Help us to find, O God, in Thee,
A lasting, rich reward,
As waiting for the Better Day
We ever stand on guard. 
(Refrain)

Cette version de l’Ô Canada a été écrite en 1908 à l’occasion du 300e anniversaire de la fondation de Québec et a été arrangée par George Alfred Grant-Schafer, Mais même cette version officielle subira de nombreux changements, notamment en 1913, 1914 et 1916.

Toujours selon l’Encyclopédie canadienne, la ligne originale «True patriot love thou dost in us command» sera changée pour «True patriot love in all thy sons command.» 

Dans cette ligne originale, le mot «thou», est en fait un pronom d’un sujet à la deuxième personne du singulier, qui fait référence au Canada. On ignore pourquoi ce changement a été apporté, mais il est permis de spéculer que ce pourrait être en raison du patriotisme lié à la Première Guerre mondiale, durant laquelle l’enrôlement était strictement réservé aux hommes.

Modifications et débats

D’autres modifications mineures ont été apportées aux paroles de Robert Stanley Weir après qu’elles eurent été largement publiées, en 1927. Dans les années 1950, un débat concernant le caractère «discriminatoire» de l’hymne, notamment l’utilisation du terme «thy sons» (tes fils), commence entre autres à émerger.

Après son adoption comme hymne officiel, en 1980, de nombreuses propositions ont été faites pour changer les paroles de l’Ô Canada. En 1990, le conseil municipal de Toronto avait voté en faveur de recommander à Ottawa de remplacer les mots «our home and native land» par «our home and cherished land» (notre patrie et pays chéri), afin de ne pas aliéner les Canadiens nés à l’extérieur du pays.

En 2016, un projet de loi pour modifier les paroles «in all thy sons command» par «in all of us command» est approuvé par la Chambre des Communes, mais il faut sept débats séparés au Sénat avant que le projet de loi ne soit finalement approuvé, le 31 janvier 2018. Tous les sénateurs conservateurs ont cependant boycotté le vote final.

En français svp!

Le contact le plus fréquent que la plupart des Canadiens ont avec leur hymne national est probablement son interprétation avant chaque match de hockey diffusé à la télévision, lorsqu’une équipe canadienne est de la partie. Si, à Montréal, un hymne bilingue est interprété lors des matchs des Canadiens, il faut se rappeler que du temps des Nordiques, à Québec, entre 1972 et 1995, l’Ô Canada était interprété uniquement en français.

L’historien Benoît Clairoux, auteur du livre Les Nordiques de Québec, dit se souvenir que le club avait même une entente avec les Jets de Winnipeg selon laquelle l’hymne national au Colisée était chanté dans les deux langues officielles lorsque les Jets étaient de passage. Quand les Nordiques jouaient au Winnipeg Arena, une partie de l’hymne national était en français.

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